Épilogue

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  Les rayons de soleil inondaient de chaleur la ville sainte. Un bleu azur s'était étendu dans le ciel au fil de la matinée. Sa clarté faisait ressortir l'unique étoile du système solaire qui brillait de mille éclats. Toutes sortes de parfums floraux se répandaient dans l'atmosphère. Les pétales des fleurs, tournées vers la source de lumière, arboraient fièrement leurs couleurs et attiraient les insectes pollinisateurs. En ce 17 juillet de l'an de grâce 1429, les bourgeois observaient tous ces symboles de l'été prospérer et tentaient d'assister au plus grand évènement de leur vie.
  La cathédrale de Reims, majestueuse, imposante et royale, se tenait là, fière d'accueillir pour un jour la plus grande escorte de tout le pays. Ses murs froids, ses escaliers de pierre et ses vitraux de verre donnaient le caractère solennel de la cérémonie. Mais la présence d'une douce chaleur des bougies des chandeliers venait embaumer l'humeur de l'assemblée pour signifier que l'été était plus présent que jamais. Pour la première fois depuis le début du XVème siècle, les festivités rendaient tous les conviés profondément heureux. Et puis, on imposa le silence et la cérémonie commença.

  Le début du discours de l'archevêque de Reims, Regnault de Chartres, me rappela toute la chevauchée forte aisée vers le bourg saint. Aucune attaque ne fut à contrer, les chemins restaient libres. Les villages se soumettaient sans résister. Auxerre fut la première cité à nous être hostile. Néanmoins, grâce à un don de deux mille écus au ministre, nous pûmes nous restaurer durant la nuit du 1er au 2 juillet et être ravitaillés à l'extérieur de ses murs. Saint-Florent se soumit avec une facilité déconcertante. Troyes fut plus difficile à faire plier. Du 4 au 9 juillet, nous avions assiégé le bourg. La présence de Jeanne dans les troupes du Dauphin avait poussé les Bourguignons à se rendre très rapidement. Dès lors, les plus grands généraux, dont Gilles de Rais, et le futur Charles VII y étaient entrés. Le 11 juillet, nous repartîmes en direction de Reims. Châlons-en-Champagne et Reims se soumirent tour à tour, sans combattre. Et à présent, on sacrait Charles VII roi des Français.  
  Alors que Regnault de Chartres poursuivait son discours, je tournai la tête vers notre honorable Dauphin. À ses côtés se trouvait Jeanne avec son étendard, La Pucelle de notre royaume de France, les évêques de Châlons et de Laon, Jean de Sarrebruck et Guillaume de Champeaux, et ses proches. Avec la présence des trois sur les six évêques, je me doutais bien que ce sacre serait assez simple. De plus, la couronne, le spectre et le globe étaient absents. Mais le rite essentiel allait être effectué et légitimerait enfin notre Dauphin en tant que roi.

  Son discours prit enfin, les serments commencèrent. Devant notre souverain, Guillaume de Champeaux commença par l'ecclésiastique et demanda s'il jurait au clergé français de conserver et défendre les privilèges canoniques.
-Je le jure, annonça-t-il solennellement.
Puis, ce fut au tour de Jean de Sarrebruck d'énoncer le serment au royaume :
-Promettez-vous de conserver la paix, d'empêcher l'iniquité, d'observer la justice et la miséricorde ?
-Je le jure !
Vint alors le rituel de chevalerie. Après lui avoir remis les souliers et l'éperon d'or, Jeanne, sénéchal de la cérémonie, se présenta avec Joyeuse, l'épée de Charlemagne, s'agenouilla et déclara :
-Gentil Dauphin, j'ai écouté l'appel de notre roi des Cieux et j'ai exécuté son plaisir qui était de lever le siège d'Orléans et de vous amener en cette cité de Reims pour recevoir votre saint sacre, montrant que vous êtes le vrai roi du royaume de France. Aujourd'hui, je suis fière d'être votre sénéchal et d'assister à ce sacre, symbolisant la renaissance de la France.
Puis elle se redressa et tendit l'épée à Regnault de Chartres. Celui-ci ceignit alors le roi de son baudrier et le lui enleva. Tandis que le futur Charles VII se mettait à genoux, l'archevêque sortit l'épée de son fourreau et la lui tendit. Il s'en saisit et l'offrit à l'autel. Enfin, on repassa l'arme à Jeanne qui devait la garder pointée en l'air, durant tout le reste de la cérémonie.
  Finalement, l'étape la plus important arriva enfin : l'onction. C'était le huitième sacrement, le plus important. L'évêque de Reims laissa la place à l'évêque de Laon. Avec une grande délicatesse, il ouvrit la Sainte Ampoule et y inséra une aiguille d'or. Puis, il le referma et mélangea son prélèvement au Saint-Chrême sur une patène. Avec son pouce, Guillaume de Champeaux préleva une partie du mélange. Il se présenta devant notre souverain et, tout en prononçant le rituel, il lui traça neuf croix rouges : une sur le haut de la tête, une sur la poitrine, une entre les deux épaules, une sur l'épaule droite, une sur l'épaule gauche, une sur chaque jointure des bras et une sur chaque paume des mains.
-Longue vie au roi Charles VII ! tonna l'ecclésiastique.
Et sans plus attendre, nous hurlâmes à notre tour « longue vie au roi » et applaudîmes le rite accompli. Désormais, plus personne ne pouvait prétendre à la Couronne de France. La prophétie de Merlin s'était accomplie. Le miracle que tous les Armagnacs attendaient venait de se réaliser : Charles VII avait été sacré roi des Français par la Grâce divine. Et l'éclosion de ce premier bourgeon en annonçait bien d'autres à venir.

Fin

L'appel de JeanneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant