Chapitre 38

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Petit rappel :
Jadina = Bertrand de Poulengy

Bonne lecture !

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  Le temps que l'information fût remontée à notre cerveau, Jeanne se précipitait déjà vers l'extérieur. Ouvrant grand la tente, nous étions totalement désemparés. Comment Jean d'Orléans avait-il pu partir se battre sans demander l'avis des autres ?? C'était insensé ! À chaque fois que notre amie réclamait une attaque sur tel ou tel fort, il refusait ! Malgré la colère qui pouvait s'emparer de La Pucelle et de leurs désaccords, elle finissait par respecter les décisions. Jamais elle n'avait bravé les interdictions. Pourtant, il avait osé lancer une offensive sur le fort Saint-Loup ? Profondément irrespectueux !
  Revenant en trombe, vêtue de son armure et de son étendard, elle nous donna toutes les directives très rapidement. Danael et moi devions venir avec elle, sur cette fameuse forteresse. Gryf, Shimy, Razzia et Ténébris devaient aller voir les autres commandants en chef pour préparer une attaque sur le fort Saint-Pouair. En effet, elle nous avait expliqué que, dans une de ses visions, le lord Talbot tenterait de créer une diversion du côté nord de la ville. S'ils ne les trouvaient pas, nos aînés devraient réunir une garnison pour contre-attaquer. Elle savait qu'ils avaient déjà été sur un véritable champ de bataille. Enfin, pour sa sécurité, Élysio resterait bien sagement dans la tente.
Les ordres reçus, Jeanne partit sur le champ, Dan et moi à ses trousses sur nos chevaux respectifs. Heureusement que nous n'avions pas retiré notre armure depuis ce matin ! Galopant au vent sur nos montures, Dan, Jeanne et moi nous dépêchions d'arriver à la forteresse.
-Ces maudits commandants commencent sérieusement à me courroucer, déclara furieusement la guerrière. Il est grand temps d'avoir une discussion à propos de tout cela.
-Je suis bien d'accord avec toi Jeanne, approuva mon chevalier avec le même ressentiment, surtout que ce n'est pas la première fois que cela nous arrive.
-D'ailleurs, reprit-elle, comment cela se fait-il que vous n'ayez pas été prévenus de cet affrontement ?
-Nous te sommes très fidèle mon amie, lui répondis-je d'une voix assez forte. Si nous avions été mis au courant, nous t'aurions prévenue et tu aurais pu en faire toute une histoire. Réaction tout à fait compréhensible quand on sait que nos hommes sont arrivés il y a de cela deux heures.
-Ahurissant... soupira-t-elle. Je vais avoir une sérieuse discussion avec eux !
-Pas lors de la bataille ! répliquai-je. Ce serait une catastrophe !
-Bien-sûr Bertrand ! Lors du conseil de guerre, j'en parlerai. J'ai bien vu que se disputer sur le lieu de l'affrontement n'est aucunement envisageable.
Alors que notre amie achevait sa phrase, nous entendîmes une cacophonie de cris, de bruits de sabots, d'hennissements et de fers qui se croisaient. La bataille était toute proche. Accélérant l'allure, nous finîmes par apercevoir une grande tour : le fort de Saint-Loup. Par rapport à d'autres forteresses anglaises, celui-ci était petit. Pourtant, à mes yeux, il restait très impressionnant. Quelques foulés encore et nous pûmes voir un amas de soldats en train de se battre contre les Anglais. Encerclés, ces derniers tentaient de repousser l'affront en lançant des flèches enflammées. Notre armée, quant à elle, ripostait de la même façon. Les hommes qui se battaient à terre possédaient le même mouvement répétitif : donner des coups contre son adversaire, le massacrer et passer au suivant. À l'arrêt, je pouvais lire la tristesse sur le visage de mon amie. Allant parfois jusqu'à la mort, ces hommes étaient devenus des machines de guerre. Mais elle savait qu'ils n'avaient pas le choix. C'était cela ou se faire massacrer. Il n'y avait qu'un seul moyen de gagner ce combat : la chute de ce fort. Et j'y croyais. Notre garnison submergeait nos ennemis. Il ne manquait plus que la participation de La Pucelle pour leur donner davantage envie de faire tomber le Saint-Loup. Et malgré son abattement pour cette folie, je savais qu'elle se battrait de toutes ses forces.

Observant rapidement la bataille, Jeanne repéra le chef d'Orléans. Sans perdre un seul instant, elle se précipita vers lui, attirant tous les regards sur elle. Il était certain qu'elle souhaitait des réponses à ses questions. Tout en la suivant, nous prêtâmes attention aux réactions de notre garnison. La surprise initiale fut rapidement remplacée par un sentiment de fierté. Les yeux brillants d'excitation, ils suivaient le trajet de sa banderole blanche. Un immense sourire éclairait leur visage. Rayonnant de bonheur, un cri de guerre retentit en chœur : « Au nom de Dieu » qui leur permit de se battre avec encore plus de ferveur. Ils y croyaient ! Ils croyaient enfin en l'espoir !
Quelques instants plus tard, nous vîmes le bâtard combattre aux côtés de La Hire contre des ennemis à terre. D'un commun accord, Danael et moi décidâmes de protéger Jeanne et nos deux hommes qui nous servaient de chefs pour leur permettre de parler un peu. Sans perdre un instant, nous les encerclâmes et commençâmes à nous battre réellement. Et cette fois-ci, nous n'avions pas le droit à l'erreur.
-D'Orléans et La Hire ! lança la guerrière. Vous m'expliquez cette bataille improvisée ??
-J'ai lancé cette offensive pour sécuriser l'entrée de nouveaux convois de ravitaillement, répondit froidement Jean. Ils doivent arriver par l'est, l'habituelle voie détournée.
Rejetant violemment un adversaire contre le sol, je vis le regard exaspéré de mon amie. En même temps je la comprenais : qui irait avaler un mensonge pareil ?
-Mais ne vous en faites pas Jeanne ! s'écria La Hire. Avec le convoi de Blois, de Montargis et de Gien, nous avons un total de 1 500 hommes pour 400 Anglais !
Avec un regard noir, notre élue prévint d'une houleuse discussion le soir-même, lors du conseil de guerre. Elle en avait assez entendu pour le moment. Et comme nous nous l'étions dit, nous nous séparâmes, Jeanne allant vers la forteresse pour tenter d'ouvrir un passage. Elle souhaitait profondément les bouter hors d'ici : il ne devait plus y rester une seule présence anglaise dans Orléans, à commencer par le Saint-Loup !

L'appel de JeanneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant