Quand j'ouvris les yeux le lendemain matin, les rayons du soleil qui se levait à peine m'éblouirent. Je refermais les yeux en gémissant avant de les ré-ouvrir plus prudemment cette fois. Ceux-ci me faisaient affreusement mal, à cause des pleurs de la veille et je compris que les événements qui s'y étaient déroulés n'avaient pas juste été un mauvais rêve. Je fus surprise de voir que ma nuit en elle même n'avait pas été très mouvementée. Pourtant, je ne me sentais absolument pas reposée. Je soupirai et me retournai dans le lit, pour tourner le dos à la fenêtre. Je sursautai en voyant que je n'étais pas seule dans le lit. En effet, je ne m'en étais même pas rendu compte mais Ken était là, dormant à côté de moi en me tournant le dos, que j'observai quelques secondes. Je ne me souvenais même pas l'avoir entendu venir dans mon lit pendant la nuit. Il m'avait pourtant dit qu'il revenait, mais le sommeil m'avait emporté et je m'étais endormie avant.
Je gigotai dans le lit, essayant de trouver une position confortable mais je savais bien que je ne me rendormirai plus à présent. Alors que je me demandais quoi faire, j'eus une idée. Je sortis discrètement du lit et je partis enfiler rapidement un jogging , un tee-shirt et une veste de survêtement. Tandis que je mettais mes baskets, j'observai Ken, toujours dans un profond sommeil. Ses cheveux lui retombaient encore sur le front et il avait un air apaisé. Il ronflait légèrement ce qui me fit sourire. Je m'attachai les cheveux en queue-de-cheval , attrapai mes écouteurs et mon téléphone, et je sortis de la chambre sans faire de bruit. La maison était toujours silencieuse. À cette heure-ci, tous les garçons, qu'ils aient fumé hier ou pas, étaient encore profondément endormis.
Je quittai la maison silencieusement et j'enfonçai mes écouteurs dans mes oreilles avant de commencer à trottiner sur le béton de la route – la seule vraie trace du passage humain dans cette campagne. Je lançai l'album des garçons que j'avais téléchargé la veille et je me laissai porter par la musique. Je n'avais jamais été une grande sportive – surtout pour la course – mais de temps en temps, cela me défoulait et me changeait les idées. L'air frais du matin caressait ma peau encore chaude ce qui me fit frissonner. Je courais à petites foulées, et même si au début j'eus du mal à rythmer ma respiration , je m'habituai très vite. La vue que j'avais était presque aussi magnifique que celle à laquelle j'avais assisté quelques jours plus tôt lors de la balade en quad. Le soleil se levait lentement – il ne devait pas être plus de huit heures du matin – derrière les collines. Je me concentrai sur le paysage, sur ma respiration, sur mes muscles, sur la musique, sur tout, sauf mes problèmes de la veille. Cela me fit un grand bien et me débarrassa d'un poids sur mes épaules, même s'il en persistait un : j'avais un peu peur que Ken me regarde différemment après mes confessions sur mon passé. Après tout, j'avais vu de nombreuses personnes changer de comportement avec moi en apprenant que ma mère était morte, et que mon père la battait. Plus question de vivre ça. Je n'avais pas besoin de la pitié des gens. C'était donc la raison principale pour laquelle j'évitais de trop évoquer mon enfance et ma famille.
Les gravillons du bord de la route défilaient sous mes yeux tandis que je n'entendais presque plus la musique à travers les écouteurs tant le sang bourdonnait dans mes oreilles. Je finis par m'arrêter, essoufflée, à la limite de cracher mes poumons et je m'éloignai un peu de la route en marchant, histoire de ne croiser aucune voiture. Je m'asseyais dans l'herbe et je contemplais les brins encore humides de la rosée du matin.
Au fur et à mesure, mon souffle et mon pouls se calmèrent. La chanson que j'écoutais changea alors. Je trouvais ça à la fois étrange, et déroutant d'entendre mes amis en train de rapper – or qu'en live – mais j'adorais ce qu'ils faisaient, vraiment. Quand la voix de Sneaz se fit entendre au deuxième couplet de Pleure Salope je ne pus m'empêcher de frémir en comprenant qu'il racontait un peu dedans son histoire familiale, en particulier celle qui concernait son père. Mon ami ne m'avait pourtant jamais parlé de ce morceau. Mais je l'adorais tout de même. Il reflétait bien la vérité.
VOUS LISEZ
Flamme
Fiksi PenggemarFrédéric Beigbeder a dit : "Fuir, toujours et courir sans relâche. Et puis, un jour s'arrêter pour dire à quelqu'un en le regardant droit dans les yeux : c'est toi dont j'ai besoin, vraiment." Ken et Roxane.