• CHAPITRE TRENTE-SEPT •

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Un peu plus d'une semaine s'est écoulée depuis la petite réunion familiale. En partant de chez mes parents, j'ai décidé d'éteindre mon téléphone et je ne l'ai pas rallumé depuis. Je suis passé récupérer mes clés auprès de Jasper et j'ai filé en direction de mon appartement. J'ai ressenti un besoin si puissant de m'isoler que je n'ai même pas pris le temps de lui raconter comment s'était déroulé le face-à-face. Il a sans doute compris à ma mine déconfite que ce n'était pas le bon moment puisqu'il n'a pas cherché à me tirer les vers du nez. Il s'est contenté de serrer fort ma main dans la sienne comme pour me transmettre tout son amour et sa force avant de me laisser partir. Une fois à notre étage, j'ai prié si fort pour ne pas tomber sur Romeo que j'ai été surprise que ce ne soit pas carrément un ange qui m'ouvre la porte. Tel un agent secret, je me suis engouffrée chez moi en vérifiant nerveusement au-dessus de mon épaule et je ne suis plus ressortie depuis. Je pensais que le silence serait réconfortant, pourtant c'est tout le contraire. Je n'ai perçu aucun signe de vie dans son appartement. Pas de fête, zéro visite, aucun aller-retour... Je me suis même surprise à coller mon oreille contre les murs un soir, mais je n'ai rien entendu du tout. Je ne l'épie pas pour le plaisir, je me dis simplement que le fait d'être certaine qu'il est seul chez lui pourrait m'insuffler le courage nécessaire pour aller frapper à sa porte. Est-il toutefois disposé à s'entretenir avec moi depuis notre dernière conversation ? Que vais-je bien pouvoir lui dire ? Qu'y a-t-il à exprimer en réalité ? Je n'en sais strictement rien et c'est bien là non seulement le fond du problème, mais aussi la raison première de mon isolement. Je m'égare dans un flot de pensées stériles lorsque l'on frappe à la porte. Je reste clouée sur place, tandis que les coups redoublent. C'est idiot ! Je ne pourrais pas vivre en ermite à tout jamais de toute façon ! Quand je regarde par le judas, j'ai presque envie de me pincer pour m'assurer que je ne suis pas en plein délire. Je ressens le besoin de vérifier que tout est bien en ordre et qu'aucun grain de poussière ne repose sur mes meubles, mais je réfrène cette pulsion. La psychopathe du rangement que je suis sait pertinemment que mon appartement est propre du sol au plafond. Je reprends donc vite mes esprits et je lui ouvre.

— Bonjour Juliet.

— Mère ?

C'est tout ce qui me vient. Il faut dire que je n'étais même pas convaincue jusqu'à cet instant qu'elle connaissait mon adresse. Je m'efface pour la laisser passer et lorsque je referme la porte j'ai furieusement envie de me cogner la tête contre celle-ci. Je n'en fais rien, car elle serait susceptible de me faire interner. Une fille détraquée ferait tout de suite tache dans l'arbre généalogique contrairement à un menteur de fils. Je l'invite à s'installer sur le fauteuil et elle acquiesce tout en observant le moindre centimètre carré de l'environnement qui l'entoure.

— Puis-je t'offrir une boisson rafraîchissante ?

— De l'eau gazeuse, s'il te plaît.

Bien évidemment ! Il fallait que cela tombe sur la seule chose que je n'ai pas.

— J'ai uniquement de l'eau plate.

Le visage de ma mère se tord quelque peu sous l'effet de la grimace de désapprobation qu'elle n'a pas su retenir.

— De l'eau plate ce sera alors puisque je n'ai pas le choix.

« Pour tromper le monde, ressemblez au monde », nous apprend William Shakespeare dans Macbeth. Je me force donc à sourire, mais c'est si faux que je ressens rapidement un vif élancement dans mes joues.

— Tu as une mine affreuse, lâche-t-elle le plus naturellement du monde tandis que je reviens avec son eau.

Je me lance dans un exercice mental pour tenter de me calmer avant de briser la carafe que je serre fermement entre mes doigts.

WHEN JULIET NEEDS ROMEOOù les histoires vivent. Découvrez maintenant