Flamme

chapitre 42

- T'es en retard, maugréais-je en voyant Sneaz arriver vers moi en courant, l'air penaud, tandis que je l'attendais depuis dix minutes, les bras croisés devant ma fac.

- J'suis désolé, marmonna-t-il. Tu connais Paris, impossible de circuler tranquillement.

Je soupirai pendant qu'il faisait la moue. Pour se faire pardonner, il se baissa et me fit un petit bisou sur la joue, geste qui me surprit puisqu'il était loin de se montrer aussi affectueux habituellement. Évidement, le retour de flamme ne se fit pas attendre, puisque soudainement, sa main se colla sur ma joue, et une fois que je l'eus repoussé, je sentis quelque chose de collant sur ma peau.

- Qu'est-ce-que tu m'as fait ? m'exclamai-je les sourcils froncés en m'apprêtant à sortir mon téléphone pour m'en servir de miroir.

Pour toute réponse, il fit une bulle avec son chewing-gum. Il me fallut quelques secondes, pour que l'information veuillent bien arriver à mon cerveau, mais quand je compris où il voulait en venir, je me précipitai de sortir mon téléphone de mon sac, risquant même de le faire tomber. Je regardai mon reflet pendant une demi-seconde et je me mis à le fusiller du regard.

- Sneaz, me dit pas que tu m'as coller un tatouage sur la joue quand même ?!

Mais bien-sûr, il ne répondit pas. Non, à la place, il se mit à courir puisqu'il sentait probablement ma vengeance arriver. Je rangeai mon téléphone dans mon sac à main, et je me mis à lui courir après, ce qui était compliqué en raison de la différence conséquente de nos jambes, mais aussi du fait que j'avais, pour une fois, osé mettre des bottines à talons - chose que je regrettai amèrement à présent. Il me fit tourner en bourrique pendant cinq minutes, mais je ne lâchai pas prise pour autant, étant bien plus persévérante que lui. Je devais vraiment avoir l'air ridicule avec ce tatouage sur la joue, à courir à moitié morte de rire après mon meilleur ami, en jupe et bottine mais je m'en fichais. Parfois, ce genre de fou rire ne semblaient évident qu'avec certaines personnes. Sneaz était de ces personnes.
Au bout d'un certain moment, nous nous arrêtâmes tout de même. Je devais être rouge comme une pivoine, et j'étais complètement essoufflée. Nous nous trouvions chacun d'un côté de sa voiture, et il semblait prêt à redémarrer si je me remettais à courir.

- Très bien, j'abandonne, soupirai-je complètement essoufflée. Je me vengerais une autre fois.

Sa petite victoire parut le rendre fier, alors qu'à moi, elle m'exaspéra encore plus. Il déverrouilla sa voiture et je montais côté passager.  C'était exceptionnel qu'il vienne me chercher après mes cours, mais ma voiture était tombée en panne une semaine plutôt, et se trouvait toujours chez le garagiste. Il m'avait proposé de venir me chercher quelques soirs, et j'avais accepté, bien qu'intérieurement, je me demandais s'il ne pensait pas que je déprimais toujours, alors que ce n'était vraiment plus le cas. Pendant qu'il démarra la voiture, je me servis du miroir de poche, se trouvant toujours dans mon sac, pour tenter d'enlever avec beaucoup de difficulté le foutu tatouage qu'il avait trouvé bon de me coller sur la joue.

- Alors, avec Ken ? me demanda-t-il soudainement.

Je m'arrêtais en pleine tâche pour relever ma tête en sa direction, et froncer mes sourcils. Cela faisait déjà bien longtemps qu'il ne m'avait pas parlé de Ken, et je me demandai d'où lui venait cet intérêt soudain. Ken et moi ne nous étions plus adressés la parole depuis son retour des États-Unis, datant déjà d'un mois. A vrai dire, nous ne nous voyions plus non plus. Je me rendais à beaucoup moins de soirées depuis que j'avais repris les cours, et lui n'était quasiment jamais lui, puisque, après avoir fini l'album du groupe, il fallait maintenant le promouvoir. Il allait sortir dans quelques jours, et les garçons semblaient overbookés.