chapitre 22

7.9K 362 26
                                    

J'eus du mal à ouvrir les yeux, et ce fut frustrant, parce que je ne me souvenais même pas m'être endormie. L'insoutenable mal de ventre que j'avais eu quelques heures plus tôt était absolument ridicule comparé à celui qui m'oppressait à présent le crâne. Je n'avais jamais vécu une gueule de bois comme celle-ci, et je regrettai déjà amèrement d'avoir trop abusé de l'alcool la veille. Je n'avais pas besoin de regarder pour savoir que Ken dormait encore. J'entendais sa respiration régulière dans mon dos. Je finis tout de même par ouvrir les yeux avec difficulté, et je m'empêchais de lâcher un gémissement de fatigue. En baissant mon regard sur mon corps, je remarquais alors que la main chaude de Ken était toujours posée sur moi, même s'il était encore plongé dans un profond sommeil. Je tendis le bras vers la table de chevet pour attraper mon portable et regarder l'heure. Je sursautais en voyant qu'il était presque déjà onze heures du matin. Bien que j'aurais volontiers passé la journée à traîner au lit, je travaillais et si je ne bougeais pas vite, j'allais être très en retard. Doucement, pour ne pas le réveiller – et ne pas avoir à l'affronter – je retirais sa main et la fis glisser contre le matelas, avant de sortir silencieusement du lit pour rejoindre la chaise de bureaux, sur laquelle le reste de mes affaires avaient passé la nuit. Sans même accorder un regard au jeune homme, j'attrapai le tout et je sortis de la chambre en refermant bien derrière moi, pour ne pas le réveiller. Je n'avais pas envie de le croiser. Je n'avais pas envie d'avoir à m'expliquer sur la conversation que nous avions eue tard dans la nuit, et plus particulièrement sur sa fin. J'avais bien compris le message et je n'attendais plus qu'une chose : pouvoir sortir de cet appartement. Je m'enfermai dans la salle de bain et me contemplai dans le miroir. Étais-je devenue le genre de fille à attendre une sorte de feu vert qui ne viendrait sûrement jamais, de la part d'un jeune homme indécis ? C'était vraiment ça, que j'étais devenue ? Et bien c'était fini. Bien déterminée à mettre derrière moi cette histoire, je me réveillai le visage en y passant un coup d'eau avant de me rhabiller en enfilant mes affaires de la veille. Je me rattachais rapidement mes cheveux ondulés, et je quittais la pièce en coup de vent. Une fois prête, je quittai l'appartement, en courant presque et je rejoignis la station de métro la plus proche, en croisant les doigts pour que Cali soit de bonne humeur. Je savais sinon que j'aurais le droit à une remarque sur mon retard, qui devenait presque quotidien depuis quelques mois. Et je ne m'étais pas trompée. À peine avais-je passé le pas de la porte, essoufflée d'avoir couru pendant presque dix minutes dans l'air glacial d'un matin parisien que la jeune femme déboula vers moi, un plateau à la main.

- C'est pas trop tôt, s'exclama celle-ci en fronçant les sourcils.

Je n'eus même pas le temps de répliquer, puisqu'elle reprit in extremis la parole, mais moins fort cette fois-ci, histoire que tous les clients ne profitent pas de notre conversation. Elle alla même jusqu'à me suivre tandis que j'enfilais le tablier du café.

- T'étais où bordel ? Malone et toi vous m'avez lâchement abandonné, je t'ai appelé quelques milliers de fois !

- Je suis désolée, m'excusai-je en faisant la moue. Ken m'a ramené contre mon gré, et vu mon taux d'alcoolémie, j'ai pas fait long feu...

Je me demandais si elle croirait à mon mensonge – qui n'en était pas un en lui même – mais j'eus de la chance puisqu'elle marcha totalement.

- Ken ? Encore lui ? Tu vas m'expliquer ce qu'il se passe oui ? Me questionna-t-elle en croisant les bras sur sa poitrine, visiblement vexée de ne pas être au courant.

- Et toi ? Il se passe quoi avec Deen ? Je vous ai vu hier, vous rapprocher, rétorquai-je en adoptant exactement la même attitude qu'elle.

Je ne m'attendais pas à ce que ma remarque fasse mouche, mais étant donné la réaction qu'eût la jeune femme, je compris que ce fut le cas. En effet, elle baissa de suite les yeux, et alors qu'elle ouvrit la bouche, pour se justifier ou bien contre-attaquer, le bruit de la porte qui s'ouvrait pour accueillir un groupe de jeunes l'interrompit.

FlammeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant