Chapitre 31

31 3 0
                                    


PDV : Hayden

— Bonjour, voilà votre commande.

La femme à la porte me sourit poliment en prenant les boîtes de pizza que je lui tendais. Son regard fatigué et son léger sourire me rappelaient que je n'étais pas le seul à finir tard ce soir.

— Merci beaucoup, jeune homme. Passez une bonne soirée.

— Merci, vous aussi.

Je regardai la porte se fermer lentement devant moi, le clic sec résonnant dans l'air frais de la nuit. Enfin, j'avais terminé. Je lâchai un long soupir de soulagement, sentant la tension accumulée de la soirée s'évacuer un peu.

Je quittai le perron de la maison et rejoignis ma moto garée à quelques mètres de là. Le quartier était calme à cette heure, seules quelques lumières dans les maisons témoignaient d'une activité encore présente. C'était une partie de la ville que je connaissais bien, après tant de livraisons dans les rues étroites et parfois sinueuses. Mais ce soir, je n'avais pas envie de traîner.

Je rangeai la sacoche de livraison sur le siège arrière de ma moto, vérifiant une dernière fois que tout était en ordre. La nuit s'étirait au-dessus de moi, claire et pleine d'étoiles. Le silence environnant n'était interrompu que par le faible bruit du vent et les bruits lointains des voitures.

Remettant mon casque, je pris un moment pour apprécier ce calme. Cela contrastait tellement avec la journée mouvementée que j'avais passée. Tout le monde semblait si pressé de rentrer chez soi, de retrouver leur famille, tandis que moi... je ne savais pas vraiment ce qui m'attendait une fois rentré. Peut-être juste encore plus de solitude.

J'allumai le moteur, le ronronnement familier me ramenant à la réalité. La dernière livraison marquait la fin d'une autre longue journée, une de plus dans cette routine que j'avais commencé à détester. Il y avait une satisfaction à voir une tâche se terminer, mais aussi un vide qui suivait. Un vide que j'avais du mal à remplir, même avec les heures passées à travailler ou à étudier.

En chemin vers la pizzeria pour rendre ma sacoche et récupérer mon salaire, je repensai à Maya. Elle occupait de plus en plus mes pensées... je savais qu'elle me suspectait encore, qu'elle pensait que j'étais impliqué dans la mort d'Amy. Et malgré tout, chaque fois qu'elle franchissait le seuil de ma porte, un étrange soulagement m'envahissait. C'était comme si, malgré ses doutes, malgré l'ombre d'Amy qui planait au-dessus de nous, je trouvais un réconfort dans sa présence. Un réconfort que je n'arrivais plus à ressentir ailleurs. Mais ce sentiment, cette chaleur qui grandissait doucement en moi, me mettait mal à l'aise. Comment pouvais-je me permettre d'éprouver quoi que ce soit pour elle alors qu'elle cherchait à prouver que j'étais coupable de quelque chose d'horrible ? C'était absurde, presque cruel.

Je m'arrêtai à un feu rouge, profitant du moment pour relâcher un peu la tension dans mes épaules. Mais je ne pouvais m'empêcher de la voir, de l'imaginer assise dans mon salon, concentrée sur son travail tout en me lançant des regards furtifs, des regards emplis de méfiance. Elle me croyait capable de l'impensable, et pourtant, elle continuait à venir. À rester. Parfois, je me demandais si elle ne faisait pas exprès. Si elle n'essayait pas de me pousser à bout, de me voir craquer sous le poids de ses accusations silencieuses. Mais chaque fois qu'elle était là, je sentais quelque chose changer en moi.

Elle ne se rendait peut-être pas compte, mais je la regardais souvent lorsqu'elle pensait que je ne faisais pas attention. Les petites choses qu'elle faisait... ce léger froncement de sourcils quand elle se concentrait, cette manière de jouer avec une mèche de cheveux lorsqu'elle était nerveuse. Tous ces détails devenaient des repères dans cette routine étrange que nous avions créée.

Et puis il y avait cette culpabilité, ce poids constant dans ma poitrine. Comment pouvais-je être heureux qu'elle soit là, alors que tout ce qu'elle cherchait, c'était une vérité qui pourrait tout détruire ? Amy.

Le feu passa au vert, et je redémarrai doucement. La pizzeria était juste au coin de la rue, et bientôt, je pourrais enfin rentrer chez moi. Une fois là-bas, peut-être que je pourrais prendre le temps de réfléchir à tout ça, de comprendre ce que je voulais vraiment.

En arrivant à la pizzeria, je garai ma moto et descendis, retirant mon casque. Les lumières intérieures étaient encore allumées, et quelques collègues étaient encore là, en train de ranger les dernières choses avant de partir. Je passai la porte, la clochette sonnant mon arrivée.

— Eh bien, Hayden, dernière livraison de la soirée ? demanda Marc, l'un des chefs.

— Ouais, enfin terminé.

Je déposai la sacoche sur le comptoir, puis me dirigeai vers le vestiaire pour récupérer mes affaires. La fatigue commençait à vraiment se faire sentir, mais il y avait aussi cette sensation de devoir inachevé qui me suivait partout. En quittant la pizzeria, je pris une grande inspiration.

J'enfourchai ma moto, cette fois-ci sans précipitation. Je n'avais pas particulièrement hâte de rentrer chez moi, mais je savais que je n'avais pas vraiment d'autre choix.

Je traversai la ville, le ronronnement de la moto étant mon unique compagnie. La route vers chez moi était presque automatique, chaque virage et chaque croisement gravés dans ma mémoire. Une fois arrivé devant la maison, je coupai le moteur, écoutant le silence qui suivit. Je restai un moment assis sur la moto, les mains toujours accrochées au guidon, hésitant à descendre.

Finalement, je me résolus à rentrer. La maison était plongée dans l'obscurité, comme d'habitude. Mes parents n'étaient pas là, comme d'habitude. Ils travaillaient tard, si on peut encore appeler ça travailler. Mon père dirigeait une entreprise de transports, et ma mère l'aidait avec la gestion. Ils étaient rarement présents, préférant s'occuper de leurs affaires plutôt que de leur fils.

Je poussai la porte d'entrée, écoutant le léger grincement des gonds qui me rappelait à chaque fois que cette maison avait besoin de réparations que personne ne prenait la peine de faire. Je me glissai dans le hall sombre et me dirigeai vers la cuisine, allumant la lumière d'un simple geste. Tout était en ordre, propre, mais impersonnel, comme une maison témoin, sans âme.

Je pris une bouteille d'eau dans le réfrigérateur et m'appuyai contre le plan de travail, laissant mon regard errer sur la pièce. C'était toujours la même routine : rentrer dans une maison vide, dîner seul, puis me retirer dans ma chambre. Mais ce soir, quelque chose en moi se sentait plus lourd, comme si une partie de moi commençait à se lasser de cette solitude permanente.

Je bus une longue gorgée d'eau, essayant de me débarrasser de ce nœud qui se formait dans ma gorge. J'avais l'habitude de la solitude, mais parfois, elle devenait insupportable. Et ce soir, elle était particulièrement pesante.

Je quittai la cuisine et montai les escaliers, me dirigeant vers ma chambre. Une fois à l'intérieur, je fermai la porte derrière moi, laissant le poids de la journée glisser de mes épaules. La pièce était sombre, mais je connaissais chaque recoin. Je déposai mon sac sur le sol et me laissai tomber sur le lit, le regard fixé sur le plafond.

Je savais que dormir serait difficile ce soir. Et j'avais bien raison j'ai pris au moins deux heures avant de m'endormir.

 L'ombre du ParapluieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant