chapitre 44

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Une alarme se mit à sonner, me faisant sursauter, et m'indiquant au passage que si je traînais encore, j'allais être en retard. Or, si habituellement, je me fichais d'être à l'heure, cette fois-ci, je voulais à tout prix être là à temps. J'aurais peut-être dût vouloir le faire patienter. Après tout, il ne méritait même pas que je vienne. Je n'aurais pas dû venir. Je n'aurais jamais dû accepter. Et puis merde, pourquoi avais-je accepté, après tout ? Tout ça pour quoi ? Parce que les paroles de Ken m'avaient fait tilter ? Parce qu'elles avaient piqués mon égo ? Je me trouvais ridicule. Je n'aurais jamais dû accepter ce compromis, ni ce rendez-vous.

Je pris une grande inspiration d'air frais, sentant que j'allais en avoir grand besoin, puis, après avoir profité une dernière fois du magnifique paysage que m'offrait le balcon, je lui tournais le dos et fis le chemin inverse à celui que j'avais pris une heure plus tôt. Depuis le temps que j'étais dehors, mes doigts s'étaient congelés et j'avais perdue toute sensation avec ceux-ci, même s'ils étaient enfouis au fond des poches de ma veste de survêtement. En apercevant la barrière, que j'avais déjà escaladé à l'aller, je lâchai un soupir et je me résignai à devoir ressortir mes mains pour pouvoir refaire de même. Je frissonnai en sentant ma peau rentrer en contact avec le métal froid et humide de la vieille barrière rouillée et une fois de l'autre côté, j'essuyai mes mains sur mon jean pour les sécher. Les rues de Paris étaient étrangement vide pour un samedi matin, mais j'oubliais que nous étions le trente-et-un décembre, et que, par conséquent, tout le monde s'activait pour préparer les festivités qui auraient lieux ce soir dans chaque foyer. Pour ma part, j'avais prévu de profiter de mes amis, puisque, après l'effort, le réconfort. Et dieu savait que l'effort que j'étais sur le point de faire mériterait beaucoup de réconfort.

Ma capuche bien enfoncée sur mes cheveux, j'avais les yeux rivés au sol, mais, je parvenais, malgré tout à esquiver le peu de passants qui se pressaient sur les mêmes trottoirs que moi. Plutôt que de penser à ce que j'étais sur le point d'affronter, je préférai penser aux sacs qu'il fallait encore que je fasse en rentrant chez moi le lendemain - puisque après mon rendez-vous, je passais le reste de la journée chez Cali, qui refusait de me laisser seule, ce qui, pour une fois, n'était pas de refus. J'avais encore du mal à réaliser que dans trois jours, je partais deux à trois semaines pour les États-Unis. Même si je n'y allais pas pour chômer ou me reposer, puisque j'étais engagée pour suivre un collectif de rappeur en tournée aux États-Unis pendant quelques semaines pour en faire un reportage, ou du moins, un mini-film, je réalisais tout de même l'un de mes rêves. J'étais étonnée de voir à quel point le courant était si vite passer entre Ben - le producteur - et moi, car, même au téléphone, nous nous étions de suite très bien entendu. Alors que je m'attendais à discuter avec un homme ayant sûrement la cinquantaine et beaucoup d'expérience derrière lui, la personne à l'autre bout du fil s'était finalement avérée être un jeune homme de seulement quelques années de plus que moi, qui travaillait indépendamment, ainsi que tout ses artistes, des grandes boîtes et de leurs matrices. Il m'avait alors expliqué que plusieurs de ses artistes partaient dans une même tournée, et qu'il recherchait quelqu'un pour immortaliser cette courte tournée. Bien sûr, dès qu'il m'avait proposé, je m'étais retenue de hurler de joie, en sachant que c'était une opportunité en or pour moi, et j'étais resté sobre au téléphone. Pourtant, dès que j'avais raccroché, j'avais fais la danse de la joie dans tout mon appartement, me fichant de si mon voisin comptait venir râler parce que la musique était trop forte à son goût. Je ne l'avais pas officiellement annoncé à toute la bande, mais je n'en avais pas eu besoin, puisque Sneaz l'avait lui même fait, en s'exclamant un peu trop fort lors d'une de nos réunion de groupe. Tous les garçons avaient plutôt bien réagit, ce qui m'avait plus ou moins conforter dans mon choix de départ.

Je finis par arriver, bien plus vite que je ne l'aurais voulu, à destination. Je n'eus aucun mal à repérer Sneaz au coin de la rue, adossé à un mur, une casquette vissée sur son front, les yeux rivés sur son téléphone, en train de m'attendre. En m'approchant de lui, je remarquai qu'il avait ses écouteurs fixé dans les oreilles, et, même quand je me plantai devant lui, il ne sembla pas y faire attention. Je dus tirer sur le fil blanc en râlant pour qu'il daigne relever sa tête vers moi.

FlammeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant