❝ 𝐋𝐔𝐌𝐈𝐍𝐄𝐒𝐂𝐄𝐍𝐂𝐄 ❞ ʲᵃˢᵖᵉʳ ʰᵃˡᵉ ( FR )

☇ 𝟴𝟰

Théodora se tenait devant sa maison, contemplant le paysage brumeux de Forks qui l'entourait. La pluie fine, constante, semblait faire écho à l'agitation qui régnait en elle. Chaque goutte qui tombait sur son visage glacial lui rappelait à quel point elle s'était éloignée d'elle-même, de la vie qu'elle menait avant que tout cela ne commence.

Je me désagrège, une goutte à la fois, me fondant dans la grisaille...

Jasper, qui l'observait depuis un moment, ressentit cette lutte intérieure. C'était lui qui lui avait suggéré de retourner voir Magnus, convaincu que cela l'aiderait à se reconnecter avec la force qu'elle portait en elle. "Prête à partir ?" demanda-t-il, sa voix douce mais déterminée.

Théodora hocha la tête, le regard perdu dans le vide. "Je suppose que je n'ai pas vraiment le choix si je veux avancer."

Avancer... ou simplement ne plus reculer ?

Le ciel était lourd, d'un gris terne, lorsque Théodora et Jasper quittèrent Forks pour se diriger vers les montagnes où vivait Magnus. La route sinueuse serpentait entre les forêts denses, les arbres imposants formant une barrière naturelle contre le reste du monde. Chaque virage semblait les emmener un peu plus loin dans l'isolement. Théodora fixait le paysage à travers la fenêtre, le visage blême, ses pensées noyées dans un tourbillon d'anxiété et de manque.

La forêt danse autour de moi, mais je ne suis qu'une spectatrice. Tout m'échappe, même mon souffle...

Elle ne l'avait pas dit à Jasper, mais depuis quelques jours, elle ressentait les premiers symptômes de sevrage. Son corps la trahissait : des sueurs froides, des tremblements, un sentiment constant d'inconfort. Ses mains tremblaient légèrement sur ses genoux, et elle se mordit la lèvre, essayant de ne pas laisser sa nervosité transparaître. Le besoin de consommer de nouveau était de plus en plus insidieux, se faufilant dans son esprit comme une ombre malveillante.

Le manque est un poison qui coule dans mes veines, un serpent invisible qui s'enroule autour de moi...

Jasper, assis à côté d'elle, sentait son malaise sans avoir besoin de lire ses pensées. Il jeta un coup d'œil furtif vers elle, soucieux. "Tu es sûre que ça va ?" demanda-t-il d'une voix douce, rompant le silence tendu.

Théodora hocha la tête, mais ses yeux trahissaient un certain trouble. "Oui, ça va... juste un peu de fatigue," murmura-t-elle, détournant le regard pour cacher la vérité. Elle ne voulait pas qu'il sache à quel point elle se sentait désemparée, surtout avec ces pulsions de plus en plus difficiles à ignorer. Revenir voir Magnus était censé lui redonner une certaine clarté, mais à cet instant, elle se sentait plus perdue que jamais.

Fatigue ? Non, c'est une tempête qui gronde sous ma peau, prête à éclater...

La route, bordée de montagnes majestueuses et de cascades ruisselantes, leur offrait un spectacle à couper le souffle. L'air devenait plus vif à mesure qu'ils s'approchaient du domaine de Magnus, la fraîcheur de l'altitude pénétrant l'habitacle. Le vent sifflait doucement à travers les branches, mais pour Théodora, tout semblait distant, comme si elle observait le monde à travers un voile de brume.

Les montagnes s'élèvent, mais moi, je m'enfonce...

Après plusieurs heures de route, ils arrivèrent enfin devant l'immense maison de pierre, nichée au cœur de la montagne. L'endroit dégageait une sérénité presque mystique. Jasper sortit en premier, ouvrant la portière pour Théodora, qui descendit du véhicule d'un pas incertain, ses jambes légèrement flageolantes. Son cœur battait plus vite qu'il ne l'aurait dû, non pas à cause de la nervosité, mais à cause du manque qui commençait à se faire oppressant.

Mon corps me trahit, un battement de plus et je m'effondre...

Magnus apparut à l'entrée, les bras croisés, le regard perçant et bienveillant. "Je savais que tu reviendrais, Théodora," dit-il en souriant, sa voix grave résonnant comme un écho dans la vallée silencieuse.

