Chapitre 18

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PDV : Maya

Le lendemain, je me rendis en cours avec un nœud au ventre. La confrontation avec Hayden de la veille ne quittait pas mon esprit, mais je savais que je devais avancer, continuer à chercher des réponses. En arrivant dans la cour du lycée, j'aperçus Elisa entourée de notre groupe habituel. Je m'approchai d'eux, mais dès qu'ils me virent, un silence gêné s'installa.

— Salut. commençai-je, incertaine.

Elisa leva les yeux vers moi, mais son regard n'avait plus rien de la chaleur habituelle. Au lieu de ça, je vis de la méfiance et quelque chose qui ressemblait à de la pitié.

— Maya, on doit parler dit-elle en se levant. Elle m'entraîna à l'écart du groupe, loin des oreilles indiscrètes.

— Qu'est-ce qui se passe, Elisa ? demandai-je, sentant la panique monter.

Elle soupira, comme si ce qu'elle allait dire la pesait lourdement.

— Écoute, commença-t-elle doucement, mais fermement, tu as vraiment besoin d'aide. Tu te mets des idées en tête, tu vois des choses qui n'existent pas. Hier, tu as parlé de Hayden, de Amy et de son meurtre... mais Maya, tu n'as pas l'air de te rendre compte que ça n'a aucun sens.

— Sérieusement...

—  Maya, je t'ai vue changer ces derniers mois. Tu parles tout le temps d'Amy, de cette nuit, de Hayden... C'est comme si tu étais obsédée par ça. Les autres commencent à en parler, à s'inquiéter pour toi.

— Les autres ? répétai-je, ma voix se brisant. Et toi, Elisa ? Toi aussi, tu penses que je suis folle ?

Elle détourna le regard, incapable de me répondre directement.

— Je t'ai déjà dis que je ne sais pas quoi penser, Maya, finit-elle par avouer. Mais je ne peux pas continuer à te suivre dans cette spirale. J'ai besoin de prendre du recul.

— Tu veux dire que tu m'abandonnes ?

—  Je pense qu'il vaut mieux qu'on prenne nos distances pour un moment, répondit-elle, évitant toujours mon regard. Peut-être que ça te fera réfléchir.

Je restai là, figée, alors qu'elle retournait vers le groupe. Ils me jetèrent un coup d'œil, des murmures s'élevant à peine perceptibles. Je savais ce qu'ils pensaient, ce que tout le monde pensait : Maya est folle. Cette pensée tourbillonnait dans ma tête comme un poison.

Quand je me dirigeai vers la salle de classe, les regards se posèrent sur moi, certains furtifs, d'autres ouvertement curieux ou méprisants. Le mot avait dû se répandre. La rumeur que Maya perdait la tête, qu'elle voyait des choses qui n'existaient pas, était désormais sur toutes les lèvres.

Je pris place à mon bureau, l'esprit embrouillé par un mélange de rage, de tristesse, et d'incompréhension. Comment les choses avaient-elles pu en arriver là ? Comment avais-je pu perdre mes amis, ma réputation, tout ce qui me semblait normal ? La solitude pesait sur moi comme un fardeau insupportable.

Quand Hayden entra dans la classe, il m'ignora complètement, comme si je n'existais plus. Et dans cet instant, je sus qu'il avait gagné, du moins pour l'instant. Mais même si tout le monde me tournait le dos, même si tous pensaient que j'étais folle, je ne pouvais pas abandonner. La vérité était quelque part, enfouie sous les mensonges et les apparences, et j'étais déterminée à la découvrir, coûte que coûte.

Les jours passèrent, et le poids du silence autour de moi devint de plus en plus lourd. Au début, c'était juste des murmures, des chuchotements à peine perceptibles dès que je franchissais une porte. Un éclat de rire étouffé par une main devant la bouche, des regards échangés, des mots murmurés que je ne pouvais pas saisir. Mais je savais que c'était de moi qu'ils parlaient.

Au départ, je me suis convaincue que ce n'était qu'une impression, que je me faisais des idées. Mais, avec chaque jour qui passait, cette sensation devenait de plus en plus tangible, impossible à ignorer. C'était comme si le monde entier s'était ligué contre moi, mais de manière subtile, presque imperceptible, et pourtant, si cruelle. J'avais beau essayer de les ignorer, de faire comme si cela ne m'atteignait pas, je ne pouvais nier que ce silence pesant commençait à m'écraser, à me voler chaque instant de paix.

Mais que pouvais-je faire, à part garder le silence ? Parler ne ferait qu'empirer les choses, je le savais. Chaque mot que je pourrais dire serait tourné contre moi, alimentant encore plus les rumeurs et les moqueries. Alors, je me suis contentée de serrer les dents, de baisser la tête et d'avancer, même si chaque pas me coûtait davantage.

Le pire, c'était en cours. Là où je devais faire semblant que tout allait bien, alors que l'atmosphère était si tendue que j'avais du mal à respirer.

— Hayden et Maya, vous serez ensemble pour le TP la semaine prochaine, annonça la professeure d'un ton neutre.

Mon cœur fit un bond dans ma poitrine. Travailler avec Hayden, être forcée de passer du temps avec lui alors que tout semblait s'effondrer autour de moi, c'était la dernière chose que je souhaitais. Je n'eus même pas le temps de réagir que la voix d'Hayden s'éleva, froide et distante.

— Madame, est-ce que je pourrais changer de binôme ? demanda-t-il sans même un regard vers moi.

Un silence pesant s'installa dans la salle, les regards se tournèrent vers moi, certains curieux, d'autres moqueurs. Mon estomac se noua. Il ne voulait pas travailler avec moi, comme si j'étais toxique, comme si le simple fait d'être à mes côtés pouvait l'entacher. J'avais l'impression que cette simple demande allait attiser encore plus la haine et le mépris que je ressentais déjà autour de moi.

— Non, une prochaine fois peut-être, répondit la professeure, visiblement agacée.

— Mais...

— On peut peut-être travailler seul chacun de notre côté, intervins-je, désespérée à l'idée de devoir partager un moment avec lui.

La professeure posa ses lunettes sur son bureau et nous fixa, un mélange de lassitude et de fermeté dans le regard.

— Maya, Hayden, ça suffit. Vous travaillerez ensemble, point final.

Je sentis mes joues s'enflammer, non pas de honte, mais de colère. Pourquoi fallait-il que ce soit moi ? Pourquoi tout le monde semblait-il s'accorder pour me faire comprendre que je ne méritais même pas la moindre considération ? Hayden ne voulait pas être associé à moi, et cette simple vérité résonnait dans chaque fibre de mon être.

Le reste du cours se déroula dans un brouillard. Les mots de la professeure me parvenaient comme à travers un épais mur de verre, déformés, sans aucune signification réelle. Tout ce que je pouvais penser, c'était à cette humiliation, à ce rejet public qui n'avait fait qu'alimenter les murmures et les ricanements derrière moi.

À la fin du cours, alors que tout le monde se levait pour sortir, je restai assise un instant de plus, fixant mon cahier sans vraiment le voir. Les larmes menaçaient de couler, mais je les retins. Pleurer ne ferait qu'ajouter à leur plaisir.

Quand enfin je me levai, je sentis les regards sur moi, ces regards pleins de pitié, de mépris, ou pire encore, d'indifférence. Chacun semblait participer à mon ostracisme sans même s'en rendre compte, ou peut-être que si, mais qu'ils s'en moquaient. Et au milieu de tout ça, il y avait Hayden, le dos tourné, déjà entouré de ses amis, comme si rien ne s'était passé.

Comme si j'étais invisible.

 L'ombre du ParapluieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant