Assise devant la table à manger, je racontais la réception à nos trois autres amis qui n'y étaient pas. Aussi ébahis par les prodiges de Jeanne que nous, ils commençaient à regretter de n'être pas venus.
- Mais comment a-t-elle réussi ceci ?? interrogea Shimy qui n'en revenait pas.
- Sûrement grâce à ses visions, lui répondit Danael. Comment l'expliquer sinon ?
- Elle m'épatera toujours, sourit malicieusement Gryf. Et après, que s'est-il passé ?
Je ne pus m'empêcher de sourire. Les sourires du jeune garçon étaient extrêmement rares. Pourtant, ils devraient être d'avantage présents ! C'était tellement plus agréable que son visage renfrogné. Seulement, il fallait encore du temps pour qu'il ait pu être lui-même. Surtout avec Ténébris, il ne la connaissait assez peu. Cette dernière avait d'ailleurs un petit sourire au coin des lèvres.
Voyant que personne ne répondait à la question du rouquin, je leur expliquai qu'elle avait disparu avec le Dauphin. Rien que me rappeler des regards des nobles ! C'était si drôle ! Ils étaient tellement surpris que leurs yeux auraient pu sortir de leurs orbites ! Évidement, personne ne croyait aux dires d'une « simple paysanne ». Jeanne leur avait montré que, peu importe la classe sociale à laquelle nous appartenions, cela ne nuirait en rien sur nos propres capacités. Chacun est capable de grandes choses si on lui en donne les capacités. Je leur appris que l'homme qui se faisait passer pour le futur roi de France était véritablement un fidèle de la Cour. Ayant une immense confiance en cet homme, c'était le futur roi lui-même qui lui avait demandé de prendre sa place durant cette audience. Apparemment, c'était l'homme le plus apte à accepter ce défi. En attendant notre amie, nous n'avions pas pu nous empêcher de nous diriger vers le buffet et de goûter à ces mets si délicieux qui n'avaient rien à voir avec celles de la Lorraine. Elles nous prouvaient que nous étions bien à la Cour du Dauphin. Les heures passèrent assez lentement à mon goût. Je mourrais d'envie de savoir ce qu'il pouvait tant les retenir. Et puis, Jeanne était enfin réapparue. Sans la moindre hésitation Danael, Razzia et moi nous étions précipités vers elle. Rayonnante, elle nous annonça qu'elle avait réussi à avoir la confiance du futur roi de France. Ce dernier était tout aussi souriant, voire plus joyeux que notre amie. Elle eut même le privilège de pouvoir dormir dans la tour de Coudray mais eut le regret de nous annoncer qu'elle n'avait pas réussi à nous obtenir des chambres.
- Recevoir sa confiance et un hébergement si royal, soupira Ténébris à la fin de mon récit rêveusement. Elle est surprenante ! Elle a une rare détermination qui lui permet d'accomplir tout ce qu'elle souhaite.
- Elle est ainsi Ténébris, confirma Shimy, comme beaucoup de gens ici présent. C'est un immense honneur qu'elle ait eu accès à un tel prestige !
- Merveilleux n'est pas ? sourit le jeune chevalier. Je serais presque jaloux de la chance qu'elle rencontre !
- Et la suite ? questionna Gryf. Restons-nous ici ou allons-nous nous battre très prochainement ?
- Jeanne doit passer des interrogatoires, expliqua le colosse. Si elle a la confiance du Dauphin, ceci n'est absolument pas le cas pour le reste de la Cour. Elle a beau avoir réussi son test, ce n'est guère suffisant pour eux. Ceci est assez compréhensible de leur part. Accepter l'aide d'une femme inconnue dont on ne connaît pas sa sincérité n'est pas une décision à prendre à la légère. La seule question qui se pose est : « a-t-on le droit d'y assister ? »Le lendemain, dès l'aube, nous étions devant les portes du château. Pour une fois, Ténébris et Gryf avaient osé sortir de notre maison d'accueil. Leur curiosité était bien plus grande que leurs peurs. Nous ne connaissions pas les dates de ses interrogatoires mais nous souhaitions vraiment pouvoir y assister. Je reconnus d'emblée les gardes qui nous avaient ouvert le pont levis la veille. Chaque soldat avait ses propres positions de guerrier. Sans compter leurs visages facilement reconnaissables. Je me tournai vers Razzia qui avait la même sensation que moi. Ayant été mon garde du corps, il connaissait mieux que personne ce métier-là.
Contrairement à nous, ces derniers ne nous avaient pas reconnu. Assez méfiants, les gardes de l'entrée nous posèrent des questions. Nous répondîmes que nous voulions en savoir plus sur les interrogatoires de la jeune Pucelle. Nous dévisageant minutieusement, ils nous avouèrent qu'ils n'en savaient pas grand chose. Finalement, ils levèrent le pont levis et acceptèrent d'aller en demander d'avantage à une personne plus qualité qu'eux. Nous les remerciâmes avant de franchir la porte.
Dans la cour, nous fûmes très surpris de retrouver Jeanne qui donnait à manger aux chevaux ! Les bonnes habitudes ne se perdent jamais, comme elle disait. Tout en terminant de remplir les mangeoires secondée par Shimy, elle nous expliqua qu'ils leur avaient donné une journée avant le début des interrogatoires qui se déroulerait ici-même. Elle nous raconta que son entretien avec le Dauphin s'était merveilleusement bien passé et qu'il lui avait accordé un peu de sa confiance. Même si ce n'était qu'un début, elle était très fière de ce qu'elle avait accompli jusqu'à présent. Elle ne savait pas que nous l'admirions énormément. Tout ce qu'elle avait fait pouvait réveiller les consciences et prouver à tout le monde que les femmes ne devaient pas être forcément soumises et dépendantes d'un homme et qu'elles pouvaient très bien faire des choses « réservées » aux hommes.
La Pucelle nous fit monter dans la résidence pour demander si nous pouvions être admis à son interrogatoire du lendemain. Après un bref moment d'hésitation, nous reçûmes une réponse positive à notre plus grande joie. Puis, nous passâmes le reste de la journée à déambuler dans les rues de Chinon. C'était tellement grand ! Rien à voir avec Orchidia qui semblait très petit à côté. Nous nous étions même perdus dans cette cité ! Heureusement que des gens sympathiques avaient bien voulu nous conduire jusqu'au château vers le milieu de l'après-midi : Jeanne voulait absolument prier à la chapelle. Nous la raccompagnèrent avant de revenir à l'auberge et de terminer notre journée.
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L'appel de Jeanne
De Todo« Depuis quelques temps, notre armée connaît des défaites cuisantes. Nous avons tous subi les conséquences de cet affreux conflit. Des batailles intérieures vivront sûrement à jamais dans nos âmes. Mais nous devons les utiliser pour en faire des com...