La poigne assurée, fatiguée de cette journée interminable, mais maîtresse de mes émotions cette fois, je toque à la porte de celui qui fut jadis mon voisin puis mon colocataire. La réponse ne se fait pas attendre. Il ouvre en grand en pensant probablement que c'est Nathan qui revient sur ses pas avant de froncer les sourcils lorsqu'il se rend compte que ce n'est pas le cas.
— Juliet.
Sans même demander la permission, je m'engouffre dans l'appartement en le bousculant au passage.
— Hum, se résigne-t-il en claquant la porte derrière moi.
Les poings enfoncés profondément sur les hanches, je lui fais face. J'ouvre la bouche et la referme net lorsque je sens ma volonté chanceler doucement. Il est d'une beauté telle que c'en est vraiment agaçant. Romeo me scrute et ses lèvres se fendent en une moue séduisante. Son ego doit réaliser au moment même un triple salto arrière tant il doit fanfaronner comme un paon au-dedans.
— Plus de bouffonnerie ! je lui intime.
Il porte la main à son cœur pour la deuxième fois de la journée et fait mine d'être blessé.
— Et moi qui croyais que tu m'appréciais pour ça ?
— Je ne t'apprécie pas, je te supportais seulement et la nuance est particulièrement perceptible.
— Ô nature, qu'allais-tu faire en enfer lorsque tu as abrité l'esprit d'un démon dans le mortel paradis d'une si douce chair ?
— Je te laisse le choix Romeo, la vérité ou...
— Ou quoi ? me coupe-t-il en me rejoignant.
Il est maintenant si près que nos corps se touchent presque.
— Crois-tu réellement être en position de marchander ?
— Je ne suis pas une vendeuse de tapis et je ne suis pas en train de négocier ! Je t'offre un choix, c'est différent.
— Pourquoi tiens-tu si farouchement à nous mener sur ce terrain-là ?
— Quel terrain ? Celui de la vérité que je mérite pleinement ?
— Celui qui nous portera vers une fin fatale. Ce dénouement où l'un d'entre nous finira meurtri.
— Donne-moi la vérité ou mes clés, c'est assez simple comme décision à prendre.
Il attrape dans la poche arrière de son jeans mon trousseau et le fait virevolter autour de son index. Comme si celui-ci attendait sagement de faire son entrée.
— Parles-tu de ces clés ? Celles qui m'appartiennent jusqu'à la fin de notre pari ?
— Je me suis laissée embarquer dans une d'histoire dénuée de sens. Nous n'en avons plus aucun contrôle et bien que tu ne me facilites pas la tâche, j'essaie simplement de remettre de l'ordre dans tout ceci.
— Je n'ai pas besoin d'une quelconque structure et encore moins de discipline.
Il se penche un peu plus jusqu'à ce que nos yeux se retrouvent au même niveau.
— Et peut-être que toi non plus, souffle-t-il.
Nous ne sommes plus qu'à quelques centimètres l'un de l'autre et c'est donc le moment où j'ai du mal à réfléchir convenablement.
— Qu'est-ce qui ne tourne pas rond chez toi ? je demande en le repoussant sans ménagement.
Sans aucune réponse, il me contourne et se dirige vers la cuisine. Je lui emboîte le pas rapidement. Il ouvre le réfrigérateur et attrape deux bières qu'il décapsule. Il m'en tend une, mais je ne bouge pas. Qu'ont-ils tous avec ça ce soir ? Est-ce que boire me rendrait plus encline à apaiser cette rage qui me possède d'après eux ? Que s'imaginent-ils au juste ? Qu'autour d'un verre j'oublierais l'humiliation cuisante que j'ai vécue ? Car en vrai, c'est bien de cela qu'il s'agit. J'arrive enfin à mettre un mot sur ce sentiment qui m'a pris violemment à la gorge sans que je m'en rende compte. Je me suis sentie offensée et trahie. Il a infligé une blessure à mon amour propre et la raison en est simple : je ne suis pas du tout restée sourde à son charme. J'ai cru... qu'ai-je cru d'ailleurs ? J'ai juste été niaise, point barre ! Face à mon refus de tendre la main il fait glisser la bière sur le comptoir devant moi et même s'il a un sourire en coin, son regard reste parfaitement impénétrable.
VOUS LISEZ
WHEN JULIET NEEDS ROMEO
RomansaC'est une chose de prendre des risques inconsidérés pour tenter de se sentir plus vivante que jamais et c'en est une tout autre que de se jeter volontairement au cœur d'une tempête indomptable. J'ai beau tourner ça dans tous les sens dans ma tête, j...