• CHAPITRE TRENTE-HUIT •

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Je lève la main et la laisse retomber faiblement le long de mon corps une bonne dizaine de fois comme une andouille. Je fixe sa porte totalement dépitée à l'idée de ne pas réussir cette tâche pourtant si simple. Pourquoi ma machine s'enraye-t-elle de la sorte lorsque je m'apprête à lui parler ? J'appuie aussi fermement que possible mes doigts sur l'encadrement en inspirant profondément. J'essaie de me détacher de toute ma frustration, mais elle ne fait que croître tel un brasier sur lequel je m'amuserais à souffler. Je sens des flammes qui me lèchent les entrailles et j'ai l'impression de me consumer de l'intérieur. Pourquoi est-ce si dur ? Nathan m'a fait admettre une vérité enracinée bien plus profondément en moi que ce que j'imaginais. J'ai on ne peut plus peur... Je crains que tout n'ait dérapé à jamais et que notre lien soit rompu à cause de mon aveuglement et de ma foi indéfectible à l'égard de ma famille.

— Il n'est plus là Juliet.

Je me retourne vivement et je tombe nez à nez avec Matt. L'embarras qui se lit sur son visage lorsqu'il me fait signe fait naître en moi une sensation désagréable qui glisse le long de mon échine.

— Lee et moi... commence-t-il sans pour autant réussir à construire une phrase complète.

Même si j'aimerais me convaincre que ce n'est pas le cas, je comprends Romeo comme si nous étions unis par un fil invisible. J'aurais fait exactement pareil à sa place. N'ai-je pas moi-même réagi démesurément après tout ? Matt fixe le trousseau de clés de l'appartement comme s'il allait lui apporter un peu de réconfort. Je décide d'abréger ses souffrances et les miennes par la même occasion.

— Merci de me l'avoir dit.

Je ne sais pas quoi faire de mon propre corps, mais je ne peux pas faire durer ce moment éternellement.

— À la prochaine ! je lâche finalement.

Je me mets mécaniquement en marche jusqu'à mon appartement et je m'apprête à passer le pas de ma porte lorsqu'il m'interpelle

— Juliet ?

— Hum, oui ?

J'essaie de prendre un air détaché même si au fond je suis bouleversée par un maelström d'émotions intenses.

— Je ne l'ai jamais vu aussi troublé.

J'adorerais dire que cela m'apporte un quelconque réconfort, mais sans que je ne sache vraiment pourquoi c'est tout le contraire.

— Ce que je veux dire par là c'est que même si je ne connais pas la nature de votre différend parce qu'il ne souhaite pas en souffler mot, je vois bien à son comportement à quel point cette histoire est en train de le ronger.

Moi qui me sentais déjà assez au fond du trou, je réalise qu'il est possible de descendre bien plus bas encore.

— Saurais-tu où je pourrais le trouver par hasard ? je tente.

— Non et pour être honnête même si cela avait été le cas, je ne te l'aurais pas dit. Vous ne vous fréquentez que depuis quelques semaines alors qu'il est mon meilleur ami depuis des années.

— Je vois.

— Ce n'est pas dans ses habitudes de se laisser démoraliser alors s'il a décidé de prendre le large, grand bien lui fasse. Derrière cette image de lui qu'il présente au monde, je sais qu'il est en peine depuis bien trop longtemps. Je n'ai donc pas le droit de saccager le moment de délassement qu'il s'accorde... pas même pour toi.

— Je comprends parfaitement et c'est tout à ton honneur.

Je ne peux pas en vouloir à Matt de faire ce que tout bon ami aurait fait et je ne peux pas non plus lui reprocher de me donner le fond de sa pensée. J'ai un sourire amer en imaginant les rôles inversés, car Jasper n'aurait fait qu'une bouchée de Romeo. Je peux donc m'estimer heureuse qu'il ait tenté de ménager mes sentiments alors qu'il semble persuadé que j'ai piétiné ceux de son meilleur ami.

WHEN JULIET NEEDS ROMEOOù les histoires vivent. Découvrez maintenant