Ce mot résonna quelques instants dans mon cerveau embrumé, comme s'il n'était pas réel. Comme s'il venait de sortir de mon imagination. Pourtant, je savais qu'il était bien sorti de sa bouche, rien que la manière dont mon corps avait réagit en l'entendant me le prouvait. Je m'étais figée, main sur la poignée de la porte, lui tournant le dos. J'étais d'ailleurs bien heureuse de ne pas lui faire face, puisque l'expression sur mon visage devait traduire la perplexité incarnée. Que voulait-il dire par là ? Parlait-il de mon voyage aux États-Unis ? Non. Bien sûr que non. Il m'avait très bien fait comprendre, la dernière fois que j'avais abordé le sujet avec lui, qu'il se fichait éperdument de mon départ. Je devais admettre, que, même si notre relation durant ces derniers temps avait été plus que catastrophique, cela faisait tout de même quelque chose à mon cœur, d'entendre ce mot de sa bouche. Moi qui pensait qu'il dormait - ou du moins, qu'il allait s'endormir - , ce n'était apparemment pas le cas, puisque quand je me retournais, lâchant difficilement la poignée, il était toujours allongé, mais avait les yeux grands ouverts, rivés sur le plafond.
- Pourquoi ? demandai-je alors.
Si je m'étais tournée dans sa direction, j'étais restée au même endroit, c'est à dire loin de lui. Le plus possible. Je savais que dès que je m'approchai un peu trop, toutes mes défenses s'effondraient, surtout avec de l'alcool dans le sang. Je me savais faible, bien trop pour être à moins d'un mètre de lui.
- Tu pars bientôt pas vrai ? J'ai le droit de profiter un peu de toi, non ?
Je maudis presque instantanément les battements de mon cœur qui s'emballèrent involontairement. Presque simultanément, j'avais eu envie de grimacer, puisque je trouvais cela étrange qu'il aborde mon départ avec autant de facilité et de simplicité. N'oublie pas qu'il est bourré, soupira ma conscience qui marquait d'ailleurs un point. Sachant qu'il avait enfin posé ses yeux sur moi, je me contentai de hocher les épaules, ne voulant pas avoir l'air de trop réfléchir. De toute façon, je n'étais pas capable de trop réfléchir. Alors si j'interdisais à mon cœur de me guider, et que ma tête se trouvait trop embrumée pour me contrôler, je préférai encore jouer la carte de l'indifférence. C'était bien sûr l'idée que je me faisais de la conversation qui allait suivre, jusqu'à ce que le jeune homme se décale un peu plus sur la droite du lit deux-places trônant au milieu de la pièce, et tapote le petit espace qu'il venait de libérer, m'invitant à m'allonger à côté de lui. Je soupirai, et, alors que ma conscience commença à freiner des quatre fers, je l'ignorai et vint m'affaler à côté de lui, dans la même position, mais essayant tout de même de me tenir à une distance respectable du jeune homme.
- Ken ? fis-je d'une petite voix. Je peux te poser une question ?
- Hm ?
- Pourquoi t'as frappé Mathieu ? demandai-je alors.
J'y étais peut-être allé de manière un peu trop franche, mais c'était la partie alcoolisé qui venait de poser cette question. Et j'espérais qu'avec un peu de chance, ce soit la partie alcoolisé de Ken - soit la plus franche - qui me réponde.
- Pourquoi tes questions m'emmerdent toujours autant ? répliqua-t-il en tournant sa tête dans ma direction.
Je sentais ses yeux parcourir mon visage, tandis que les miens étaient rivés au plafond, attendant son explication, me demandant même si elle finirait par venir un jour, tant il prit son temps pour répondre. D'ailleurs, j'étais presque persuadée de l'avoir entendu marmonner dans sa barbe " Merde, Blondinette fait chier. " et cela me fit sourire en coin.
- Parce que j'avais pas envie qu'il te fasse du mal. Ou à Blondinette. Mais surtout à toi, rajouta-t-il d'un ton calme, et posé en reposant son regard sur le plafond.
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Flamme
FanfictionFrédéric Beigbeder a dit : "Fuir, toujours et courir sans relâche. Et puis, un jour s'arrêter pour dire à quelqu'un en le regardant droit dans les yeux : c'est toi dont j'ai besoin, vraiment." Ken et Roxane.