• CHAPITRE NEUF •

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Je fixe mon reflet et je ne peux m'empêcher d'avoir une moue dubitative. Sur le moment, l'idée m'a semblé brillante, mais maintenant que j'entends les éclats de voix à quelques mètres de là je ne suis plus vraiment en confiance avec mon propre plan. Je jette un dernier coup d'œil au miroir et je me fais des remontrances dignes de ce nom. J'ai un pari à gagner et un homme à abattre. Car oui, je compte bien lui faire mordre la poussière au passage. De toute façon, je ne connaîtrai aucune des personnes présentes ce soir ! Je ne risque donc pas une humiliation cuisante, enfin je l'espère.

Les yeux de mon hôte de la semaine s'écarquillent telles deux soucoupes lorsqu'il m'aperçoit dans son salon. Il est secoué par une quinte de toux qu'il tente difficilement de dissimuler et j'en conclus qu'il a dû avaler sa gorgée de travers. Je considère mon entrée comme étant réussie. Certains de ses invités se tournent avec curiosité vers la source de son malaise et je sens que ma température corporelle monte d'un cran tandis que tout le sang de mon corps afflue vers mon visage à une vitesse folle. Je vais avoir besoin d'un verre pour supporter ce qui va suivre. J'attrape négligemment une bouteille et je me plie sans sourciller au rituel : sel-tequila-citron. Je n'ai pas toujours été cette femme coincée de bout en bout qui n'est détendue que derrière une montagne de livres. Je soupire et je réalise que l'ancienne moi me manque affreusement. J'ai tant cherché à gommer les aspects de ma personnalité qui ne convenaient pas à mes proches que j'en ai presque oublié qu'il m'arrivait parfois de ne pas me soucier des conséquences. Romeo qui a, semble-t-il, récupéré toute son assurance s'avance vers moi. Je ne peux retenir un sourire lorsque je réalise qu'il est toujours pieds nus. Il s'est changé et ses cheveux qu'il a pourtant domptés avec beaucoup de mal avant notre petit incident sont en bataille maintenant. Élégamment vêtu, il est diaboliquement séduisant.

— Puis-je me permettre une réflexion subjective ? demande-t-il le plus sérieusement du monde.

— À ta guise.

— Alors, laisse-moi te dire que tu es complètement dérangée !

— Quant à toi, tu es un petit joueur, je réplique en faisant un signe de tête vers sa bière. Et je n'en fais pas toute une histoire pour autant.

— Je suis sincèrement attristé à l'idée que mon choix de boisson te désappointe, mais là n'est pas le sujet. Comptes-tu réellement rester accoutré de la sorte ?

— Jusqu'à preuve du contraire, je ne suis pas vêtue de façon ridicule comme l'emploi du mot : accoutrement, semble le sous-entendre. Je t'invite donc à reconsidérer la formulation de ta phrase. Par ailleurs, j'ai respecté à la lettre ta chaude recommandation. Tu avais dit : pas de petite culotte et ce vêtement de nuit, dis-je en faisant claquer l'élastique de mon short, n'en est pas une comme tu peux le constater.

Il ferme à demi les paupières et penche la tête comme s'il essayait de sonder les tréfonds de mon être puis subitement il emprisonne mes doigts. Sa poigne est chaude et ferme et je dois déployer un trésor de concentration pour ne pas baisser les yeux vers nos mains jointes. Il se munit du sel et en sème sur l'espace mon pouce et mon index. Je retiens ma respiration et le moment semble suspendu entre nous. Il porte le tout à sa bouche et passe lentement sa langue sur ma peau. Le deuxième shot que je m'étais servie termine entre ses mains et il l'avale d'une traite avant de suçoter le morceau de citron sans me quitter des yeux. Il se penche enfin vers moi pour me susurrer à l'oreille.

— Ceci n'est pas qu'un simple pyjama, ceci est un bout de tissu outrageusement ajusté qui montre bien plus de choses qu'il n'en dissimule.

Je m'apprête à lui envoyer une pique bien sentie sur le fait que ma façon de m'habiller n'engage que moi, mais il m'intime au silence d'un regard.

WHEN JULIET NEEDS ROMEOOù les histoires vivent. Découvrez maintenant