Théodora hocha la tête sans mot dire, ses mains moites s'accrochant aux manches de sa veste pour tenter de masquer ses tremblements. Elle essayait de se concentrer sur les alentours – l'odeur humide de la mousse, le cri lointain d'un oiseau de proie, le bruissement des feuilles – mais tout semblait lointain, irréel. Elle avait la tête en coton, et cette sensation désagréable d'être à la limite de craquer ne la quittait pas.

Je suis un fil tendu, prêt à se rompre à la moindre secousse...

"Elle est un peu fatiguée," dit Jasper en la dévisageant d'un air inquiet, percevant bien plus que ce qu'elle ne voulait montrer. "Je pense que ces quelques jours ici pourraient lui faire du bien."

Magnus s'approcha, posant une main rassurante sur l'épaule de Théodora. "Reviens dans le moment présent, Théodora," murmura-t-il doucement. "Respire."

Elle ferma les yeux et tenta de faire ce qu'il lui demandait, de se concentrer sur sa respiration. Une bouffée d'air frais emplit ses poumons, mais cela ne suffisait pas à apaiser l'angoisse grandissante. Elle se sentait si fragile, si vulnérable. La dépendance semblait lui grignoter les pensées, comme un poison qui se répandait lentement dans tout son être.

L'air entre, mais il ne chasse pas ce feu qui me consume...

"Viens," dit Magnus en l'invitant à le suivre. Ils traversèrent un petit sentier derrière la maison, serpentant à travers une forêt dense et humide. L'atmosphère y était apaisante, presque envoûtante, mais Théodora ne parvenait pas à s'en imprégner. Chaque pas lui semblait lourd, et son esprit était embrouillé, comme pris dans un étau qui ne cessait de se resserrer.

La nature murmure sa paix, mais mon esprit hurle son chaos...

Arrivés sur le terrain d'entraînement, le même où elle s'était déjà exercée auparavant, Magnus se tourna vers elle avec un sourire encourageant. "Nous allons commencer doucement," dit-il. "Tu dois d'abord retrouver ton centre."

Théodora acquiesça, bien que la simple idée de s'entraîner lui parût épuisante. Elle avait l'impression d'être une coquille vide, un corps sans force. Pourtant, elle se mit en position, essayant de se concentrer sur les mouvements que Magnus lui montrait, de retrouver ce lien avec la nature et l'énergie environnante. Mais son corps refusait de coopérer. Chaque mouvement était laborieux, et sa vision se brouillait par moments, conséquence des symptômes de manque qui ne faisaient qu'empirer.

Je suis une ombre d'elle-même, enchaînée à une dépendance qui dévore mon âme...

Magnus l'observa attentivement, notant chaque signe de fatigue, chaque tremblement. Il s'approcha d'elle, une lueur de compréhension dans les yeux. "Théodora," murmura-t-il, "tu dois me dire ce qui ne va pas."

Elle baissa les yeux, honteuse. Comment pourrait-elle lui expliquer ce qu'elle traversait ? Qu'elle avait sombré dans la drogue pour échapper à tout ce qu'elle ressentait ? Le simple fait de l'admettre lui semblait insurmontable. Mais face à son regard bienveillant, elle sentit ses défenses s'effondrer.

Les mots sont des chaînes qui me retiennent dans le silence...

"Je... j'ai du mal à me concentrer," avoua-t-elle d'une voix rauque, ses épaules s'affaissant sous le poids de la confession. "Il y a quelque chose qui... qui me ronge."

Magnus resta silencieux un instant, puis il posa une main ferme mais douce sur son épaule. "Tu ne peux pas avancer tant que tu ne te libères pas de ce qui te retient en arrière."

Théodora hocha lentement la tête, ses yeux se remplissant de larmes. Elle savait qu'il avait raison, mais l'idée de devoir affronter cette dépendance la terrifiait. Elle n'était pas prête. Pas encore.

Jasper, qui était resté en retrait, s'approcha doucement, posant une main réconfortante dans son dos. "Tu n'es pas seule," murmura-t-il. "On est là pour t'aider."

Théodora se mordit la lèvre, les larmes coulant silencieusement sur ses joues. Elle se sentait plus faible que jamais, mais pour la première fois, elle se dit que peut-être, avec eux à ses côtés, elle pourrait trouver la force de se battre.

Peut-être que je ne suis pas encore brisée...