Chapitre 17

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— Pourquoi me regardez-vous de la sorte ? questionna Sahar en piquant dans son assiette, incapable d'avaler quoi que ce soit.

Il regardait les yeux de la jeune femme dont le regard semblait pouvoir le palper telles des mains d'aveugles.

— Que représente ce collier à votre cou? répliqua le roi en pointant du doigt le bijou en question.

— C'est un collier qui m'a été donné par ma grand-mère. C'est censé me protéger du mauvais œil, selon elle.

— Détachez-le de votre cou et donnez-le-moi.

— Pourquoi vous donnerais-je le cadeau que j'ai reçu de ma grand-mère?

— Je ne tolère aucun objet ayant des liens avec des doctrines de démons dans mon royaume, mademoiselle Jain.

— C'est tout ce qu'il me reste de ma chère grand-mère.

Le roi la regarda longuement, semblant pénétrer au plus profond de son âme. Ses yeux d'un bleu glacial paraissaient refléter la dureté de sa décision.

— J'ai cru comprendre que vous aviez défié vos parents à cause de la personne de Jésus. Sachez que pour rentrer dans le royaume de Dieu, il vous faudra renoncer à tout ce qui ne l'honore pas, mademoiselle. Je comprends votre attachement à votre grand-mère, mais comprenez que dans mon royaume, nous devons veiller à ce que chaque objet soit en adéquation avec nos valeurs et nos croyances. Ce collier, malgré son apparence anodine à vos yeux, est en réalité un symbole des forces des ténèbres.

Désemparée, Sahar se leva lentement de sa chaise et détacha le collier de son cou. Ses mains tremblaient, mais elle tint bon et le tendit au roi. Ce geste lui coûtait plus cher que tout ce qu'elle aurait pu imaginer. Elle sentait comme si un lien se brisa à jamais dans sa vie, lorsqu'elle l'enleva de son cou. Elle tendit le bijou au roi, acceptant de se séparer de ce dernier lien tangible avec sa grand-mère.

Le roi prit délicatement le collier des mains de Sahar et l'examina attentivement. Une lueur sombre passa dans ses yeux alors qu'il murmurait quelques paroles dans une langue ancienne. Sahar sentit un frisson lui parcourir l'échine, réalisant soudainement la véritable nature de cet objet qui avait été si cher à son cœur. Elle savait que ce geste marquait un tournant dans sa vie, un pas de plus vers la lumière qu'il évoquait.

Le roi fixa Sahar avec intensité, comme s'il attendait quelque chose d'elle. Un silence pesant régna pendant de longs instants avant qu'il ne prenne enfin la parole.

— Rappelez-vous, parfois, il vous faudra abandonner ce qui nous retient pour avancer vers la lumière. C'est-à-dire Jésus-Christ. Il vous faudra de ce fait accepter de vous abandonner totalement à la volonté de Dieu pour vous.

Son autorité imposante contrastait avec la douceur de ses paroles, et Sahar ne put s'empêcher de ressentir un profond respect envers cet homme.

— La femme qui a soigné mes plaies, m'a racontée que vous aviez transformé ce pays en ramenant le cœur du peuple vers Dieu. Mais, je n'avais pas pris la peine de lui demander de quel Dieu il était question. Je suis heureuse de savoir que Dieu ait suscité un homme tel que vous dans cette génération.

— Vous parlez d'AÏn?

— Oui, c'est d'elle dont je parle. Je tenais à vous présenter mes excuses. J'ai hâté mon jugement vous concernant, sans même vous connaître. Veuillez pardonner mon erreur, votre majesté, s'excusa-t-elle en s'inclinant devant lui.

Il posa doucement sa main sur l'épaule de Sahar pour la relever. Elle sentit un frisson la parcourir à ce contact, une sensation à la fois chaleureuse et réconfortante.

— Je n'ai pas été très chaleureux dans mon accueil envers vous. C'est tout à fait compréhensible que vous ayez eu une mauvaise image de moi, mademoiselle Jain. Ne vous préoccupez pas pour cela, j'ai déjà tout oublié. La seule chose qui compte maintenant, c'est que vous avez arraché ce collier qui vous maintenait enchaînée dans des doctrines de démons selon lesquelles un objet pourrait vous apporter la protection. Dieu seul peut vous protéger des ruses du diable.

