• CHAPITRE QUARANTE NEUF •

10.4K 1.1K 268
                                    


Les bras de Marcellus se referment trop tardivement sur moi et mes genoux cognent si fort par terre que j'en ai le souffle coupé. J'ai l'impression que quelque chose s'est brisé en moi. Mes frères semblent eux aussi horrifiés par cette nouvelle, mais j'ai un haut de cœur lorsque je glisse un regard vers mon père et que je découvre un rictus enchanté sur son visage. Je porte sans réfléchir le téléphone à mon oreille, mais il n'y a plus personne en ligne. Marcellus m'aide à me remettre sur pieds et me maintient solidement contre lui.

— Nathan...

Duncan pose une main sur son épaule, mais celui-ci sort brusquement de l'état de choc émotionnel dans lequel il se trouvait un moment plus tôt et il se dégage vivement.

— Tout ceci est de votre faute ! explose-t-il. De votre faute ! rugit-il de plus belle.

Il m'arrache le téléphone des mains et nous bouscule au passage en quittant le bâtiment au pas de course. Je tente de m'élancer à sa suite, mais Marcellus me retient fermement.

— Lâche-moi !

— Ju... laisse-leur du temps, me dit-il doucement.

— Tu ne comprends pas ! je m'emporte.

À mon tour, je me défais avec rudesse de l'emprise de mon frère et je poursuis Nathan. Telle une hystérique je parcours les rangées de voitures en espérant l'apercevoir, mais je me rends rapidement à l'évidence... Il n'est plus là. J'essaie de me dire que ce n'est peut-être pas grave, mais ce foutu mauvais pressentiment que j'ai trimballé toute la journée explose dans la moindre des cellules de mon corps comme pour me crier : tu vois, je te l'avais bien dit !

Cela fait bientôt dix jours que je n'ai aucune nouvelle des frères Andrews. Chacun de mes appels est rejeté sans même passer par la case de la messagerie et mes textos ne s'affichent même pas comment étant distribués. J'ai fait quelques recherches et il n'a pas été difficile de localiser son cabinet, mais je n'ai pas trouvé la force de m'y rendre. Je ne suis pas certaine de supporter le fait d'être éconduite publiquement. Lors des premiers jours, j'ai sonné plusieurs fois aux portes de ses appartements, mais ce fut également de vaines tentatives d'entrer en contact avec lui. J'ai le cœur si comprimé. Comment Nathan peut-il me laisser dans cette situation ? Je ne dors presque plus, ne m'alimente plus, ne révise plus... Je ne sors plus et je reste la porte grande ouverte au cas où je le verrais enfin apparaître sur le palier. Je ne suis pas stupide et je sais qu'au fond je me leurre totalement. Il doit posséder bien plus de logements que je ne peux l'imaginer et s'il ne veut pas me croiser, cet immeuble sera le dernier sur terre où il mettra un pied. Comment en si peu de temps Romeo a-t-il réussi à prendre une place aussi considérable dans ma vie ? Il s'est insinué dans les moindres recoins de mon esprit et je n'arrive à penser à rien d'autre. Dès que je tente de réviser pour me changer les idées, les lignes dansent devant mes yeux et se transforment en un dialecte incompréhensible. Un proverbe répandu nous dit que c'est seulement lorsque nous perdons les choses que réalisons leur véritable valeur, c'est une façon déchirante d'en prendre conscience. Marcellus et Duncan sont venus me rendre visite quelques fois et j'ai été étrangement surprise de passer ce qui s'apparente à de bons moments avec eux. Nous avons appris à nous connaître un peu mieux et je me dis que c'était peut-être finalement le but de tout ceci. Rien n'arrive jamais sans rien. J'aurais simplement aimé ne pas rester dans le flou concernant l'état de santé de Romeo.

Jasper est avachi sur mon canapé avec une tasse de café à la main et il a tant de pitié dans le fond des yeux lorsqu'il me jette des coups d'œil que je m'écœure moi-même. Je suis tombée si bas en si peu de temps. Pourquoi ? Pourquoi ne me suis-je pas protégé ? Pourquoi n'ai-je pas écouté mon instinct ? Pourquoi ai-je voulu y croire ? Pourquoi...

WHEN JULIET NEEDS ROMEOOù les histoires vivent. Découvrez maintenant