Chapitre 34

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Le silence qui suivit fut lourd, presque tangible. Édrei ne bougeait pas, ses doigts toujours posés sur ceux de Sahar, comme s'il espérait retenir ce moment, l'empêcher de s'effriter. Il avait tant de fois rêvé de cet instant où elle ouvrirait son cœur, où elle lui dirait ce qu'elle ressentait, mais jamais, il n'avait imaginé que cela se terminerait ainsi.

Sahar baissa les yeux, fuyant son regard. Chaque mot qu'elle s'apprêtait à prononcer était une lame qu'elle plantait dans son propre cœur, mais elle savait qu'elle devait être honnête. Elle releva doucement la tête, croisant les yeux d'Édrei.

— Si je suis encore debout aujourd'hui, c'est grâce à vous. Mais. . . si je reste ici, je ne pourrai jamais être autre chose que l'ombre de moi-même. J'ai besoin de découvrir qui je suis vraiment, loin des souvenirs douloureux, loin de ce que je pourrais devenir pour vous.

Une larme glissa le long de sa joue, qu'elle essuya rapidement, tentant de garder sa détermination intacte.

 Édrei sentit une vague d'impuissance le submerger, une sensation qu'il n'avait pas connue depuis des années. Le roi invincible, celui qui pouvait tout contrôler, se retrouvait à présent démuni face à cette femme qu'il aimait en silence depuis si peu de temps. Il voulut protester, lui dire que le palais pouvait être le lieu de sa renaissance, qu'il pouvait lui offrir tout ce dont elle avait besoin pour se reconstruire. Mais les mots se brisèrent sur ses lèvres, et tout ce qu'il parvint à articuler fut un murmure douloureux.

— Et si je te perdais en te laissant partir ?

— Je suis vraiment navrée, j'ai bien peur de ne pas pouvoir répondre à vos attentes. Je ne peux pas être celle que vous espérez.

— Pourquoi tu doutes d'être celle qui me convient?

Sahar sentit son cœur se serrer à la question d'Édrei. Sa voix, empreinte d'une vulnérabilité qu'il ne montrait jamais, fit vaciller sa résolution. Elle le regarda, ses yeux cherchant à lire dans les siens une réponse qu'elle ne parvenait pas à formuler. Comment lui expliquer que ce n'était pas une question de convenir ou non, mais de se retrouver elle-même ? Que ce qu'elle ressentait était bien plus complexe que les simples attentes qu'il pouvait avoir ?

Elle prit une inspiration tremblante, cherchant les mots justes.

— Édrei. . . ce n'est pas toi, ce n'est pas ce que tu veux ou attends de moi. C'est ce que je ressens au plus profond de moi-même. J'ai l'impression de me perdre, de m'effacer petit à petit dans cet univers qui est le tien. Si je reste, je crains que ma véritable essence disparaisse, que je devienne quelqu'un d'autre, quelqu'un que je ne reconnaîtrais pas. je ne veux pas faire semblant d'être une autre personne.

Le regard d'Édrei se fit plus intense, perçant les défenses qu'elle s'efforçait de maintenir. Il serra un peu plus sa main, comme pour l'ancrer dans le présent, pour la rappeler à lui.

— Tu es celle que je veux, Sahar, dit-il doucement, mais avec une passion contenue. Je ne t'ai jamais vue comme une ombre. Ce palais, ma vie, tout ce que je suis, a plus de sens depuis que tu es ici.

Sahar sentit une nouvelle vague de larmes monter, mais elle les retint avec difficulté. Elle savait qu'il était sincère, qu'il croyait chaque mot qu'il disait. Et c'était précisément cela qui rendait les choses encore plus difficiles. Elle ne voulait pas le blesser, mais elle savait qu'elle ne pouvait pas être pleinement elle-même en demeurant ici.

— Je ne doute pas de ce que tu ressens, murmura-t-elle. Mais , je n'arrive pas à ressentir autre chose que la tristesse et la douleur. Tout mon être est habité par l'amertume, je suis entièrement ton contraire. Édrei . . . tu mérites quelqu'un qui puisse t'aimer sans réserve, sans peur, sans doute. Et moi... je ne suis pas cette personne. Je ne peux pas être celle que tu espères. Je suis désolée.

𝗟𝗔 𝗩𝗜𝗦𝗜𝗧𝗘 𝗗𝗨 𝗣𝗢𝗧𝗜𝗘𝗥Où les histoires vivent. Découvrez maintenant