• CHAPITRE DOUZE •

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Je peste un moment dans mon coin avant de finir par lancer amèrement :

— J'ai cru que tu ne savais pas cuisiner.

— Je me suis simplement renseigné sur tes connaissances en la matière, ce qui n'est pas pareil.

— Gnagnagna, je fulmine doucement.

— Plait-il ? fait-il en se retournant.

– Rien.

— Si tu en veux, il te suffit de demander gentiment et je partagerai avec plaisir.

— Non merci ! Je n'ai pas très faim de toute façon.

Mon ventre se tord dans tous les sens alors que je plaque un sourire qui est tout sauf sincère sur mon visage.

— La perte est tienne. Je fais le meilleur curry de poulet au lait de coco du coin.

Bien sûr, monsieur : mes chevilles ne rentreront bientôt plus dans mes chaussures !

— Oh, je n'en doute absolument pas. Je crains uniquement l'empoisonnement alimentaire.

— Tu ne souhaites pas y goûter, nous avons donc fait le tour de la question. Pas la peine d'être désobligeante. 

Je soupire tandis qu'il se retourne et je fais dans ma tête l'inventaire des maladies les plus mortelles que je connais. Soit Romeo prend un malin plaisir à mastiquer et avaler de manière bruyante soit je me fais des films. Je fantasme pour ainsi dire sur les sons de succion. Je suis convaincue qu'il est, à peu de choses près, proche de faire l'amour à sa fourchette. Il mange avec une satisfaction non feinte et même si je ne vois pas son visage, je suis persuadé qu'il irradie de bonheur. Quand il s'accoude nonchalamment sur le bar et me présente son profil, je me demande si c'est vraiment mal de souhaiter une mort lente et douloureuse sous le coup de la suffocation à quelqu'un. Je pense que non au fond. Après tout, si cela s'avérait être le cas c'est qu'il l'aurait bien cherché, n'est-ce pas ?

Tandis que je rumine sombrement, Romeo lessive d'un bout à l'autre son assiette. Il se lève pour se diriger vers le lavabo où il rince celle-ci impeccablement. Il attrape de nouveau le lait alors que de mon côté j'adresse une prière silencieuse au Dieu de la vengeance suprême afin qu'il avale de travers et qu'il soit emporté par une quinte de doux odieuse.

— Bonne nuit, me lance-t-il en s'éloignant vers le couloir.

— Hey, attends ! je l'interpelle en me levant rapidement.

— Oui ?

— Je n'ai pas de quoi me couvrir !

— Et donc ? fait-il en arquant un sourcil.

— Et donc il fait froid pour ta gouverne !

— Ce ne sont pas mes affaires.

— Est-ce que tu te moques de moi ?

— Adverbe de négation.

Je suis scandalisée par ses réponses, mais il ne me laisse même pas une chance de lui dire ce que je pense, car il tourne les talons et s'en va. Je le suis spontanément jusqu'à sa chambre et ce n'est qu'une fois sur le seuil qu'il me fait face.

— Sers-toi donc de ton imagination et de ce que tu as pris un malin plaisir à observer ce soir pour te réchauffer.

Un sourire carnassier éclaire son visage avant qu'il ne me claque brutalement la porte au nez en m'abandonnant totalement interdite debout comme une potiche. Très bien, monsieur : j'ai la dent dure ! Je trouve dans l'un des placards du couloir une serviette de bain assez large et je me fais une promesse solennelle : je ne trouverais plus le repos avant de le lui faire payer. Je me faufile sous ma couverture de fortune et je finalise mentalement tous les détails de mon plan de demain matin. Il n'est que vingt-deux heures et il est hors de question que je dorme sans que celui-ci soit bien rodé. Mais c'est peine perdue... mon esprit est dissipé. Je m'imagine tantôt l'étouffer délicatement avec un oreiller, tantôt me glisser au chaud sous ses draps afin de lui montrer à quel point il n'a aucune idée de ce dont je suis capable. Sauf que je n'ai pas envie de me battre ce soir et que je préfère garder mes forces pour la bataille à venir.

WHEN JULIET NEEDS ROMEOOù les histoires vivent. Découvrez maintenant