• CHAPITRE QUARANTE-DEUX •

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Mon frère que j'ai oublié pendant un bref instant toussote.

— Je pense qu'il est temps pour moi de vous laisser.

Il m'étreint gauchement avant de plonger ses yeux dans les miens. L'engagement silencieux que j'y lis me fait sourire légèrement. Il tend la main vers Romeo et je crains un moment que celui-ci ne la prenne pas, mais son masque d'indifférence est de nouveau en place et il la serre énergiquement en retour sans un mot. Les pas de mon frère s'éloignent dans les escaliers et ce n'est qu'une fois que je suis certaine qu'il n'est plus à portée d'oreille que je poursuis.

— Tu as fait de ma vie un tourbillon de sentiments les uns plus contradictoires que les autres et je te déteste du plus profond de mon être pour cela.

— Ce n'est pas ce à quoi je m'attendais pour être honnête, mais je présume que...

— Tais-toi un moment ! J'essaie de rassembler mes pensées pour former des phrases cohérentes, alors musèle-toi ne serait-ce que deux minutes !

Il fait mine de zipper sa bouche et croise les bras sur sa poitrine.

— Tout ceci n'est qu'un jeu sournois pour toi. Depuis le début, tu te savais vainqueur, qu'importe la pièce que je tâchais de déplacer.

Il s'apprête à répondre quelque chose, mais je ne lui en laisse pas l'occasion et je plaque un doigt rageur sur ses lèvres pour les maintenir scellées.

— Tu m'as fait comprendre que tel un bourreau j'avais décapité tes émotions sans délicatesse. Qu'espères-tu que je dise après cela ?

D'un geste vif, il emprisonne mes mains dans les siennes en libérant sa bouche au passage.

— Est-ce là tout ce que tu as retenu Juliet ? demande-t-il.

— J'aimerais bien... mais non. Je ne pourrais sans doute jamais oublier tes mots. Comme des serpents, ils se sont vilement faufilés autour de mon cou et m'enserrent à un point tel que je n'arrive plus à respirer comme il faut. Je les ai entendus et pourtant leur portée réelle m'échappe. Sais-tu seulement pourquoi ?

— Parce que...

— Parce que tu as floué toutes les barrières entre nous ! je l'interromps. Qu'est-ce qui est authentique et qu'est-ce qui ne l'est pas ? Tu manies si bien l'art de la rhétorique que l'avocat en toi me fait peur. Est-ce lui qui parle à travers tes lèvres ? Sont-ce ses pensées ou celles du Romeo dont j'ai aperçu la sensibilité entre les lignes qu'il a griffonnées pour moi ? Alors oui, j'ai de l'affection et même si cela n'est pas assez fort pour toi je ne suis pas certaine d'avoir autre chose en réserve... Parce que... parce que...

— Parce que tu as peur ! Tu es lâche, dit-il posément.

— Et qui ne le serait pas à ma place ? La poudre que tu m'envoies au visage tel un marchand de sable endort en moi toute pensée raisonnable et je lutte chaque jour un peu plus pour ne pas sombrer vers cet abîme qui nous tend les bras. Regarde-moi droit dans les yeux et dis-moi que nous ne sommes pas voués à l'échec ?

Je me défais délicatement de son emprise, tandis qu'il reste aussi inébranlable qu'une statue de marbre.

— Tu as toi-même sous-entendu que nous étions néfastes l'un pour l'autre, je poursuis. Pourquoi le nier ? Nous nous faisons plus de tort que de bien.

— Juliet...

— À en croire tes mots, j'ai saccagé et réduit en cendres toute ferveur qui s'animait en toi. Certaines de tes paroles vipérines ont lacéré mon âme tandis que d'autres ont bâti des ponts. J'adorerais te dire que ce sont ceux-là qui ont fait écho en moi, mais serait-ce là la vérité ? Notre vérité ?

WHEN JULIET NEEDS ROMEOOù les histoires vivent. Découvrez maintenant