Chapitre 6

156 19 6
                                    

Assise près du feu qu'avait fait Razzia avec l'autorisation de notre ravisseur, je me réchauffais. La nuit était en train de tomber et l'air s'était considérablement rafraîchit.
- Tout va bien ma Dame ? me demanda-t-il doucement.
J'hochai la tête. Mais rien n'allait vraiment. J'avais tout perdu : ma liberté, ma famille et peut-être mon titre. Être libre, c'est tout ce que je demandais. Mais cela semblait avoir un prix. Je soupirai avant de me rapprocher d'avantage du feu. Je n'avais pas l'habitude d'avoir aussi froid. Je pris le pain que l'on m'avait donné. Malgré cette maigre ration, il était excellent. J'ignorais si cela était dû à mon statue de prisonnière ou si des personnes n'avaient vraiment qu'un morceau de pain par jour. Si cela était vraiment le cas, c'était bien malheureux. Je croquai dedans en observant le feu. Tristement, je repensais à ma fuite. Les Anglais pillant nos terres était un amer souvenir. Je me demandais si mon garde du corps avait déjà vécu une telle chose.
- Razzia ?
- Oui ma Dame ?
- Avez-vous vu déjà les Anglais attaquer comme ils l'ont fait à Orchidia ?
Je le vis soupirer et regarder de façon nostalgique le feu. Son regard paraissait lointain. Il se tourna vers moi avant qu'il ne se mette à me raconter son enfance :

« Je suis né dans une famille de bourgeois. Dès mon plus jeune âge, je fus formé au combat. Mais je n'aimais pas me battre. Sheyla ma sœur était bien meilleure que moi. On se fichait de moi. On me traitait de « fillette », que dis-je ! Pire qu'une fillette, on disait. Je les comprenais. Comment un jeune garçon refusant de se battre pourrait protéger le Royaume de France ? Lorsque l'on m'attaquait, ma sœur était toujours là pour me protéger. Mais cela avait vite changer. Un jour, alors que j'étais parti en forêt, les Anglais attaquèrent mon petit bourg. Quand j'étais arrivé, celle-ci n'était que flammes. Paniqué, j'étais entrer dans cet enfer vivant, tentant de retrouver ma famille. Je pouvais voir les gens hurler, sangloter ; les Anglais piller et incendier. Les paysans fuyaient avec leurs biens les plus précieux alors que les bourgeois tentaient de vaincre ces immondes soldats. Cela me faisait vraiment mal au cœur. Si j'avais eu l'âge de combattre, je serais passé pour un lâche, un incapable ne pouvant que fuir. Mais je ne voyais pas ma famille. Le plus rapidement possible, je me rendis chez moi. La plus mauvaise idée que j'avais eu ce jour-là. Rien que les routes encombrées de monde, les objets qui jonchaient au sol ne me facilitait pas la tâche. Sans compter sur les flammes qui me freinaient d'avantage. Mais j'étais arrivé dans ma maison. L'horreur me saisit en voyant de grandes flammes rouges avaler ma demeure. Je me précipitai à l'intérieur. L'air était irrespirable et le feu avait déjà bien pris. Pourtant, j'ignorais mes poumons et mes yeux qui me brûlaient causés par la fumée. Les blessures et les brûlures que je pouvais recevoir ne me faisaient rien. À vrai dire, j'étais bien trop préoccupé de retrouver ma famille que je ne me rendais compte de rien. Je cherchai dans toutes les pièces de l'habitation : pièce à vivre, salle des armes, chambres, cuisine... Aucune trace d'eux. Pris d'une belle panique, je retournai les recoins de ce lieu. Arrivé dans la pièce à vivre, je remarquai que j'avais oublié d'inspecter le coin-feu. De loin, je pus distinguer deux ombres près de ce qui était naguère une cheminée. Je m'y approchai craintivement. Je ne savais pas à quoi m'attendre. Quel ne fut pas mon horreur en découvrant les cadavres gisants de mes parents ! La main tremblante, je les touchais, les yeux humides. De la cendre se déposa sur mes mains. Je reculai effaré, la main sur le cœur. Je ne pouvais pas rester là, je ne pouvais pas regarder cet affreux spectacle. Je finis par en détacher mon regard avant que le plafond ne s'écroule. Je pris mes jambes à mon coup pour tenter de partir de mon foyer. Malheur, une partie du plafond s'abattit sur moi. La douleur était telle que j'avais cru y rester. Mais grâce à ma force insoupçonnée, je réussis à me débarrasser des planches de bois avant de m'enfuir en courant de ce lieu maudit. Sans penser à Sheyla, je m'enfuis de ma demeure. Elle pouvait bien être morte sous les briques, j'étais bien trop choqué pour m'occuper d'elle. Je ne pouvais pas croire que tant de souvenirs venaient d'être brûlés en si peu de temps. Je trouvais ceci cruellement injuste. Courir et partir de mon bourg, voilà à quoi je pensais à ce moment-là. Des cendres et du sang pouvaient à présent se voir à terre. Tant de corps étaient étendus au sol que cela me faisait mal au cœur. Je finis par sortir de ce bourg. Je toussotais pour reprendre de l'air frais avant de lever la tête vers le donjon. Je vis le drapeau des Anglais planté. Ainsi ils avaient déjà pris ma ville ! Qu'est-ce qu'ils avaient bien mérité pour subir ceci ?? Je pensais enfin à ma chère petite sœur. Je ne l'avais pas vu. Qu'est-ce qu'il lui était bien arrivé ?? Ma jeune sœur, peut-être était-elle en vie... ou décédé. Un violent frisson me prit en y pensant. Je ne pouvais me l'admettre. La rage au cœur, je frappai du poing la terre. Des larmes coulaient le long de mon visage. Ce jour-là, je m'étais promis de faire payer les Anglais pour leurs crimes. J'appris les meilleures techniques de combat pour ma sœur, ma petite Sheyla. Sans que je ne m'en rende compte, la vengeance commençait à lourdement me consumer. »

L'appel de JeanneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant