• CHAPITRE TRENTE-ET-UN •

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Je referme les yeux violemment moins d'une seconde après les avoir ouverts tant la clarté du jour me carbonise presque les rétines. Je bougonne en m'étirant, car je ne sens presque plus aucun de mes membres. Du peu que j'ai vu, je suis toujours sur le balcon, totalement enveloppée par l'édredon sur le transat qui m'a servi de lit de fortune cette nuit. Je fais une nouvelle tentative et le résultat est bien plus fructueux.

— Quel minutage incroyable ! lance joyeusement Romeo.

Il me rejoint rapidement et enlève sa paire de lunettes de soleil pour me la tendre. Aussi minime que soit ce geste, il me touche. Cœur de guimauve !

— As-tu faim ? Car pour ma part, je suis affamé !

Il tire une petite table d'appoint jusqu'à moi et y dépose une carafe de jus. Je réalise qu'elle vient compléter le tableau pantagruélique qui se dresse devant moi.

— Motivé ? je grommelle.

— Oui. Je le suis même incroyablement ce matin, s'amuse-t-il.

Romeo me glisse entre les mains une tasse de café et tous mes neurones s'activent d'un coup dans l'espoir de ressentir rapidement les bienfaits de la première gorgée. Je prête enfin attention au festin royal qu'il a déposé devant moi. Plus qu'un régal pour les yeux c'est un appel à la tentation. Les effluves de viennoiseries tout juste sorties du four me broient les entrailles.

— Merci.

— J'ai cru que ça ne viendrait jamais ! Néanmoins, ne t'enthousiasme pas trop à ce sujet. C'était un pur élan égoïste, car je meurs réellement de faim.

J'avale une gorgée brûlante et savoureuse à souhait avant de répondre d'une voix un peu moins éraillée cette fois-ci.

— Tu as vraiment un truc avec la nourriture.

— Hum... fait-il pensivement en me tendant un pain au chocolat.

— Merci beaucoup.

— Je crois que tu as raison.

— Comme toujours, je souris.

Nous attaquons ce petit déjeuner en silence avant que je ne prenne conscience de l'heure avancée dans la matinée qu'il est.

— N'as-tu pas une vie à mener ?

— C'est exactement ce que je fais !

— Ah.

— Allez, mange ! ordonne-t-il doucement.

Le bain de soleil que je prends depuis plus d'une heure me met littéralement en transe. Étendue sur le transat près de celui sur lequel Romeo travaille, je me demande comment j'ai fait pour passer à côté de ce genre de plaisirs depuis si longtemps. Depuis combien de temps n'ai-je pas simplement profité du moment présent sans me soucier du reste ? Je ne me suis pas accordé le droit de me saisir de ce que la vie avait à m'offrir ces dernières années. Poussée par une envie malsaine d'aller toujours plus loin, plus vite, de faire mieux... D'être parfaite. Ce n'est pas celle que je veux être en réalité. Romeo a toute mon admiration sur cet aspect de son comportement. Il est aussi dévastateur et imprévisible qu'un ouragan. Dominant les éléments, les écrasant et les rejetant à sa guise en ne gardant dans l'œil du cyclone que ce qui le satisfait et rien d'autre. Cette sensation semble si grisante ! Il émane de lui un sentiment puissant de liberté et j'en suis ridiculement envieuse.

— Que se passe-t-il là-dedans ? demande-t-il en m'effleurant délicatement le front.

Je recule en sursautant et il fronce les sourcils en laissant sa main retomber entre nous.

WHEN JULIET NEEDS ROMEOOù les histoires vivent. Découvrez maintenant