CHapitre 43

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🏆Kyra Stanley

C'était la première fois de ma vie que j'allais jouer avec d'autres gens que les Glorieux. Ça allait être bizarre et je n'avais vraiment pas hâte. Nous jouions contre Sorel-Tracy. Les Ouragans avaient eu une saison moyenne, ils avaient été la dernière équipe à se glisser en Séries. Nous allions les anéantir facilement.

Après la game, je rentrerais chez moi en prétextant un mal de tête pour ne pas passer de temps avec mon équipe actuelle. Personne ne devait croire mes mensonges, mais je réussissais à m'enfuir pareil. J'espérais de tout cœur que Gigi allait pépé ses troupes du mieux qu'il le pouvait ce soir. Les Glorieux jouaient contre les As. Ils pouvaient les battre. Je le savais.

Je me rendis à l'aréna deux heures avant la game. Malgré ma décision de ne pas m'apitoyer sur mon sort, j'avais de la difficulté parfois à ne pas me mettre à pleurer. Surtout lorsqu'il m'arrivait de voir le collier que Gigi m'avait donné à la St-Valentin que je portais toujours.

Je noyais ma peine dans l'étude, le travail et l'entraînement. Le midi, j'allais à la bibliothèque pour manger et faire semblant d'étudier pour un faux examen, mais en réalité, je faisais quelque chose que je faisais toujours avec mon père lorsque j'étais jeune. J'étudiais les autres joueurs.

Mon père m'avait appris à faire ça il y a plusieurs années. Nous prenions un joueur de la NHL de l'époque et nous regardions ses statistiques, nous cherchions les faiblesses dans son jeu et nous devinions où il allait tirer. J'adorais faire ça. J'en avais beaucoup appris sur le hockey en faisant cela.

J'imagine que mes prouesses au hockey étaient dues au fait que je sache exactement ce qui se passait dans la tête des autres joueurs et que j'avais beaucoup d'imagination. En sachant lire le jeu des autres joueurs, cela m'avantageait lorsque je jouais goaler et cela m'en apprenait plus sur comment les goalers lisent le jeu. C'était la seule raison pour laquelle je ne prenais ma décision pour scorer à la dernière minute: les goalers n'avaient pas le temps d'analyser mon jeu.

Ça faisait quelques années que j'avais arrêté de faire mes fiches de joueurs. Mon père n'étant plus là et étant déjà une joueuse exceptionnelle, je ne voyais plus l'utilité de les faire. Aujourd'hui, j'avais décidé de m'y remettre. Peut-être que je pourrais trouver une utilité à Anto sur la glace pour ça parce que ça me surprendrait que sa commotion ait réglé la chose étrange qui se passait dans son cerveau lorsqu'elle était sur ses patins sans stabilisateur.

J'arrivai à l'aréna avec mes deux paires de patins et tout mon stock de hockey que j'étais allée chercher dans sa cachette Chez Gast avant que les Glorieux n'arrivent. Ils jouaient eux aussi à domicile pour la première game de chaque ronde. Ils avaient quand même terminé premier dans la ligue.

J'allai dans le vestiaire des Bears en me remémorant l'atmosphère qui y régnait avant, pendant et après chaque match. Je fis une grimace de dégoût. J'enfilai mes patins de filles et mon jersey de Carey Price et me dirigeai vers la patinoire. Je voulais faire quelque tour avant que les Bears n'arrivent pour leur entraînement d'avant match.

J'eus une mauvaise surprise lorsque je vis la patinoire. Les Ouragans étaient sur la glace. Il y avait d'autres gens parce que c'était du patinage libre à cette heure-ci, mais ils s'arrêtèrent tous de patiner et me regardèrent. Mon histoire avait fait le tour de la ligue. Toutes les équipes me détestaient.

Avant, tout le monde n'aimait pas jouer contre moi parce que j'équivalais à une défaite assurée, mais nous riions quand même beaucoup ensemble et j'avais des amis dans les autres équipes. Maintenant, je devais être la joueuse de hockey la plus détestée dans la ligue après Xavier parce que lui n'était juste pas battable côté haïssage. Nous formions le couple le plus hait de toute la ligue.

J'embarquai sur la patinoire même si un malaise s'était installé. Même les gens qui n'avaient pas vraiment rapport le sentaient et se tassaient à mon passage. Le capitaine des Ouragans se plaça devant moi. Je m'arrêtais.

«Alors c'est vrai la rumeur. Tu as vraiment changé d'équipe, me dit-il.

- Malheureusement, ce n'est pas un cauchemar, lui répondis-je.

- Ce que je ne comprend pas, c'est pourquoi changé d'équipe? Tu avais toutes les chances de gagner la Coupe avec ton équipe. Tu n'en auras pas plus avec les Bears. C'est un coup bas que tu leur as fait.

- Je n'ai pas besoin d'une équipe pour gagner la Coupe.

- Très bien, mais ça ne justifie pas ton geste. Tu étais la personne qui haïssait le plus Bourgeois Junior et maintenant tu sors avec!

- Est-ce que tu crois que c'est ce que je veux? Je déteste toujours autant si ce n'est pas plus Bourgeois Junior.

- On a toujours le choix. Tu as choisi d'abandonner ton équipe.

- C'est vrai. On a toujours le choix. J'avais deux choix qui s'offraient à moi lorsque j'ai signé ce contrat avec Bourgeois Senior soit je laissais mon équipe coulée parce que nous n'avions pas l'argent pour empêcher le propriétaire de mettre notre aréna à terre, soit je signais ce foutu contrat d'en l'espoir d'amasser, durant l'année, l'argent nécessaire pour rembourser Bourgeois Senior. J'ai préféré sauver mon équipe parce qu'aujourd'hui, elle existe encore même si je ne joue plus avec pour l'instant.

- Et Richard?

- Je ne cesserais jamais de l'aimer. Ce n'était pas juste mon chum, c'était aussi mon meilleur ami. Nous souffrons tous les deux, mais je n'ai pas eu le choix. Je devais agir en assistante capitaine et je ne devais pas laisser mes sentiments nuire à toute mon équipe. J'ai fait un choix. Je le regrette, mais je ne le regrette pas aussi. Les Glorieux vont gagner la Coupe quant même.

- Ils ne feront pas long feu sans toi.

- Ils ne leur restent pas seulement deux games à jouer, eux.

- Pourquoi tu dis ça?

- Parce que tu viens de réveiller le dragon qui sommeillait en moi depuis quelques temps. Je connais mon ancienne équipe, ils vont se battre pour pouvoir éliminer les Bears en finale, mais toi, tu as la malchance de jouer contre moi. Il ne reste à votre équipe seulement deux games à jouer. Profitez-en.»

Les GlorieuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant