• CHAPITRE TRENTE-CINQ •

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Nathan est tout autant surpris que moi de me trouver là. Son esprit tente d'assembler toutes les pièces du puzzle et je me fais la drôle de réflexion qu'il ressemble énormément à Romeo lorsque celui-ci essaie également de résoudre un mystère. Ses yeux me sondent un moment avant que les bruits de pas qui résonnent derrière moi nous sortent tous deux de notre torpeur.

— Andrews ! crache de façon venimeuse mon frère.

— Marcellus, lui rétorque sereinement celui-ci.

Avant qu'il arrive à notre niveau, Nathan se penche et me glisse quelques mots à l'oreille.

— On fuit la vérité ? Est-elle si désagréable que cela ?

Il se redresse et Marcellus lui jette un regard noir qui le défie de réitérer ce qu'il vient de faire maintenant qu'il est à sa portée.

— Si tu as quelque chose à dire à ma petite sœur, je t'invite à l'exprimer à voix haute.

— Ce ne sera pas la peine, car je m'en vais !

La main qui se referme sur mon poignet n'est pas celle à laquelle je m'attendais.

— Pour Rom, me dit-il.

— Ne la touche pas ! vocifère Marcellus en nous séparant brusquement.

Nathan ne lui accorde pas même un regard et se contente de me dévisager avec attention. La franchise que je lis dans son expression rend impossible toute réaction agressive. J'ai l'impression de me tenir face à son frère et cela me déstabilise. Nos différentes rencontres ont été loin d'être cordiales et pourtant je lui fais un signe de tête positif. Lorsque je jette un coup d'œil au profil de Marcellus, je vois que ses mâchoires se contractent énergiquement à de nombreuses reprises. Nous retournons donc tous les trois en direction du jardin et je remarque que l'ambiance qui règne autour de la table a changé du tout au tout. Le tableau que dépeint ma famille me vrille presque le cœur tant il est ahurissant. Ils se sourient tous et rient faussement aux éclats. Mes frères semblent complices tandis que mon père a posé une main sur celle de ma mère près de leurs assiettes. Shakespeare ne se trompait pas lorsqu'il disait : « Le monde entier est un théâtre, et tous, hommes et femmes, n'en sont que les acteurs. Et notre vie durant nous jouons plusieurs rôles. »

— Bonjour Nathan, lâche mon père. Nous ne vous attendions plus comme vous pouvez le voir.

Une façon très peu affable de lui faire comprendre qu'il est en retard et que cela ne l'offusque en rien de s'être installé à table sans lui. Élégamment, Nathan ouvre le dernier bouton de sa veste en l'observant.

— Il n'y a rien d'inédit dans le fait que les Nicholson manquent de déférence vis-à-vis de leurs prochains.

Je me retiens de rire pour la centième fois aujourd'hui. Il a à son tour posé les bases et elles veulent clairement dire qu'il n'est pas venu pour se faire malmener.

— Bonjour, dit-il enfin en s'asseyant.

— Comment vont...

— Madame Nicholson, laissez-moi vous arrêter là. Les échanges de mondanités ne me passionnent guère en général. Je vous ai concédé une heure de mon temps et comme me l'a aimablement fait remarquer votre mari vous m'attendiez plus tôt. Mettez donc les minutes qu'il nous reste à profit afin d'aller directement à l'essentiel.

— Pour qui te prends-tu Andrews pour...

— Marcellus, lorsque les grandes personnes parlent, sois sage et contente-toi de les écouter.

Mon frère se lève d'un bon, prêt à se jeter sur lui, mais Duncan s'interpose fermement avec la rapidité d'une panthère.

— À ce que je vois, tu es animé par la même fougue que jadis, raille Nathan.

WHEN JULIET NEEDS ROMEOOù les histoires vivent. Découvrez maintenant