WHEN JULIET NEEDS ROMEO

• CHAPITRE QUARANTE-SEPT •

Nous avons glissé sous les radars de nos familles respectives ces derniers jours et même si nous n'avons plus partagé de nuit ensemble, Romeo a tenu à redescendre ses effets personnels dans l'appartement qui jouxte le mien. Il a également pris la décision de travailler depuis chez lui afin que nous puissions voler quelques heures dès que l'occasion se présentait et c'est ainsi que j'ai découvert que sa pièce secrète abritait un bureau. J'ai savouré chacun des moments que nous avons partagés, mais il faut croire que ce sentiment de sérénité n'était pas fait pour durer. En cet instant, c'est un Romeo différent qui se tient face à moi sur le palier de sa porte. Ses poings sont serrés le long de ses cuisses et la colère qui irradie de son corps est affreusement perceptible. Une fureur immense semble avoir tout balayé sur son passage et elle crépite autour de nous. Je n'arrive pas à comprendre ce qui a bien pu se produire et ce qui a pu déclencher un tel courroux, mais j'ai le sentiment étrange que c'est en rapport avec nous.

— Romeo ? je tente.

Je dépose au sol mon sac de courses et je déglutis tant bien que mal. Je sens bien que notre déjeuner ensemble ne se déroulera pas comme je l'avais prévu. Abruptement, il passe les doigts dans ses cheveux et fixe son regard sur un point derrière moi. Ses mâchoires se contractent au maximum comme si le fait de garder le silence lui demandait un effort surhumain. Je tente un mouvement vers lui, mais il se retourne d'un coup sec et ferme sa porte à double tour. J'ai l'impression qu'un combat fait rage en lui. Je n'ai aucune idée de ce qui a bien pu se passer alors je me sens entièrement démunie. Le regard noir qu'il me jette quand il me fait face de nouveau me glace le sang. Je ne comprends pas ce revirement d'état d'esprit. Nous avons convenu de nous retrouver ce midi lorsque nous nous sommes quittés hier en fin de journée et depuis nous n'avons pas échangé un mot. Qu'est-ce qui aurait pu le mettre dans une humeur telle que celle-ci ?

— Quelque chose ne va pas au cabinet ? je demande sans grande conviction.

Même lorsqu'il était agacé face à Craig ou encore mes frères, il avait toujours ce petit sourire de mauvais garçon en coin. Présentement, tout ce qui irradie de son corps me donne envie de prendre mes jambes à mon cou, mais je n'en fais rien et je me place entre lui et les marches.

— Juliet, dit-il simplement comme pour m'avertir.

— Que se passe-t-il ?

— Rien.

La tension qui voile son timbre de voix m'affecte curieusement. Nul besoin de nier que nous ne formons qu'un lui et moi. Je ressens au plus profond de mes tripes qu'il s'agit de quelque chose de grave et je sens l'affliction qu'il dissimule derrière chacune des barrières qu'il tente d'ériger rapidement entre nous.

— Que se passe-t-il ? je répète.

Il essaie de me contourner, mais je suis bien trop vive pour lui. Je ne compte pas lui faciliter la tâche. Il ne peut pas me demander un libre accès à mes pensées et se refermer comme une huitre lorsque cela l'arrange.

— Pourquoi ne...

— Juliet, m'interrompt-il durement, ne me force pas à devenir blessant juste parce que tu te trouves en travers de mon chemin.

— Je ne t'oblige pas à l'être, loin de là même. J'aimerais simplement comprendre ce qui a bien pu te mettre dans un état tel que celui-ci.

Où est donc le Romeo rieur et taquin ?

— Laisse-moi passer. C'est la dernière fois que j'y mets les formes.

— Dis-moi au moins si tout ceci a un quelconque lien avec nous.

— Je ne t'ai jamais menti et je ne compte pas commencer maintenant Nicholson.

Aïe ! Même si je ne comprends pas réellement où il veut en venir, je ne suis pas stupide. Nous nous dévisageons en silence et je vois dans son regard qu'il est bien déterminé à ne rien me dire et à mener cette guerre tout seul, en me tenant à bonne distance du champ de bataille. Bien que j'aie le pressentiment que nous devrions faire front commun, je m'écarte de sa route. Sans un mot de plus, il descend les premières marches. Je suis profondément blessée par son comportement, alors je l'interpelle pour le lui faire savoir. Il a la correction de marquer un temps d'arrêt et de me tendre son profil tandis que ses mâchoires ne cessent de s'agiter férocement.