Chapitre 47

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  Petit rappel :
Gryf = Jean d'Aulon
Ténébris = Jean D'Alençon

Bonne lecture !

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Jadina

15 mai de l'an de grâce 1429, nous étions prêts à retourner sur Tours pour voir notre honorable Dauphin. En effet, il nous avait fallu une semaine pour connaître sa position et pour plier bagage. Ce laps de temps nous avait permis de resserrer les liens entre nous. À présent, nous formions une équipe plus solidaire que jamais. Néanmoins, cela avait aussi accru la tension qui existait entre Shimy et moi. L'archer me houspillait de plus en plus avec pour seul prétexte mes origines ! Elle aurait pu s'attaquer à Ténébris. Mais elle serait beaucoup moins « poupée de cire » que moi ! Ma demi-sœur prenait un malin plaisir à me taquiner à ce sujet. Elle aimait me rappeler à quel point j'avais pu être superficielle petite.
  Je déposai un dernier sac dans notre voiture. Il ne restait plus qu'à terminer de seller les chevaux pour partir de bon.
-Orléans va me manquer, m'avoua Danael qui observait le bourg. C'est une belle cité qui méritait d'être sauvée.
-Dis plutôt que c'est le fait de ne plus être acclamé qui va te manquer ! le taquinai-je. Mais il est vrai que notre séjour a été très intense.
-Dans tous les sens du terme. Je crois que Jeanne nous appelle ; il est temps de lever les voiles.
Je suivis le regard de Dan pour voir La Pucelle rassembler les derniers membres de la légendaire équipe. Mon ami avait raison : il était temps de partir une bonne fois pour toutes d'Orléans.

Alors que la diligence roulait depuis une demi-heure, Élysio sortit quelques dés de sa poche et proposa une partie : la personne qui marquait le plus de points en douze lancés gagnait. Un sourire se dessina sur mes lèvres. Il était si mignon quand il parlait ! Comment pouvait-on lui refuser cette partie ? De plus, il avait trouvé un jeu auquel tout le monde pouvait participer. Nous n'avions aucune excuse pour décliner son offre. Je pris alors les six dés posés sur la table et les lançai. Un six, deux quatre, un deux, un cinq et un un en sortirent. Cela me faisait un total de vingt-deux pour ce premier tour ! Puis, Gryf lança les dés et fit un résultat égal à dix-sept. Ce fut au tour de Shimy qui marqua trente. Jeanne fit vingt-cinq tandis que Ténébris obtint le score maximal : trente-six !
-Ça fait du bien de vous voir comme ça, lança joyeusement Élysio, naturels. Vous savez, vous m'avez beaucoup étonné le soir de la libération d'Orléans.
Surpris par ses paroles, nous nous figeâmes sur le jeune page. Nos souvenirs du 8 mai au soir restaient très flous. Nous avions été pris par une grande soif. Nous avions donc bu de la bière dans la première taverne que nous avions vue. Ensuite, c'était le trou noir. Le lendemain, nous nous étions tous réveillés avec une affreuse gueule de bois et une amère facture à payer. Personne n'avait osé aborder cet incident. Personne ne pouvait se rappeler si nous avions révélé nos véritables identités. Finalement, Jeanne rompit le silence pour connaître nos comportements dans la taverne. Tout excité, Élysio nous avoua que nous arrêtions pas de crier et de boire au point qu'il fut difficile de nous ramener au campement...
-Nous avons bu combien de bouteilles ? questionna craintivement Shimy.
-À vous six ? Une dizaine minimum ! Vous avez même volé quatre bouteilles au tavernier alors qu'il avait refusé !
En apprenant ces révélations, nos visages se décomposèrent. Au moins une dizaine ? Diantre ! Nous étions totalement ivres alors ! Mais pourquoi ne nous étions-nous pas stoppés avant ? Nous voulions juste nous hydrater ! Comme si ce n'était pas assez, il nous avoua que nous lui avions proposé un verre ! Mais nous étions complètement inconscients ! Proposer une boisson alcoolisée à un enfant de sept ans ! Heureusement qu'il avait eu l'intelligence de ne pas y toucher. Le pauvre. Nous avions dû le traumatiser. Et quelle image avions-nous donné à la légendaire équipe ? Nous avions beaucoup de chances que notre réputation n'en eût pas pâti... Mais le plus effrayant était de savoir si personne n'avait laissé échapper une information malencontreuse. Alors un lourd silence s'était installé dans la voiture. Nous nous consultions tous du regard avec cette même interrogation.
-Pourquoi vous êtes tout bizarre d'un seul coup ?? s'inquiéta Élysio qui commençait à paniquer. J'ai dit quelque chose qui ne fallait pas ?
-Disons que nous voir ivre n'est pas de très bon ton, expliqua Razzia calmement. Nous sommes sincèrement désolés par nos débordements. Nous n'aurions jamais dû être ivre en public.
-Élysio, renchérit Danael, comment nous interpelions-nous à ce moment ?
-Par des : « toi là », « vous là », « oh vous deux », par vos couleurs de cheveux respectifs...
-Jamais par nos noms ? Et nous nous sommes pas déshabillés ?
-Jamais. Et non heureusement ! Vous êtes restés très propres sur vous-même. Personne ne s'est battu. Mais vous restiez très étranges.
Une vague de soulagement nous envahit. Nous avions réussi à préserver notre identité. Et c'était tout ce qui nous importait.
L'atmosphère se détendit très rapidement. À présent, nous pouvions rire de notre état d'ivresse. Notre page n'hésita pas à tout nous raconter. Il était assez amusant de voir toutes les bêtises que nous avions pu faire ! Heureusement que le tavernier avait été là pour aider le petit garçon ; nous étions ingérables ce soir-là.
Le voyage se poursuivit sans encombre. Nous fîmes plusieurs parties du jeu d'Élysio. Le gagnant était très aléatoire. Néanmoins, cela occupa bien tout le reste du trajet. Pour la nuit, nous décidâmes de nous arrêter dans une auberge modeste. Nous voulions être le plus discret possible. Avec beaucoup de chance, personne ne nous reconnut. Cela nous permit de passer une soirée conviviale en toute sérénité.

L'appel de JeanneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant