• CHAPITRE TRENTE •

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Je le prends dans mes bras et il se crispe à mon contact. Tous ses muscles se contractent avec violence comme pour tenter d'y échapper. Je partage le même sentiment et je suis persuadée d'être maladroite dans mon étreinte. Néanmoins, je ressens très vite un début de relâchement et son corps s'affaisse lentement tandis qu'il se détend. Romeo se blottit délicatement contre mon cou et l'intimité de son geste fait naître de petits picotements le long de ma colonne vertébrale. Sentir sa respiration contre ma peau sensible est à la fois d'une douceur et d'une brutalité sans pareil. Il enroule ses bras autour de ma taille et me serre bien plus fort contre lui. Je suis celle qui a eu l'impression d'avoir été menée en bateau pendant quelques jours, mais il est celui dont la vie s'est effondrée brusquement. Je ne maîtrise pas tous les aspects de l'histoire qu'il partage avec mon frère ainsi que mon père et pourtant je peux ressentir l'étendue de sa peine à travers ce lien étrange qui me retient à lui. L'existence n'est aisée pour personne et j'ai conscience d'être née avec une cuillère en argent dans la bouche. Toutefois, ce n'est pas un cadeau pour autant. Nous avons tous nos propres bagages. Il sont plus ou moins lourds et nous avons tous la pesante tâche de les traîner derrière nous. Où que nous allions et qui que nous rencontrions. Alors que mon esprit vagabonde dans tous les sens, ses doigts effleurent voluptueusement mon flanc de haut en bas. Son geste m'apaise immédiatement et je réalise qu'il n'y a aucun jeu de séduction entre nous. Nous partageons simplement un moment de douceur hors du temps. Je savoure donc cet échange à sa juste valeur.

Fraîchement douchée et enveloppée par les draps de Romeo, je consulte la longue liste de messages écrits et vocaux que Jasper a envoyé. Je compte bien y répondre en peu de mots pour le punir. Je n'ai pas oublié sa traîtrise alors le laisser mariner un peu afin d'avoir ma vengeance semble être une excellente idée. Les heures défilent rapidement et je tombe de fatigue, mais je n'arrive pas à fermer les yeux. Mon cerveau tourne à mille à l'heure parce que beaucoup trop d'informations le mettent à l'envers. Après le moment d'accalmie que nous avons partagé, nous nous sommes séparés comme si de rien n'était. J'ai senti qu'il était embarrassé à l'idée de s'être montré si vulnérable, mais la marée de sentiments redoutables qui m'enserraient le cœur à ce moment-là m'a empêché de formuler la moindre chose. La douche m'a aidé à remettre quelque peu mes pensées en place et Romeo, grand seigneur, m'a proposé de prendre sa chambre pour cette nuit. En même temps, il est celui qui a jeté mes clés dans le vide-ordure et qui m'a ainsi privé de toute intimité ce soir me glisse une petite voix.

Une heure plus tard et Morphée ne m'honore toujours pas de sa présence. J'ai beau me tourner dans tous les sens, son odeur est partout et elle s'insinue jusque dans les moindres replis de mon esprit pour y semer un joyeux bazar. Sur la pointe des pieds, je décide de me mettre en quête d'une denrée quelconque. Quitte à ne pas dormir, autant manger quelque chose. L'appartement n'est pas plongé dans le noir complet contrairement à ce que je supposais en me levant. La lune éclaire en douceur le salon et la vue est spectaculaire. Romeo est accoudé de profil à la rambarde de son balcon, torse nu avec une cigarette au coin de la bouche. La monture foncée qui repose sur son nez lui confère un petit air d'intellectuel juvénile que je trouve hilarant au possible maintenant que je connais un peu mieux le personnage. Les volutes de fumée dessinent un tableau parfait dans lequel chacun de ses muscles roule dans son dos sans aucun effort et à chaque mouvement. Les lumières de la rue durcissent quelque peu ses traits et le rendent bien plus dangereux qu'il ne l'est déjà. Mais j'ai pu apercevoir pour ma part ce qui se cache derrière cette façade prodigieusement impénétrable. Comme troublé par ma présence, il détourne son regard de l'horizon pour le poser directement sur moi. Ce n'est plus la peine de tenter de faire machine arrière. J'attrape alors une bouteille de lait dans le réfrigérateur, quelques biscuits ainsi que deux verres et je fais une chose dont je ne me serais jamais cru capable le premier jour de notre cohabitation à savoir : le rejoindre de mon plein gré.

WHEN JULIET NEEDS ROMEOOù les histoires vivent. Découvrez maintenant