Outro : She knows

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Qu'est-ce qui conduit à une tragédie? Qu'est-ce qui l'annonce? Arrive-t'elle-d'un coup? Ou fait-elle son chemin petit à petit et silencieusement dans le coeur des gens, jusqu'à prendre possession de toute une existence?

Vient-elle durant la journée? Ou profite-t-elle de la noirceur qu'apporte le soleil couchant, pour rôder par ci par là chez ceux qui veulent mener une vie paisible?

Y a-t-il un indice, un événement hors de l'ordinaire pour permettre de la distinguer? Est-ce le froid d'une nuit d'automne où, les gens pressés de rentrer chez eux, ne prêteront pas attention à la silhouette malaisante et malaisée qui sillonnait prestement les rues d'une démarche saccadée? Ou est-ce le léger vent brumeux, annonçant le brouillard épais qui allait sans doute piéger la ville entre ses bras cotonneux?

Beaucoup auront une réponse à donner. Plus d'un auront vrai, quelques uns seront dans le faux. Certains diront que la tragédie est l'objet de la peur. D'autres croiront que c'est l'ambition, l'avarice qui la crée. Une personne effrontée claironnera même qu'elle est le résultat de l'être humain, de la méchanceté et de la rancoeur reflétées par ses imperfections.

La tragédie, pourtant dans l'histoire qui a été comptée n'a pourtant été comprise que par peu. Elle n'est autre que le fruit de décisions mal prises, d'oublis volontairement mis de côté, de sentiments que l'humain dans son narcissisme extrême a voulu dompter. Elle est la haine, le vice et la malhonnêteté trop longtemps cachés.

Dans ce conte incompris, entremêlé de confusion et de questionnements, la haine fut ce qui mit un point final à l'amour et au bonheur de quelques autres. La haine eut à prendre place quelque part où on l'a toujours connu, et de la façon la plus abrupte qui soit. On raconta qu'elle se faufila sournoisement parmi les crédules et s'engagea dans une lutte acharnée contre ce que beaucoup appellent amour, et que celui-ci tenta même de l'étouffer.

On dit qu'elle fut présente quelque part, cachée, attendant le moment opportun pour se manifester. On dit que la haine, fille de tragédie, apporta chaos et rédemption sur les terres perdues de Devil Hills...

(Devil Hills, 1er novembre année X, 4:45 a.m.)

C'était un soir d'automne. Il faisait nuit depuis un bout de temps déjà. Dehors, plus rien ne laissait croire que vie habitait le petit quartier qu'on disait hanté la nuit de Devil Hills: L'impasse Seesaw. Pourtant, à l'heure où les chandelles s'éteignaient et que les démons rôdaient dans les ombres silencieuses, une âme courrait sans prendre la peine de s'arrêter ni de reprendre son souffle.

On entendait ses pas agripper faiblement le parterre et sa respiration erratique forcer le silence des alentours. L'âme qu'on distinguait à peine dans les ténèbres, semblait fuir quelque chose que même elle ne paraissait voir ni comprendre. Elle courrait et avec elle, un épais brouillard faisait route tout le long de l'impasse Seesaw.

Une personne curieuse se serait demandée qui, à une heure aussi outrageuse, s'était osé déranger la quiétude presqu'irréelle qui planait sur la sombre ville. Mais, par ici, la curiosité était un vilain défaut qu'on éradiquait tôt chez les petits enfants. En effet, ici à Devil Hills, il valait mieux ne rien savoir, ignorer et tailler sa route en priant dieux et saints, de ne pas laisser son esprit divaguer vers ce qui ne regardait pas les bonnes gens.

Pourtant, pour une raison trouble et qui faisait paniquer ceux qui auraient voulu savoir, une personne, quelqu'un de bien brave, courrait à travers les chemins interdits et déchirait le voile du semblant de paix qu'ils avaient peiné à étendre sur la ville.

La personne dont on aurait voulu connaître le nom, courrait faiblement et pourtant, on sentait que son désir de fuir était plus fort que la peur qui faisait circuler le sang dans ses veines à une allure presque surnaturelle. On avait de la peine pour elle, on sentait son désarroi, son désir d'arriver quelque part loin, quelque part où le danger qui rodait paresseusement autour d'elle, ne pourrait l'atteindre.

