Notre premier réflexe en commun fut, à Ken et moi, de nous éloigner l'un de l'autre. Bien sûr, c'était trop tard. Sneaz nous avait vus, alors que nous étions sur le point de nous embrasser, et c'était une idée bien bête de reculer comme si de rien n'était. Les yeux noirs de mon meilleur ami passaient du brun à moi, les sourcils froncés, comprenant peu à peu ce qu'il se passait. Vu la lueur qui brillait dans son regard à cet instant précis, j'aurais préféré fondre sur place et ne faire plus qu'un avec le béton plutôt que de l'affronter. Le silence c'était fait sur le petit balcon, paradoxalement opposé à la musique qui tambourinait de l'autre côté de la porte vitrée par laquelle nous étions sortis. Bien sûr, l'ambiance et la tension qu'il y avait entre Ken et moi était de suite retombée, pour être remplacée par quelque chose de beaucoup plus gênant. J'hésitais à prendre la parole, mais de toute façon, je ne savais pas quoi dire. Je me sentais affreusement mal.
- Hum, commença Ken.
- Roxane, je peux te parler ? Le coupa Sneaz d'un ton assez froid.
Aïe. J'avais l'impression d'être une enfant, prête à recevoir la punition de ses parents, et j'étais assez frustrée d'être la première à y passer. Pourquoi ça ne serait pas à Ken de passer en premier ? Se plaignit ma conscience. J'étais tout à fait d'accord, mais je ne me sentais absolument pas prête à discuter, alors je m'étais contentée de hocher la tête. Je me mis à le suivre à l'intérieur, mais en passant à côté de Ken, je le vis tout de même faire une grimace, chose qui ne m'encouragea absolument pas dans ma démarche de tout expliquer calmement à mon meilleur ami.
Quand je suivis celui-ci à l'intérieur de l'appartement, j'eus l'impression d'entrer dans un autre monde, avec une tout autre ambiance. Alors que la tension sur le balcon était à son comble, surtout depuis que Ken et moi avions remarqué la présence de notre meilleur ami, dans la pièce, tout le monde semblait avoir la tête à la fête. Moi, ce n'était plus vraiment le cas.
Personne ne parût remarquer notre brève traversée de la pièce principale. Ils étaient tous pris dans diverses activités : danse, discussions, jeux d'alcool, et j'en passe. Je préférai de toute façon, ne pas croiser le regard des autres, surtout pas dans cette situation. Je gardai donc mes yeux rivés sur le dos tendu de Sneaz tout le long du trajet, jusqu'à une pièce où il me fit signe d'entrer. C'était une chambre, tout ce qu'il y avait de plus simple, sûrement celle d'Antoine, puisque c'était chez lui que nous étions. Un lit fait – très étonnant de la part d'un garçon – trônait au milieu de la pièce, mais celle-ci ne paraissait pas vraiment personnalisée. La seule preuve que quelqu'un y dormait, c'était les cadres posés sur une commode en bois. Je m'approchai de celle-ci pour regarder les photos, évitant tant que je le pouvais l'affrontement que je redoutais depuis trop longtemps. Je sentais les yeux de mon meilleur ami dans mon dos tandis que je parcourais d'un pas lent la pièce jusqu'à pouvoir identifier les visages sur les photos. Je reconnus rapidement une photo de toute la bande des garçons, qui devait dater d'au moins quelques années, vu les visages de certains. Je reconnus rapidement Malone au milieu de tous ces garçons, apparemment en train de se faire taquiner par Doums au moment où le cliché avait été pris, vu le regard noir qu'elle lui lançait tandis que celui-ci avait encore un grand sourire scotché au visage. Je ne reconnus pas la fille sur la deuxième photo, mais ses cheveux blonds et ses yeux clairs la rapprochaient énormément d'Antoine. Sûrement était-ce sa petite sœur ?
J'avais toujours envié les gens qui m'entouraient, ayant des frères et sœurs. Du plus loin que je me souvienne, j'en avais toujours voulu. Un petit frère à embêter ou une petite sœur avec qui m'amuser. Et puis, en grandissant, j'avais compris que je ne souhaitais l'enfance calamiteuse que j'avais eue à personne, et que c'était peut être mieux ainsi, même si au fond, j'avais toujours cette envie, d'avoir quelqu'un à protéger, et inversement. C'était à la mort de ma mère que ce besoin c'était fait le plus ressentir. Je ne m'étais jamais sentie aussi seule que dans cette période-ci. Et puis, j'avais rencontré Sneaz, et tout c'était arrêté. Tout simplement parce que j'avais trouvé, tout ce que j'avais toujours voulu en lui. Il ne partageait peut être pas mon sang, mais c'était tout comme.

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Flamme
FanfictionFrédéric Beigbeder a dit : "Fuir, toujours et courir sans relâche. Et puis, un jour s'arrêter pour dire à quelqu'un en le regardant droit dans les yeux : c'est toi dont j'ai besoin, vraiment." Ken et Roxane.