❝ 𝐋𝐔𝐌𝐈𝐍𝐄𝐒𝐂𝐄𝐍𝐂𝐄 ❞ ʲᵃˢᵖᵉʳ ʰᵃˡᵉ ( FR )

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Le lendemain matin, Théodora s'éveilla, enveloppée par l'air frais et humide de Forks qui s'infiltrait doucement dans sa chambre. La pluie, incessante, martelait les vitres, dessinant des rivières sinueuses qui serpentaient lentement, comme des souvenirs flous se dissipant dans l'oubli. La lumière grise du jour filtrée à travers les nuages donnait au paysage une teinte verte, presque éthérée, où la forêt semblait vibrer sous l'effet de l'humidité. Il y avait dans cette atmosphère quelque chose de pesant, mais aussi d'apaisant, comme un murmure constant de la nature.

Théodora, allongée dans son lit, fixa un moment le plafond, absorbant le calme qui régnait à l'extérieur. La pluie, avec sa constance, lui donnait l'illusion d'un temps suspendu, d'un monde où tout pouvait rester immobile, au moins pour un instant. Cette sensation la poussa à une nouvelle résolution. Elle décida de suivre les conseils de Jasper : accepter les changements qui la traversaient au lieu de les combattre. Il était temps de se réconcilier avec cette partie d'elle-même qui la dépassait.

Lorsqu'elle arriva au lycée, l'air humide portait encore l'odeur des forêts détrempées, cette fragrance lourde de mousse et de bois mouillé, typique de Forks après la pluie. Le ciel restait bas, et la fine bruine qui persistait semblait se fondre dans la verdure environnante, comme un voile délicat posé sur la ville. Théodora inspira profondément, tentant de calmer son esprit en se concentrant sur la texture de l'air contre sa peau, sur les sons adoucis par la pluie. Chaque goutte, chaque souffle de vent, devenait une ancre, une tentative d'échapper à l'agitation qui la dévorait de l'intérieur.

Les premiers instants furent difficiles. Les bruits des discussions autour d'elle étaient toujours trop forts, et les odeurs, trop envahissantes. Chaque sensation semblait amplifiée, comme si le monde lui-même cherchait à la submerger. Mais au lieu de fuir, elle se força à respirer profondément. Petit à petit, elle s'efforça de se reconnecter à l'instant présent, à la réalité qui l'entourait.

L'air était saturé de l'essence de la terre mouillée, des arbres qui semblaient respirer sous la pluie, du vent frais qui portait avec lui la vie silencieuse de la forêt. Ce fut un lent apaisement, une vague qui reculait peu à peu.

À la pause déjeuner, Chloé et Eleanor la rejoignirent, apportant avec elles la légèreté qu'elle avait tant besoin de retrouver. Chloé la taquina aussitôt : "Alors, c'est quoi ton secret pour filer de la classe comme une héroïne de film d'action ? Mission Impossible ou tu cherches à battre un record de vitesse ?"

Eleanor, riant à gorge déployée, ajouta : "Ouais, on a cru que tu allais traverser un mur !"

Théodora ne put s'empêcher de sourire. Leurs blagues, bien que légères, semblaient résonner en elle d'une manière nouvelle, presque apaisante. "J'aime bien l'effet dramatique, que voulez-vous ?" répondit-elle avec un éclat de rire.

"Invite-nous la prochaine fois, on adore les sorties théâtrales !" plaisanta Eleanor, lui donnant une tape amicale sur l'épaule.

Pour un instant, elle se sentit presque normale. Le poids sur ses épaules, qui la pressait constamment vers le sol, s'allégea. Il y avait dans l'humour de ses amies une douceur qui lui permettait d'oublier, ne serait-ce qu'un moment, la tourmente silencieuse qui la rongeait.

Mais après cette brève parenthèse de légèreté, la journée au lycée laissa derrière elle un épuisement profond. Depuis le rituel, ses sens étaient en constante ébullition, captant chaque détail comme un réseau de nerfs à vif. Le bruit des conversations se répercutait dans son esprit, déformé et amplifié, tandis que la lumière des néons brûlait ses yeux fatigués. Tout semblait être trop, trop lumineux, trop bruyant, trop présent.

Quand elle sortit enfin du bâtiment, l'air frais et humide de Forks lui sembla presque salvateur. La pluie avait cessé, mais l'humidité persistait, suspendue dans l'atmosphère. L'odeur de la forêt environnante, intense et profonde, enveloppait ses sens, apaisant légèrement la pression qui martelait ses tempes.