• CHAPITRE TROIS •

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Je suis contente d'arriver devant le bâtiment dans lequel se tient la première classe de la journée et j'en profite pour me mettre rapidement à l'abri de la pluie. Quel temps ! Mes vêtements dégoulinent et les mèches qui s'échappent de ma queue de cheval sont maintenant collées sur mon visage. J'ai à peine fait deux pas qu'une chevelure châtaine attire toute mon attention en un battement de cil.

— Jace !

Il se retourne et me sourit sincèrement lorsqu'il m'aperçoit. Sa réaction me réchauffe de la tête aux pieds. Comme tout le monde, j'ai bien conscience que nous sommes toutes et tous de féroces concurrents ici. Malheureusement, trop peu nombreuses sont les places d'année en année et au fil du temps nous avons tous appris à nos dépens que nous sommes avant tout dans une arène aux règles barbares. La première étant la suivante : chacun pour soi et la médecine pour tous. Pourtant, ce n'est pas le cas avec Jasper. Le coup de foudre a été authentique entre nous dès le premier jour. Il est le seul véritable ami que j'ai à l'université... l'unique ami que j'ai tout court en vrai.

— Mon petit moelleux au cœur coulant ! s'exclame-t-il.

Il m'attrape vivement par la taille et plaque un énorme baiser sur ma joue. Je souris quand je réalise que je ne me formalise absolument plus de ce geste que je trouvais intime au point de m'en offusquer la première fois. Avec le temps, j'ai simplement compris que c'est une part de sa personnalité très démonstrative qu'il ne réserve qu'à moi.

Bien que mon acolyte et moi nous ne nous quittons pas d'une semelle, la matinée est particulièrement ardue. Quoi que je fasse, il m'est impossible de me concentrer du début à la fin. Je passe des nuits épouvantables ces temps-ci, la dernière en date étant bien entendu la pire. Je ne compte plus le nombre de fois où j'ai ressassé les événements qui m'ont tenue éveillée dans ce couloir. Contrairement à son attitude cavalière, le fait que son physique soit loin d'être déplaisant ne m'aide clairement pas à laisser tout ceci de côté.

— Mademoiselle Nicholson ?

La voix de mon professeur m'interpelle et m'expulse hors de mes pensées alors que je m'apprête à quitter la salle au pas de course. Il me rattrape en quelques enjambées et me jauge un moment avant de prendre la parole.

— Le président requiert votre présence pour midi.

Je serre les dents pour éviter de répliquer du tac au tac que je n'ai pas le temps pour ce genre d'imprévu dans ma journée. Ma contrariété doit se lire sur mon visage, car il ajoute :

— J'espère que ce n'est rien de grave.

Je le remercie aussi courtoisement que possible de m'en avoir fait part et je quitte la salle sans un mot de plus. Je suis lassée par tout ceci, car je connais d'avance le sujet de cette entrevue. Avec tout le respect que je lui dois, ce n'est pas le bon jour pour avoir une conversation de ce type avec moi. Mon humeur tient déjà à grand-peine en équilibre sur un fil excessivement mince et je sens qu'un rien me fera perdre mes moyens. Mais puisqu'il est presque l'heure, je m'y dirige tout de même docilement. D'une part, je ne souhaite pas mettre mon professeur dans une situation déplaisante en ne m'y rendant pas et d'autre part parce que je n'ai pas vraiment le choix.

Je regrette cette décision près de vingt minutes plus tard tandis que j'attends toujours dans le hall d'accueil du bureau. Impuissante, je regarde la pendule et je vois ma pause déjeuner disparaître peu à peu de mon planning. Le secrétaire me sert des sourires contrits dès que nos yeux se rencontrent, mais ça ne change rien à mon humeur qui est maintenant massacrante. Ces convocations qui tombent étonnamment à pic juste avant les examens renforcent le sentiment qu'il me prend pour une sotte. Je tente quelques exercices de respiration pour faire redescendre la pression. Je ne peux me permettre aucune sortie de route devant le président de l'université. Les dix minutes supplémentaires qui s'écoulent ont raison de moi et je décide finalement de partir. C'est pile à ce moment que le secrétaire m'indique qu'il est prêt à me recevoir. Je m'engouffre à l'intérieur un faux sourire plaqué sur mes lèvres. Ce bureau me paraît toujours immense et je ne m'y suis jamais sentie à ma place.

WHEN JULIET NEEDS ROMEOOù les histoires vivent. Découvrez maintenant