Chapitre 55

48 6 0
                                    

Petit rappel :
Gryf = Jean d'Aulon alias Jeannot

Bonne lecture !

__________ 

  24 juin de l'an de grâce 1429, aux aurores. Après le grand conseil, nous avions rassemblé nos affaires pour être prêts à partir de Châteauneuf-sur-Loire à l'aube. La veille, nous avions donc roulé toute la journée vers Gien. Arrivés à la périphérie du bourg, à la nuit tombée, nous nous étions restaurés et nous avions dormi dans une auberge. À présent, nous nous préparions pour retrouver le Dauphin dans sa demeure. Prête depuis quelques instants, je descendis les escaliers et sortis de l'auberge. Mon regard se posa sur notre diligence où je vis Élysio sautiller autour de Danael. Au fur et à mesure que je m'approchais, un sourire se dessina sur mes lèvres. Notre petit page était adorable avec ses questions incessantes sur le couronnement du futur Charles VII à Reims. Dan peinait à lui répondre : il devait trouver le meilleur chemin pour amorcer notre arrivée à Gien.
-Un coup de main ? proposai-je.
Les deux hommes se retournèrent dans ma direction. En m'apercevant, le petit garçon se précipita sur moi, attrapa ma main et m'emmena près de mon chevalier. Amusée, je le suivis sans opposer de résistance. Le blond me sourit, gêné de l'attitude du benjamin de l'équipe qui commençait à me bombarder de questions.
-Du calme ! ris-je. Tu veux tout savoir sur ce couronnement, n'est pas ?
-Oh oui oui oui !! s'écria-t-il complètement surexcité. On n'a pas vraiment eu le temps de tout m'expliquer.
-Bien ! Alors, je te propose que l'on entre dans la voiture pour laisser Danael travailler.
Élysio acquiesça vigoureusement et ouvrit la porte. Nous nous installâmes dedans et je me mis à tout lui résumer. De ses incertitudes au grand conseil, rien ne fut oublié. Et, près d'une heure plus tard, le page connaissait les conditions de la chevauchée sur Reims. Comme nous, il espérait vraiment que cette cérémonie aurait lieu. Elle était décisive pour annuler le traité de Troyes.

  Une demi-heure plus tard, Danael nous présenta son plan. En ligne droite, la porte de Gien serait facilement atteinte. Puis, pour se rendre au château il proposa de passer par la voie centrale. L'idée était de faire une entrée triomphale pour comprendre que tout le monde était prêt à se battre à libérer la voie vers Reims de la domination bourguignonne. Elle fut approuvée par tous. Grâce à leur enthousiasme les habitants pourraient faire pression sur notre honorable Dauphin. Jeanne omit une petite faveur. Gryf avait toujours été très discret lors de nos campagnes. Il n'osait jamais prendre la parole pour répondre aux questions de nos soldats. C'était bien le seul d'ailleurs... Pourtant, c'était la personne la plus courageuse de toute notre équipe ! Il nous semblait injuste de le laisser dans l'ombre. Alors elle suggéra de le faire entrer en premier dans le bourg, son étendard à la main ! Nous approuvâmes tout de suite l'idée. Néanmoins, le jeune homme hésita quelques instants. Il ne pensait pas mériter ce rôle, qu'il valait mieux désigner quelqu'un d'autre, même s'il restait touché par la proposition.
-Tu vas porter cet étendard Jeannot ! s'énerva Shimy. Je me fiche de tes excuses irrecevables qui disent que tu ne devrais même pas être ici. Mais honnêtement, hormis Razzia et Danael, qui aurait vraiment cru qu'on serait tous présents, à nous battre pour notre royaume ? Ne me dis pas que ce n'est pas la même chose pour toi car tu as des origines qui auraient pu te nuire. Pourtant, tu as amplement ta place ici, à te battre contre les Anglois. Ton courage est immense, tu es un guerrier hors pair. Alors tu vas arborer fièrement cette bannière pour rendre hommage à ta bravoure. Parce que tu le mérites. Et surtout pour que tu voies enfin le personnage légendaire que tu es.
Et sans plus attendre, l'archer lui tendit l'étendard qu'il prit sans autre forme de procès.

  Aux portes de la cité sur nos destriers et en armures, Gryf nous jeta un dernier coup d'œil rempli de nervosité. Shimy avait bien fait de lui remonter les bretelles, il était temps qu'il se rendît compte du formidable membre de la légendaire équipe qu'il était ! Jeanne hocha la tête, en signe de soutien à notre ami. Et sans attendre plus longtemps, il entra dans Gien, nous autres sur ses talons.
  Comme à Orléans, une foule de bourgeois accouraient vers la route principale. Les fenêtres et les portes d'entrée s'ouvraient tandis que les passants s'effaçaient pour nous laisser passer. Les claquements des sabots des chevaux leur imposaient une certaine forme de respect envers notre groupe. Personne n'était sans savoir qui nous étions. Je jetai un coup d'œil vers Gryf. Brandissant fièrement l'étendard, il semblait prendre de l'assurance dans sa démarche. Un timide sourire était dessiné sur son visage. Mon cœur se gonfla de joie. Enfin il ne se voyait plus comme un imposteur ! Enfin il arrivait à profiter pleinement de nos victoires ! Et j'espérais que cela durerait le plus longtemps possible. Ce fut sur cette pensée positive que je vis la demeure royale où nous allions être logé.

L'appel de JeanneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant