Chapitre 46

35 9 1
                                    


Quelques lunes s'étaient écoulées depuis cette nuit qui avait bouleversé le cours de leur existence. Le royaume d'Al-Hazar s'agitait sous une rumeur grandissante, celle d'une annonce officielle venant de la couronne, une décision qui changera le cours de l'histoire d'Al-Hazar pour toujours.

Le palais, d'ordinaire silencieux dans ses murs imposants, bruissait désormais d'expectations, et dans les marchés comme dans les places publiques, les sujets spéculaient sur la nature de cette proclamation mystérieuse.

Sahar avait passé ses journées dans une incertitude grandissante, entre la peur de ce qui allait être révélé et le poids de son amour pour Édrei. Elle savait que cette annonce risquait de changer à jamais leur relation, mais ce qui la troublait le plus, c'était le secret qu'ils devaient garder.

Ce matin-là, Sahar se tenait devant son ordinateur, son visage empreint de tension. Mééra, à ses côtés, arrangeait distraitement ses longs cheveux noirs, essayant de la rassurer, bien qu'elle-même partageait cette nervosité palpable.

— Il ne révélera pas qui tu es, lui murmura Mééra de sa voix douce comme un murmure de soie. Il veut te protéger, Sahar. C'est pour cela qu'il a choisi de garder ton identité secrète pour le moment.

Sahar hocha la tête, mais le doute la rongeait. Elle avait confiance en Édrei, mais elle ne savait pas comment elle allait faire face à tout ça. L'idée d'être exposée à la curiosité de tous, même sous un voile de mystère, la glaçait.

— Elle délaissa le site du gouvernement d'Al-Hazar pour vérifier ses mails une énième fois. Elle espérait que Surya avait répondu à sa lettre, même si elle commençait à perdre espoir.

En ouvrant sa messagerie , les mots de sa sœur, écrits avec une cruauté désarmante, s'imposèrent à elle, résonnant dans son esprit comme une mélodie tragique.

« Sahar,
Je ne vais pas tourner autour du pot. Cette lettre m'a laissée sans voix, mais pas pour les raisons que tu espérais. Tu t'attendais peut-être à une réponse empreinte de compassion, de douceur. . . Mais je ne peux pas. »

À mesure qu'elle lisait, les doigts de Sahar se crispèrent sur le clavier, son souffle suspendu. Elle savait que la lettre serait douloureuse, mais elle n'était pas prête à recevoir une telle brutalité.

« Tu parles de pardon, de réconciliation, mais comment peux-tu espérer qu'il en soit ainsi ? Papa t'a reniée. Tu n'as plus ta place ici. Il te voit comme une traîtresse, quelqu'un qui a non seulement trahi sa foi, mais aussi l'honneur de notre famille. Et tu t'attends à ce que je me charge de jouer les messagères de la paix ? Que je sois celle qui portera tes mots et qui tentera de le convaincre de t'accueillir à nouveau ? »

Sahar sentit un nœud se former dans son estomac. Les mots de Surya étaient comme des coups de poignard, chacun plus acéré que le précédent.

« Tu n'as pas idée de ce que c'est de vivre ici depuis ton départ. Tu as pris ta liberté, ta foi, et tu t'es échappée, mais moi, je suis restée. Je suis restée à subir sa colère, à porter le poids de tes décisions. Chaque jour, c'est moi qui le vois se consumer dans sa haine. C'est moi qui encaisse les reproches silencieux, les regards lourds de rancœur. »

Sahar ferma les yeux, se mordant l'intérieur des joues pour ne pas éclater en sanglots. Chaque phrase de Surya était une flèche empoisonnée qui transperçait son cœur, laissant derrière elle une douleur lancinante.

« Alors non, Sahar, je ne lui remettrai pas ta lettre. Tu veux qu'il te pardonne, mais tu sais très bien qu'il n'y a aucune chance que cela arrive. Pas après ce que tu as fait. Sa fierté est plus forte que tout le reste. Il ne verra jamais tes excuses comme un signe de réconciliation, mais comme une nouvelle trahison. Alors non, je ne me risquerai pas à ça. Je ne vais pas te mentir : tu es morte pour lui. »

𝗟𝗔 𝗩𝗜𝗦𝗜𝗧𝗘 𝗗𝗨 𝗣𝗢𝗧𝗜𝗘𝗥Où les histoires vivent. Découvrez maintenant