WHEN JULIET NEEDS ROMEO

• CHAPITRE VINGT •

Romeo ne me laisse pas le temps de faire un pas qu'il m'attire brusquement par le bras et me plaque contre le mur. Génial, un cliché !

— Lâche-moi.

— Je n'apprécie pas cette indifférence.

— Qui crois-tu être pour penser que tu piques constamment mon intérêt ?

— Quelqu'un de bien moins frigide que toi. Et c'est déjà bien ! me répond-il sèchement.

Je lève ma main pour lui témoigner physiquement toute l'aversion que j'éprouve pour lui en cet instant, mais il l'attrape au vol comme avec Harper et il me sert un sourire parfaitement condescendant.

— Tsss, tsss, pas si vite !

— Lâche-moi Romeo.

— Ou sinon ?

— Espères-tu avoir des enfants un jour ?

— N'essaie pas, répond-il sereinement.

— Ne me tente pas.

— Hélas ! Il y a plus de danger dans tes yeux que dans vingt de leurs épées. Un doux regard de toi, et je suis à l'abri de leur inimitié.

— À confession douteuse, douteuse absolution.

Je ne sais pas ce qui est le plus troublant, sa proximité qui éveille en moi de nombreux sentiments contradictoires ou bien que nous connaissons tous deux par cœur l'œuvre dont nos prénoms respectifs découlent ? Que j'en maîtrise chaque mot passe encore puisque ma mère voue un sacro-saint culte à Shakespeare, mais le concernant je trouve cela tout à fait incongru. Il recule de quelques centimètres et un embarras palpable me consume entièrement alors que ses yeux me balayent avec avidité. Ils s'attardent bien plus longtemps que nécessaire sur mes lèvres, mais il se reprend rapidement et comme à son habitude il me gratifie d'un sourire énigmatique. Quand il me relâche enfin, il en profite pour mettre ses mains de part et d'autre de mon visage de sorte à m'emprisonner. Il se penche en avant et réduit presque à néant l'espace qui nous séparait encore.

— Ô je suis le jouet de la fortune !

Son souffle chaud m'effleure en une douce caresse et je suis tenté de me laisser fondre sur place. Non ! Je me dégage à l'aide d'une clé de bras apprise aux quelques cours d'autodéfense que j'ai suivis. Je ne sais effectivement pas cuisiner, mais il me reste certains atouts dans ma botte secrète et je ne compte pas tous les dévoiler d'un coup. Romeo ouvre grand les yeux et je triomphe mentalement, le rapport de force a certes changé, mais nous nous retrouvons maintenant dans une position instable. Un simple geste de sa part et nous basculons tous les deux. Un rire guttural lui échappe et il soulève autant qu'il le peut sa main vacante pour capituler.

— Bien ! Puisque j'ai toute ton attention, tu noteras que l'on n'emprisonne pas une fille entre ses bras sans son consentement au préalable, est-ce clair ?

Un sourire féroce se dessine lorsqu'il se libère de ma prise sans difficulté et qu'il m'attrape vivement la nuque pour maintenir mon visage proche du sien. Je ne sens que trop bien chaque connexion entre nous. Ses doigts fins sur ma peau, le frôlement de sa cuisse contre la mienne, son souffle près de mes lèvres... Les frissons qui sillonnent langoureusement le bas de mes reins me figent sur place.

— Tu apprendras quant à toi que sous-estimer ses ennemis est à tous les coups une mauvaise idée.

Espèce de...

— Ce n'est pas la peine de m'injurier dans ta jolie petite tête. C'est même d'une mesquinerie sans pareil, raille-t-il.

Je n'ai aucun argument à lui balancer au visage et c'est bien une première pour moi. Je me suis attendue à tant de choses lors de cette prétendue cohabitation, mais rien d'aussi belliqueux. Nous sommes sans cesse sous le joug d'une tempête indomptable et j'en ai le tournis. Ses multiples personnalités font étrangement écho aux diverses facettes que je possède et c'est déconcertant. Il est arrogant, insupportable, pédant, insolent et pourtant quelque chose m'attire irrévocablement vers lui tel un papillon près d'une lumière. Nous ne sommes pas dans une pièce de théâtre, c'est la vraie vie et même si tout ceci semble l'amuser, je sens au plus profond de mon âme que je serai celle qui se brûlera les ailes. Le flot de mes pensées est interrompu par un petit coup bref à la porte.