On l'entendit trébucher sur ses craintes trop longtemps ignorées, tomber et se fracasser le corps. On sentit avec effroi comment lentement, elle commença à perdre tout espoir d'échapper à quoi que ce soit qui la poursuivait.

On l'entendit ramper, ses sanglots faisant écho au silence de la nuit. On l'entendit gémir, miauler même, murmurer un faible appel à l'aide que l'on préféra ignorer. Valait mieux jouer les sourds, valait mieux se couvrir la tête sous sa couette et faire comme si tout allait bien, comme si le silence bruyant de la mort ne faisait pas son chemin à travers les maisons logées dans l'impasse Seesaw.

Lorsque quelques autres prêtèrent prudemment leurs oreilles à la quiétude de la nuit, on haleta doucement, peureux, inquiet et un peu soulagé du frottement discret qui perça une seconde fois le silence de ceux qui mourraient.

On l'entendit se relever, boitiller et marcher encore un peu, son souffle s'éteignant à petit feu jusqu'à disparaitre à l'heure où les coqs commencèrent à chanter leur hymne. Puis, comme elle était apparue, aussi vague qu'un fantôme, aussi discret qu'un souffle d'air, elle disparut, laissant derrière elle un vent de terreur qui glaça alors chaque frisson de ceux qui ne dormaient plus.

Park Jimin arriva chez lui aux alentours de quatre heures quarante huit du matin. Les larmes, la sueur et le sang se mêlant à sa rancoeur et son amertume. Il était en rage.  Il voulait crier, pleurer et faire savoir à la terre entière sa frustration.

Il n'avait pu rester jusqu'au bout.

Il avait attendu ce moment toute sa vie. Il avait prié fort et jeuné jusqu'à en devenir anémique mais putain, il avait fallu qu'il ne la voit pas rendre son dernier souffle. Il soupira, essuya fébrilement son visage ravagé par les larmes de crocodiles et se rendit compte qu'il laissait là où il posait ses mains, le rouge de ses actions.

Il sourit. Un sourire soulagé mais combien mesquin qui aurait pu troubler quiconque croyant le connaître et passerait par là. Il regarda quelques secondes le vide, pensant et repensant à la nuit qui venait de s'écrouler et faillit pleurer de bonheur.

-Ça y'est, il chuchota dans le silence troublant de la maison, c'est enfin terminé.

Il secoua la tête avant de se mettre à grimper les escaliers pour rentrer dans sa chambre. De là, il prit un journal quelconque qui trainait puis, se dirigea vers un portrait que lui avait donné Tae et le fit basculer vers l'avant, révélant alors un petit buffet ancré dans le mur.

Il l'ouvrit avec douceur et chercha parmi les documents, les affaires de gens qu'il gardait précieusement, jusqu'à tomber sur ce qu'il voulait: un petit carnet brun marqué par le temps.

Il alla par la suite s'asseoir sur son bureau et ouvrit le journal où il inscrivit ce qu'il s'était passé cette nuit, ce que l'on croirait et qu'il
apprendrait à copier dans son esprit comme l'unique vérité. Puis, dans le carnet brun, il écrivit la haine, le ressentiment, l'impuissance et la liberté. Sa liberté.

Il était libre. Finalement.

Ce constat le fit rire et il termina consciencieusement de noter tout ce qu'il oublierait puis, les remit chacun à leur place attitrée.

Il s'en alla se doucher, lavant à regret les derniers instants de sa chère et tendre petite soeur puis, décidé à aller jusqu'au bout dans sa mascarade, se laissa glisser nu au sol, attendant que quiconque le retrouve là, vulnérable et désemparé. Comme ils l'ont toujours connu. Comme il avait décidé d'être à jamais.

Son seul regret était que demain, tout ceci n'existera plus. Demain, bientôt, il redeviendra Park Jimin, à l'esprit aussi instable qu'inexistant. Demain, il ne saura plus qu'il s'était lui même débarrassé de ce qui l'avait trop longtemps tourmenté. Demain, il oubliera qu'il avait tué Yoonji.

Et alors que le sommeil s'insinuait paresseusement dans son esprit fatigué, il ne put s'empêcher de se dire qu'elle était quand même bien drôle, la tragédie.

{~}

<J'avais oublié que j'avais un épilogue mdrr
<Les Sexoliques anonymes sera disponible le 31 octobre.
<Bisous>

xoxo.

Jamais Vu ~ [Jikook]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant