Chapitre 32

57 14 0
                                    




Une fois seule, Sahar se laissa tomber dans un fauteuil, ses jambes semblant ne plus pouvoir supporter le poids des émotions qui la submergeaient. Elle fixa la fenêtre, ses yeux perdus dans la nuit, cherchant un refuge dans la beauté intemporelle du jardin. Elle se demanda combien de temps, il lui faudrait pour que les souvenirs de cette soirée s'estompent, mais elle savait au fond d'elle-même que le parfum enivrant des fleurs et surtout la présence rassurante d'Édrei demeureraient gravés en elle pour longtemps.

Un soupir échappa de ses lèvres alors qu'elle imaginait ce qu'aurait été sa vie si elle avait grandi dans une famille aimante, telle que celle du roi. Sa propre enfance avait été tout sauf heureuse. Dès sa naissance, elle avait senti le poids du rejet. Être née femme avait scellé son destin dans une société où seuls les fils étaient véritablement célébrés.

Sa mère, accablée par le mépris de sa belle-famille et l'indifférence cruelle de son mari, n'avait jamais su trouver la force d'aimer ses filles. Au contraire, elle déversait sur Sahar et ses sœurs la frustration et l'amertume accumulées, leur faisant payer injustement ce qu'elle subissait en silence. Le regard de sa mère, dur et plein de ressentiment, était gravé dans son esprit, une cicatrice invisible, mais toujours présente. Chaque mot acerbe, chaque geste brusque, avait forgé en elle une carapace de résilience, mais aussi une tristesse infinie.

En fermant les yeux, Sahar se remémorait les moments volés de bonheur, les rares éclats de rire partagés avec ses sœurs, les escapades en ville où, pour un instant, elles pouvaient oublier la dureté de leur réalité. Mais ces souvenirs s'entremêlaient avec ceux, plus récents, de sa dernière conversation avec son père et Surya.

La nuit avançait, et Sahar sentit une larme solitaire rouler sur sa joue. Elle pensa à Édrei, à sa bienveillance et à la chaleur de sa compagnie. Ses yeux brillants, pleins de douceur, avaient illuminé le cœur de Sahar comme un phare dans la nuit. Mais cette lueur était aussi un rappel douloureux de ce qu'elle ne serait jamais : une reine à ses côtés. La vie auprès d'un roi lui semblait un rêve inaccessible, un mirage qui se dissipait à mesure qu'elle tentait de le saisir. Que pouvait-elle offrir à Édrei, elle, une jeune femme marquée par les épreuves et le rejet?

Les pensées tourbillonnaient dans son esprit, créant un tumulte intérieur qu'elle peinait à apaiser. Une mélancolie douce-amère s'empara d'elle, mêlée à une pointe d'espoir fragile. Peut-être, se disait-elle, pourrait-elle trouver sa place ailleurs, loin des attentes imposées par la société. Elle s'imaginait alors dans un endroit paisible, où elle pourrait enfin se reconstruire, loin des souvenirs oppressants de son passé.

Mais pour l'instant, la réalité était là, pesante et inexorable. Une autre larme roula sur sa joue, suivie par d'autres, formant un ruisseau silencieux qui portait avec lui toute la douleur de son existence. Les larmes coulaient librement sur son visage, chaque goutte portant avec elle une parcelle de sa douleur inexprimable.

Sahar se laissa sombrer plus profondément dans le fauteuil, ses pensées se dispersant comme des feuilles d'automne emportées par le vent. Elle avait toujours rêvé d'une famille aimante, un foyer où la chaleur humaine et l'affection sincère étaient les fondements de chaque journée. Le contraste avec sa propre réalité n'en était que plus douloureux.

Dans sa maison, l'amour semblait être une notion étrangère. Dès son plus jeune âge, Sahar avait ressenti le poids du rejet. Sa mère, déçue par la naissance de filles, et son père, indifférent et absent, avaient fait de sa vie une série de jours moroses, dépourvus de la moindre étincelle de joie familiale. Elle se souvenait des repas silencieux, des journées monotones, des nuits remplies de pleurs étouffés sous les couvertures. Il n'y avait ni étreintes réconfortantes ni paroles rassurantes, seulement une froideur qui s'infiltrait dans chaque recoin de leur demeure.

𝗟𝗔 𝗩𝗜𝗦𝗜𝗧𝗘 𝗗𝗨 𝗣𝗢𝗧𝗜𝗘𝗥Où les histoires vivent. Découvrez maintenant