Chapitre 38

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Le train glissait doucement sur les rails, émettant un léger cliquetis régulier, un bruit apaisant pour certains, mais pour Sahar, il n'était qu'un écho lointain, presque imperceptible. Les paysages défilaient derrière la vitre, vastes étendues désertiques parsemées de quelques collines et d'arbustes solitaires, se dissolvant peu à peu dans les brumes de l'aube naissante. Le soleil, encore timide, teintait le ciel de nuances de rose pâle et d'orange délicat, peignant un tableau serein qui contrastait cruellement avec le tumulte intérieur de Sahar.

Mééra, assise à côté d'elle, la regardait avec une inquiétude qu'elle ne parvenait plus à dissimuler. Depuis leur départ du palais, Sahar semblait s'éloigner de plus en plus, comme une étoile dont la lumière faiblissait lentement. Chaque jour, elle la voyait se recroqueviller davantage en elle-même, ses yeux perdus dans un vide qu'elle ne pouvait combler.

— Tu te sens capable d'affronter cette nouvelle journée ? demanda Mééra, brisant le silence, sa voix douce essayant de percer la bulle de mélancolie qui enveloppait son amie.

Sahar tourna la tête lentement, comme si le simple fait de répondre lui coûtait une énergie qu'elle ne possédait plus. Ses yeux, autrefois si vifs, étaient ternes, comme éteints, reflétant un monde intérieur ravagé par la tristesse.

— Je ne sais pas, murmura-t-elle enfin, sa voix à peine audible, emportée presque aussitôt par le bruit du train.

Leurs regards se croisèrent, et Mééra sentit une vague de tristesse l'envahir. Elle connaissait cette réponse, ce doute constant qui rongeait Sahar depuis des semaines. Chaque matin était une lutte, non seulement pour se lever, mais pour trouver une raison de continuer, de mettre un pied devant l'autre malgré le poids immense de sa peine.

À l'extérieur, le paysage aride semblait figé dans le temps. Les rares arbres qui surgissaient au loin étaient tordus par les vents, leurs branches comme des bras tendus vers le ciel, cherchant désespérément un salut qui ne venait jamais.

Le silence du désert était oppressant, seulement troublé par le rythme monotone du train, comme une berceuse mélancolique pour les âmes perdues.

Sahar reporta son regard sur l'horizon, où le soleil commençait à se lever un peu plus haut, mais au lieu d'apporter de la chaleur, il ne faisait qu'accentuer la sensation de vide qu'elle ressentait. Chaque rayon de lumière lui semblait cruel, comme s'il soulignait l'ironie de la vie qui continuait malgré sa souffrance, malgré son cœur brisé. Elle se sentait prisonnière dans ce train, tout comme elle l'était dans sa propre existence, incapable de s'échapper de ce tunnel sombre qui s'étendait devant elle, sans fin apparente.

Mééra, sentant la détresse de son amie, posa une main réconfortante sur la sienne. Le contact, bien que léger, se voulait un ancrage, un rappel qu'elle n'était pas seule dans cette traversée du désert qu'était devenue sa vie. Mais Sahar, bien que reconnaissante de ce geste, ne pouvait s'empêcher de se sentir isolée, comme si une partie d'elle était déjà perdue dans les limbes de sa propre douleur.

Le train approchait lentement de la gare de Talayeh, et avec elle, la réalité de la journée à venir s'imposait. Le travail à l'hôpital, bien que routinier, demandait une force mentale que Sahar peinait à rassembler. Chaque patient, chaque sourire forcé lui coûtait une partie d'elle-même, et elle se demandait combien de temps elle pourrait encore continuer ainsi, à soigner les autres alors qu'elle se sentait si irréparablement brisée.

— Nous y sommes presque, murmura Mééra, sa voix teintée d'un espoir qu'elle essayait de transmettre à Sahar.

Mais Sahar ne répondit pas. Ses yeux restaient fixés sur le paysage qui défilait, se perdant dans les dernières ombres du matin. Elle se sentait comme ces arbres solitaires, battus par le vent, tordus par les épreuves, mais toujours debout, par habitude plus que par choix. Et elle se demandait, pour combien de temps encore elle pourrait tenir avant de s'effondrer complètement.

𝗟𝗔 𝗩𝗜𝗦𝗜𝗧𝗘 𝗗𝗨 𝗣𝗢𝗧𝗜𝗘𝗥Où les histoires vivent. Découvrez maintenant