• CHAPITRE TRENTE-TROIS •

20.8K 1.5K 148
                                    


Jasper m'observe sans dire un mot pendant que je lui raconte la suite de mes aventures.

— C'était la bonne chose à faire, finit-il par dire.

— Pourquoi est-ce aussi amer ?

Il connaît la réponse à cette question tout autant que moi, mais il ne la formule pas à voix haute. Confortablement installée dans son canapé, j'essaie de me persuader que j'ai bien agi. J'ai fait un choix et qu'il m'ait ou non brisé le cœur, je dois m'y tenir pour ma propre santé mentale comme Romeo me l'a si bien dit. Cela ne rimait à plus rien du tout et je pensais que cette décision me permettrait d'apporter un brin de lumière, mais tout s'emmêle toujours dans tous les sens. Bien qu'il ait rendu le double de mon trousseau de clés à Jasper, j'ai préféré ne pas aller chez moi. La proximité des appartements m'a étrangement remué une fois sur le pas de ma porte. J'ai ressenti le besoin de m'éloigner le plus possible. Il a ce pouvoir de persuasion qui vous fait hocher la tête de haut en bas alors que votre esprit souffle au même moment un non ferme. Le genre d'homme captivant qui prend racine sans tambour ni trompette dans vos sentiments. Un personnage si ardu à déchiffrer, mais que l'on ne veut tellement pas décevoir que cela en devient parfaitement grotesque. Je me suis engouffrée la tête la première dans les brèches qu'il a créées avec délectation et maintenant j'ai juste envie de me mettre des claques. William a assez piétiné et saccagé mon cœur pour que je le confie aveuglément à quelqu'un d'autre. Moi qui pensais l'avoir pourtant cadenassé à triples tours, je me rends compte que tel que je l'avais prédit l'atterrissage est d'une violence incomparable.

— Est-ce que tu veux grignoter quelque chose ?

Au souvenir du petit-déjeuner que j'ai pris ce matin, mon estomac se soulève.

— Non merci, je me sens un peu barbouillé.

— C'est sans doute le moment de te faire part du fait que ton frère m'a contacté. Je me demande bien comment il a pu se procurer mon numéro de téléphone, mais je dois avouer que sa voix aguichante ne m'a pas dérangé le moins du monde !

— Quoi ?

Je suis sidéré par ce que je viens d'entendre.

— Il m'a dit que d'après ce qu'il aurait saisi, je pourrais avoir une influence sur toi et que par conséquent j'arriverais peut-être à te faire entendre raison. C'est comme ça que j'ai compris où tu devais être.

Un rire étranglé m'échappe. Mes proches baignent dans le contrôle obsessionnel. J'ai une famille composée de vrais déséquilibrés.

— Je présume que c'était Marcellus ?

— Ce prénom de divinité vivante ! s'extasie-t-il.

— Arrête de t'abandonner à des fantasmes sur la voix de mon frère et ne va pas chercher plus loin, c'est mon père qui a dû lui tenir ces sornettes avant de lui fournir ton numéro.

— Sornettes ? Et moi qui pensais réellement avoir un ascendant sur toi ! J'étais si persuadé d'avoir su dompter la panthère aux griffes affûtées, plaisante-t-il.

— Je t'en prie ! J'ai plutôt l'air d'un furet en pleine crise identitaire dernièrement.

Son rire fuse à travers toute la pièce et il est tellement contagieux qu'il m'emporte à mon tour. C'est pour cette raison que Jasper est et restera le meilleur acolyte au monde. Il est ce genre d'ami qui peut vous fournir un alibi ou aller cacher le cadavre à votre place le temps que vous puissiez vous en créer un. Nous rions à gorge déployée pendant un bon moment avant que la sonnerie de mon téléphone ne nous interrompe.

WHEN JULIET NEEDS ROMEOOù les histoires vivent. Découvrez maintenant