Sahar se réveilla bien avant l'aube, son cœur alourdi par des rêves tourmentés qui refusaient de se dissiper. L'obscurité de la nuit semblait étouffer ses pensées, et le silence pesant de l'appartement la plongeait davantage dans une solitude qu'elle peinait à supporter. Incapable de rester allongée, elle se leva doucement, se dirigeant d'un pas hésitant vers la cuisine, ce sanctuaire éphémère où elle trouvait parfois un peu de répit.
La cuisine avait toujours été un lieu de refuge pour elle, un espace où elle pouvait s'abandonner à des gestes familiers, où les arômes réconfortants des plats qu'elle préparait lui offraient une parenthèse, aussi brève soit-elle, à la douleur qui la rongeait. Ce matin-là, alors que l'aube pointait à peine, elle décida de préparer le petit-déjeuner pour Mééra et elle-même, espérant que ce rituel matinal parviendrait à apaiser, ne serait-ce qu'un instant, les tempêtes qui déchiraient son âme.
Le cliquetis des ustensiles et le doux crépitement des œufs dans la poêle remplirent l'espace de sons familiers, mais ils ne parvinrent pas à combler le vide qu'elle ressentait. Tandis qu'elle mélangeait les ingrédients, ses pensées dérivaient, inévitablement, vers le passé qu'elle avait laissé derrière elle.
Elle avait cru que quitter le palais, s'éloigner de cet environnement oppressant, lui apporterait une certaine paix. Mais la réalité la frappait avec une force implacable : le départ n'avait fait qu'exacerber sa douleur. Elle n'était plus que l'ombre d'elle-même, hantée par l'abandon de son père, par cet amour impossible qu'elle nourrissait en silence, et par cette culpabilité insidieuse de ne pas parvenir à pardonner.
La cuisine, pourtant si familière, lui semblait soudain étrangère, comme si les murs eux-mêmes se refermaient sur elle. Le parfum sucré des pâtisseries qu'elle avait mises au four ne suffisait pas à masquer l'amertume qui s'emparait d'elle. Elle se sentait déracinée, perdue dans un exil intérieur dont elle ne voyait pas l'issue.
Mééra, éveillée par le bruit et attirée par l'odeur alléchante, s'approcha discrètement de la cuisine. Elle observa Sahar, penchée sur le plan de travail, les traits tirés, l'air absent. Cette scène, qui aurait dû être celle d'un simple matin tranquille entre deux amies, était chargée d'une tristesse palpable, presque tangible.
— Tu es très matinale, dit doucement Mééra, tentant d'apporter un peu de légèreté à l'atmosphère lourde qui pesait sur elles.
Sahar sursauta légèrement, surprise d'entendre la voix de son amie. Elle se força à sourire, mais le geste semblait douloureux, comme un masque mal ajusté sur un visage fatigué.
— Je. . .je n'arrivais plus à dormir, murmura-t-elle en retournant à sa tâche. La cuisine m'aide à... à ne pas trop penser.
Mééra s'approcha lentement, posant une main réconfortante sur l'épaule de Sahar. Le contact, bien que réconfortant, fit affluer des larmes non versées, qui restèrent néanmoins suspendues au bord de ses yeux fatigués. Leurs regards se croisèrent, et Mééra vit toute la détresse que Sahar tentait de dissimuler derrière cette façade de normalité.
Elle observa Sahar avec une profonde tristesse, voyant son amie s'enfermer un peu plus chaque jour dans une douleur qui semblait insurmontable. Son visage, autrefois lumineux et plein de vie, était maintenant marqué par des cernes profonds, ses traits tirés par une souffrance qu'elle ne parvenait pas à dissimuler. Mééra s'efforçait de trouver les mots justes, ceux qui pourraient atteindre le cœur de Sahar et la ramener à la surface de cette mer de désespoir où elle sombrait peu à peu.
— Tu n'es pas seule, rappela doucement Mééra, espérant que ses mots parviendraient à briser la carapace de douleur qui entourait son amie.
Elle savait que ces mots, aussi sincères soient-ils, ne suffiraient peut-être pas à panser les plaies ouvertes de son amie, mais elle refusait de la laisser affronter ce tourment sans lui rappeler qu'elle n'était pas abandonnée à sa souffrance.
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𝗟𝗔 𝗩𝗜𝗦𝗜𝗧𝗘 𝗗𝗨 𝗣𝗢𝗧𝗜𝗘𝗥
Spiritual𝓡𝒐𝒎𝒂𝒏𝒄𝒆 𝑪𝒉𝒓𝒆́𝒕𝒊𝒆𝒏𝒏𝒆 | (𝒆𝒏 𝒄𝒐𝒖𝒓𝒔) Suivez les pas de Sahar, dont la foi est mise à rude épreuve, dans un monde où les préceptes traditionnels dictent la conduite et la réalité peut se montrer d'une violence implacable. Néanmoin...