Sahar leva les yeux vers le roi, cherchant à déchiffrer le sens profond de ses paroles. Elle se sentait à la fois troublée et apaisée en sa présence, comme si une force invisible la guidait vers un destin inconnu, mais prometteur.

— Restez en Al-hazar, mademoiselle Jain.

— Je ne sais pas ce que je dois faire. murmura-t-elle d'une voix qui trahissait les émotions qui emplissaient son cœur à l'entente des paroles du roi.

— Vous ne pourrez que mieux connaître le Dieu pour lequel vous n'avez pas hésité à renier les idoles faites de mains d'hommes, devant lesquels vous vous prosterniez autrefois. Ces idoles faites par des artisans ne sont nullement en mesure de parler, de voir et d'entendre. Il ne sauve pas de la détresse. Par ailleurs, lorsque vous avez pris l'initiative de crier au seul vrai Dieu qui a créé toutes choses, il vous a délivré et vous a conduit à moi dans ce désert. Il est l'unique Dieu, personne n'est semblable à lui. Aucun artisan ne peut dessiner sa splendeur.

— Comment savez-vous autant de choses sur moi? Je ne vous ai pourtant rien raconté sur mon passé dans l'hindouisme.

— Rien n'est caché aux yeux de celui à qui nous devrons rendre compte de la manière dont nous aurons mené notre vie sur cette terre, mademoiselle Jain. Qui d'autre à part Jésus peut me faire savoir de telles choses à votre sujet?

— Je ne vais plus revoir ma famille si je reste dans votre pays, prononça-t-elle d'une voix enrouée, les yeux embués de larmes. Je n'ai jamais cru que Jésus pourrait s'intéresser à moi, pour me libérer d'une telle manière. Toutefois, je dois revoir ma famille à nouveau.

— Si vous retournez chez vous, vous ne serez pas bien reçue, vous gagnez bien plus en vous attachant à Jésus. Jésus vous aime profondément, Sahar. Au point d'avoir donné sa vie en rançon pour le pardon de vos péchés. Quelqu'un vous a aimée d'un tel amour, autre que lui?

— Vous avez raison, personne ne m'a aimée ainsi, pas même ceux qui m'ont engendré. C'est vrai que j'ai tout à y gagner dans votre pays, mais, je serai seule, sans personne sur des terres qui me sont totalement inconnues.

— C'est par beaucoup de tribulations qu'il nous faut entrer dans le royaume de Dieu. Vous ne retrouverez pas la relation que vous aviez avec vos parents, si vous n'abandonnez pas Jésus pour retourner à ses choses que vous aviez vomies. Si Jésus qui est Dieu a volontairement abandonné les privilèges rattachés à cela pour s'humilier comme un simple homme afin de mourir pour vous et moi ainsi que pour une grande multitude, à combien plus forte raison devrions-nous renoncer à nous-même par amour pour lui , lui qui nous a aimé le premier?

— C'est dur d'abandonner tout d'un seul coup. Je ne sais pas si je vais y parvenir par moi-même.

— Vous n'y arriverez pas par vos propres forces. Dieu vous rendra capable de voir toutes ces choses auxquelles vous vous attachiez comme de la boue, les rejetant pour vous attacher à celui qui vous  aime d'un amour éternel et qui vous conserve sa bonté. Mais, pourquoi est-ce que j'ai le sentiment que ce n'est pas cette raison qui vous terrifie à ce point? Est-ce parce que je vous ai demandé d'être ma reine?

— Ce n'est pas pour cette raison que je tiens à partir.

— Qu'est-ce qui vous tient tant à cœur dans votre pays? C'est Jésus qui vous a conduit dans ce pays, lui seul connaît la raison pour laquelle il a fait cela. Si vous êtes confuse au sujet de votre avenir ici, vous devriez pour cela prier, il vous dira ce qu'il a prévu pour vous.

— Je n'ai plus d'avenir, votre majesté.

— Bien sûr que vous en avez un, mademoiselle Jain. Ne parlez pas ainsi! Ordonna-t-il en posant une main sur son épaule, alors que des larmes coulaient sur le visage de la jeune femme.

— Une personne qui est proche de la mort peut-elle espérer encore? Répliqua-t-elle d'une voix éraillée, ne pouvant plus contenir ses sanglots.

𝗟𝗔 𝗩𝗜𝗦𝗜𝗧𝗘 𝗗𝗨 𝗣𝗢𝗧𝗜𝗘𝗥Où les histoires vivent. Découvrez maintenant