Chapitre 20

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PDV : Maya

Après ma séance avec la psychologue, je quittai le cabinet en tenant le carnet que m'avait donné la thérapeute. Bien que je ressentisse un léger soulagement, le poids invisible de ma tristesse restait omniprésent. Le trajet de retour à la maison se déroula en silence, chaque pas semblant amplifié par mon sentiment de solitude. Les rues, habituellement familières, semblaient aujourd'hui plus menaçantes et froides, accentuant mon isolement.

En rentrant chez moi, je poussai la porte d'entrée avec une lenteur pesante. L'appartement était désert, comme à son habitude. Mon père était au travail, et Manon, la femme de ménage, préparait le dîner.

— Alors, ta journée, Maya ? C'était comment ? demanda-t-elle, l'air un peu inquiet.

— Ouais, super. Je vais dans ma chambre, répondis-je, sans vraiment vouloir engager la conversation.

Je montai les escaliers et me dirigeai vers ma chambre, le carnet serré contre ma poitrine. Une fois installée à mon bureau, je le posai devant moi et l'ouvris avec soin. Les pages blanches semblaient m'inviter à libérer mes pensées. Je pris une profonde inspiration et commencai à écrire.

Les mots coulaient lentement, comme une libération progressive de mes pensées les plus profondes. Je notai les événements récents, mes frustrations et ma détresse. Je décrivis la scène dans la classe, l'humiliation que j'avais ressentie, le sentiment d'être constamment sur la sellette. Chaque phrase creusait un peu plus dans la douleur que je tentais de comprendre et de surmonter.

En écrivant, je revivais les moments de ma journée : les chuchotements dans les couloirs, les regards furtifs, la sensation d'être une paria parmi mes pairs. Le carnet devenait un réceptacle pour toutes les émotions que je gardais enfouies en moi.

Le temps passa sans que je m'en rende compte. Lorsque je fermai le carnet, je me sentais épuisée mais aussi étrangement apaisée. Il y avait quelque chose de libérateur à exprimer ma souffrance par écrit.

Je rangeai soigneusement le carnet dans un tiroir, le traitant comme un précieux trésor. La nuit était tombée, l'appartement plongé dans un calme presque oppressant. Je me glissai sous les draps, mais le sommeil se faisait attendre. Je restai éveillée, réfléchissant à ce que j'avais écrit et à ce que cela pourrait signifier pour moi.

Soudain, la porte de ma chambre s'ouvrit brusquement.

— Putain, Maya, qu'est-ce que tu fais encore au lit à cette heure-ci ? Tu as cours aujourd'hui, et tu sais que je déteste recevoir des appels de ton lycée. On dirait que tu fais exprès ! s'exclama mon père, furieux.

— C'est bon, calme-toi, je me lève, répondis-je d'une voix fatiguée.

— Tu as intérêt à être prête dans 15 minutes ! Non mais franchement, à quoi ça me sert de payer cette putain d'école si c'est pour que tu rates les cours la plupart du temps ? J'ai l'impression que tu ne fais aucun effort ! Je ne sais même pas pourquoi je m'énerve... de toute façon, telle mère, telle fille. Toutes les deux les mêmes.

Je sentis une colère montante face à ses remarques injustes. J'étais déjà épuisée par ces jours difficiles, et les critiques incessantes de mon père étaient le dernier coup de pied.

— Ça suffit ! criai-je soudainement, incapable de contenir plus longtemps ma rage. Il est hors de question que tu continues à parler d'elle comme si elle n'était qu'une erreur !

Mon père s'arrêta, stupéfait par mon éclat de voix. Je pouvais voir la surprise dans ses yeux, mêlée à une trace d'incompréhension. Je me sentais prête à exploser, à déverser toute la douleur et la frustration que je gardais en moi.

— Tu m'as déjà enlevé la seule chose que j'avais d'elle, sa veste, le seul objet qui me restait pour me souvenir d'elle. Alors maintenant, je ne peux plus supporter d'entendre tes remarques haineuses à son sujet. Ça suffit amplement ! Et puis tu n'arrêtes pas de dire que je ne fais aucun effort, mais ne serait pas plutôt toi qui n'en fais aucun ?!

— Hein ? Qu'est-ce que tu racontes, Maya ?!

— Tu me regardes toujours avec dégoût, tu fais comme si je n'existais pas ! Et lorsque tu t'adresses à moi, c'est toujours pour me critiquer !

— Mais...

— Non, laisse-moi finir ! Pendant que tu jouais au père parfait avec ta petite famille, maman et moi étions seules à essayer de nous en sortir. Et maintenant tu oses me dire que je ne fais aucun effort ?!

— Maya...

— Non ! Laisse-moi finir ! continuai-je, la voix tremblante. Tu m'as traitée comme si je n'avais pas de cœur ! Qu'ai-je fait pour mériter ça, papa ? Pourquoi m'as-tu abandonnée ce soir-là ? Est-ce si difficile de t'occuper de moi et de m'aimer ?

Mon père resta figé, bouche bée et la tête baissée, incapable de me regarder. Après un long silence, il se détourna et sortit de ma chambre sans dire un mot. La porte se referma doucement derrière lui, laissant un silence lourd et oppressant dans la pièce.

J'en avais assez d'entendre mon père cracher sur ma mère. C'était comme une lame de couteau qui s'enfonçait un peu plus profondément chaque fois qu'il en parlait. Il m'avait déjà enlevé la seule chose qui me restait d'elle : sa veste en laine, ce vieux vêtement qui avait été un réconfort silencieux dans les moments difficiles.

Chaque fois qu'il la mentionnait ou la critiquait, c'était comme s'il effaçait un peu plus son souvenir, comme s'il détruisait lentement le lien fragile que j'avais avec elle. C'était déjà difficile de vivre avec son absence ; mais entendre mon père la dénigrer, la rendre responsable de tous les malheurs de notre famille, était une épreuve insupportable. Je sentais une colère sourde grandir en moi chaque fois que ses paroles pleines de rancœur résonnaient dans la maison.

Ce n'était pas seulement les critiques qui me blessaient, mais aussi la manière dont il réduisait sa mémoire à un fardeau, comme si elle était la source de tous nos problèmes. Il ne se contentait pas de détruire les souvenirs ; il voulait aussi briser ce qu'il me restait d'elle, me privant de toute consolation dans ces moments de solitude.

 L'ombre du ParapluieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant