Chapitre 7

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  Très tôt le lendemain, on nous réveilla brusquement à coup d'eau froide. Quelle galanterie ! On n'aurait
pas vraiment pu avoir mieux ! Trempée et grelottante, j'essayais de me réchauffer auprès des braises qui restaient du feu. Razzia prit son manteau et me le mis sur mes épaules. Surprise, je levai mes yeux sur lui. Il regardait pensivement notre ravisseur avec un regard d'une grande noirceur. La douche ne semblait ne pas l'avoir atteint. Touchée par son geste, je le remerciai doucement. Il me sourit avant de retourner son regard vers la lourde porte. Je remarquai alors que son épée étaient entre leurs mains ! Ah les bandits ! Profiter que l'on soit otage pour nous voler nos affaires ! Je fis une rapide examination de ma sacoche. Forte heureusement, j'avais toujours ma robe. À peine avais-je eu le temps de la refermer que notre ravisseur nous rattacha les poignets et nous mit un foulard sur la bouche avant de nous faire sortir de cette cave. La lumière du jour nous aveugla au point que je dus fermer les yeux en plissant les sourcils. Depuis le temps que nous étions enfermés dans ce lieu si sombre, cela m'étonnait guère. Petit à petit, j'ouvris les yeux. La carriole de la veille était toujours là, prête à nous « accueillir ».          
  Nos autres ravisseurs arrivèrent très rapidement. Je vis les chevaux se faire sceller et être mis au devant de la charrette. On nous poussa alors dans le véhicule en nous recouvrant de la même bâche que la veille.
- En route ! cria un homme joyeusement. Direction Neufchâteau !
Sur ses mots, il fit claquer ses rennes. Je sentis les roues commencer à avancer sur le pavé de la ruelle. Neufchâteau, ce n'était pas si loin de là. Nous arriverions sûrement dans la soirée, voir dans la nuit.

  Couchée sur la paille, j'étirai mes jambes au fond de la carriole avant de les replier près de mon corps en soupirant. Danael me manquait tant ! Je me demandais bien ce qu'il pouvait faire. S'entraînait-il avec Jeanne ? Fabriquait-il des armes ? Était-il au marché ? Autant de questions auxquelles personne ne pourrait me répondre. Puis je me souvins de l'attaque. Orchidia était très proche de Domrémy. Les Anglais avaient-il déferlé sur ce village ?  Y avait-il eu un massacre semblable au nôtre ou de celui de Razzia ? Allaient-ils seulement bien ? Et la fileuse chez qui j'allais m'offrir mes fils ? Ces Anglais n'avaient pas le droit d'atteindre à la vie des civils ainsi ! Ils n'avaient pas le droit de me prendre en otage pour s'enrichir ! Et pourtant, ce genre de choses semblaient tellement normales ! Je me rapprochai des hommes pour écouter leur conversation. Il était temps de savoir ce qu'ils allaient faire de nous ! Je soulevai discrètement la couverture avec ma tête pour voir deux hommes. Le premier avait un air très autoritaire. Sa grande taille m'imposait une certaine peur. Le deuxième était plutôt petit. Il semblait craindre le premier. Je pensai alors à une relation maître-serviteur. Leurs vêtements ne firent que venir confirmer ma théorie : le premier était bien mieux habillé que le second. Le reste devait sûrement avoir d'autres véhicules plus confortables.
- Maître ?
- Quoi ??
- Vous voyez le garde qui gardait nos prisonniers ?
- Et bien quoi ? Qu'est-ce qu'il veut ??
- Il avait pensé de les livrer à notre Dauphin. Nous pourrions amasser une belle fortune !
Son maître sembla réfléchir à la proposition. Qu'il refuse ! Il n'était pas question que je retourne entre les mains du futur souverain anglais ! Assez de ce peuple qui occupaient nos terres depuis bien trop longtemps !
- Belle idée ! Imagine la gloire et la fortune que je pourrais amasser !
Évidemment ! Ce qui était bénéfique pour lui ne l'était vraiment pas pour moi ! Qu'est-ce que je pouvais bien croire ?! Qu'ils allaient gentiment nous libérer ? Il fallait vraiment que je cesse de rêver ! Si seulement que je n'avais pas été si sotte dans ma fuite, nous n'en serions pas là !
- Ce serait fabuleux mon seigneur ! Mais pourquoi devons-nous rendre par Neufchâteau ?
- Nous avons une jeune dame bougre d'idiot ! Il ne faudrait pas « l'abîmer » ; elle perdrait de sa valeur ! Elle a tout de même le droit à un minimum de confort. Même si elle semble avoir un fichu caractère, elle reste une femme incapable de faire quoi que ce soit.
Je bouillonnais. Les femmes incapables de faire quoi que ce soit ? Non mais assez de ce monde virile ! Nous aussi nous étions capable de grandes choses ! Pourquoi dit-on toujours les dames aux casseroles ou à la broderie ? Je savais me battre moi ! Sûrement pas mieux qu'eux mais je savais me défendre !
- Et l'homme avec elle ?
- Nous verrons avec notre honorable Dauphin. Robuste comme il est, il pourrait bien nous être utile dans nos armées.
Razzia sur le champs de bataille avec les Anglais ?? Il n'était pas question ! Il était né français, pourquoi changerait-il de camps ? Certes c'était un otage mais cela ne suffisait pas !
- Et comment allons-nous le faire obéir ?
- En le torturant.
J'étouffai du mieux que je pus un cri d'horreur. Mon garde, se faire torturer ?? Je ne pouvais pas le supporter ! Les techniques de tortures étaient terribles ! Il pouvait en mourir ! Il ne méritait pas ce sort. C'était immonde ! N'y avait-il pas de justice en ce monde cruel ? Je jetai un coup d'œil vers le concerné. Il ne semblait n'avoir guère entendu ce qui venait d'être dit. C'était mieux ainsi, je ne voulais pas le voir déprimer.

L'appel de JeanneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant