• CHAPITRE VINGT-NEUF •

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Le temps se fige. Qu'est-ce que mon frère vient de dire ? Je vais décidément de surprises en découvertes aujourd'hui. Le visage de Romeo se ferme d'un coup et ses yeux prennent une teinte agressive. Tendu au possible, il semble prêt à exploser dans la seconde.

— Je t'interdis de parler de mon père, répond-il froidement.

— Tu n'as pas le choix, nous allons en discuter, que cela te plaise ou non.

Romeo jette le sac dans l'évier et se dirige redoutablement vers mon frère. Lorsqu'il arrive à notre niveau, je me place sans réfléchir entre eux en posant la main sur sa poitrine. Il l'observe un moment et je suis tenté de retirer mes doigts, mais je n'en fais rien. Il me dévisage perplexe, mais je n'ai aucune réponse à lui apporter. Sa figure est totalement tuméfiée et les nombreuses teintes qu'elle prend semblent les unes plus douloureuses que les autres. Le vert de ses yeux est si sombre que je ne les reconnais plus. Il inspire et expire si bruyamment qu'à ce rythme nous manquerons vite d'oxygène dans la pièce. Malgré tout ce que nous avons vécu et tout ce que j'ai pu lui dire un instant plus tôt à propos de ma famille, j'essaie de lui transmettre tout mon soutien à travers ce contact physique. Je ne me suis pas interposé pour protéger mon frère, je l'ai fait pour lui. Pour cet homme qui a fait sauter certains de mes cadenas sans mon consentement. Celui dont les différentes facettes m'éblouissent tel un miroir en plein soleil. L'homme qui a su lire en moi comme dans un livre ouvert et qui m'a fait sortir de ma zone de confort chérie. Celui avec lequel je me sens étrangement connecté.

— Lâche-moi Juliet.

— Je ne te retiens pas Romeo.

Il inspire une dernière fois avant de rompre le contact en reculant d'un pas. Ma main retombe doucement et un vide immense s'insinue en moi.

— Va-t'en Marcellus, ordonne-t-il sans me quitter des yeux.

— Non.

Mon frère s'avance dans mon dos et je me retrouve presque prise en sandwich entre eux.

— Pour l'amour de la seule Nicholson respectable dans cette pièce, va-t'en, tempête Romeo.

— J'ai parlé à son avocat et d'après lui il sortira dans moins de six mois.

— Arrête ça ! explose Romeo.

Son timbre de voix me fait sursauter. Je ne l'ai jamais entendu hausser le ton de la sorte et le Romeo que j'ai face à moi est totalement méconnaissable. Ses traits sont déformés par la colère et ses narines en frémissent presque. Lui qui a toujours ce petit côté mauvais garçon arbore maintenant un véritable air terrifiant. Même si son visage semble avoir essuyé quelques bons directs de Mohamed Ali en personne, son attitude est néanmoins bien plus révélatrice du fond de sa pensée. Il se dégage de lui tellement de sévérité et d'hostilité. Ce n'est plus le Romeo joueur et taquin que j'ai fréquenté ces derniers jours. J'ai devant moi maître Andrews. Dur, implacable et déterminé.

— Tu es ridicule et cette vendetta que tu crois mener ne rime à rien. Elle te dirigera droit vers là où elle a guidé ton père, lâche Marcellus.

Romeo est aussi rapide qu'un serpent venimeux et en une fraction de seconde je me retrouve le nez collé contre son torse. Je n'ai aucune visibilité, mais je sens qu'il a attrapé mon frère par le col de sa veste. Il passe son bras vacant autour de ma taille et m'éloigne d'un geste sec. J'observe donc la scène sous un nouvel angle. Bien que physiquement différents, ils se ressemblent beaucoup en fin de compte. Même taille, mêmes manières, même jeu de physionomie. Alors que l'un semble sur la défensive, l'autre a lancé l'offensive. Marcellus tente de se dégager de la prise de Romeo, mais celui-ci le retient fermement à l'aide de ses deux mains. Leurs visages ne sont plus qu'à quelques centimètres.

WHEN JULIET NEEDS ROMEOOù les histoires vivent. Découvrez maintenant