- JADINA !!!!
D'un seul coup, je me réveillai en sursaut. J'étais à deux doigts de m'endormir sur le cours d'histoire de mon oncle Cylbar. Je le regardais droit dans les yeux avant de lui répondre d'une voix mielleuse :
- Vous disiez mon cher oncle ?
Je le vis soupirer d'exaspération. Il fallait dire que je n'étais pas une jeune demoiselle très sérieuse.
- Mademoiselle Jadina, combien de fois vais-je devoir vous le répéter ? Vous atteindrez votre majorité l'année prochaine ! Vous serez mariée au jeune Seigneur de Sabledoray cette année-là et vous devez être prête à diriger vos terres ! Alors cessez de faire votre enfant !
Ce fut à mon tour de soupirer. Tout ceci, je ne le savais que trop bien. Comme j'étais un « miracle », on attendait de moi beaucoup de choses. En effet, c'était très rare que les enfants survivent leur première année de vie. Ayant eu douze ans l'année passée, j'étais censée prendre mon destin en main. Fille du Seigneur Kinder et de la Dame Adeyrid d'Orchidia, c'était à moi que les terres seraient léguées à leur mort. Un violent frisson m'envahit pendant un court instant. Savoir que mon père, qui était parti à la guerre, pouvait se faire assassiner à tout moment me faisait vraiment peur.
- Ma nièce ! hurla mon oncle. Cela vous intéresserait-il de savoir comment cette guerre a commencé ??
Calmement, j'hochai la tête. Il était vraiment temps que j'apprenne à écouter.À la fin de ce cours d'histoire, je retournai dans mes appartements. Je devais apprendre tous les éléments de cette guerre dans laquelle nous étions plongés depuis bien trop longtemps.
Mon oncle avait bien aimé me raconter détail par détail, il fallait apprendre beaucoup de choses. En soupirant une nouvelle fois, j'ouvris la porte de ma chambre. Un garde avait été posté devant. Ma mère avait trop peur que je ne meure lors d'une attaque. Je déposai mon livre sur mon bureau avant de l'ouvrir. Ma fine écriture m'accueillit. Il était temps de travailler correctement.« Cette maudite guerre avait commencé en l'an de grâce 1337. À la mort en 1328 de notre honoré roi Charles IV le Bel, Philippe, comte de Valois, devint Régent du royaume, puis roi de France, sous le nom de Philippe IV. Si le premier prétendant du trône l'accepta facilement, ce ne fut pas la même chose pour le second : Édouard III. Celui-ci nous déclara alors la guerre en 1337. Commença alors une guerre où les deux souverains cherchaient à gagner le plus de terrain possible. Après huit ans de guerre, une trêve fut signée. La bataille navale de l'Ecluse fut aussi perdue.
Mais très rapidement, en l'an 1346 de grâce, les hostilités reprirent. Le 26 août de cette même année eut lieu la bataille de Crécy. Aussi rapide que sanglante, il ne nous fallut pas plus d'une journée pour perdre environ seize milles hommes, dont onze princes ! Une défaite honteuse et inattendue.
En plus de la guerre s'ajouta un terrible fléau : la peste en 1347 ! Elle emporta avec elle le tiers de la population, soit vingt cinq millions de morts ! Un détail vraiment effrayant ! Certains de mes ancêtres pensaient que les juifs furent les boucs émissaires qui l'avaient apportée. Pensée vraiment écœurante surtout en sachant qu'ils avaient été massacrés ! Comment pouvait-on juger ou tuer juste pour une religion ?? Ils avaient été autant victimes que nous de cette épidémie ! Ce serait quelque chose que jamais je ne comprendrais. Mais d'autres croyaient que la peste était le châtiment de Dieu pour inciter les gens à expier nos péchés. Des péchés, l'espèce humaine en avait beaucoup à se faire pardonner ! Pour donner mon avis, ce fléau aurait été un châtiment du Ciel.
Après la cruelle défaite de Crécy, Édouard III assiégea la ville de Calais. Après des mois de siège, six bourgeois de la ville vinrent se rendre et capitulèrent pour éviter la destruction de leur ville. Calais devint donc un port anglais. À la mort de notre roi Philippe IV en l'an de grâce 1350, son fils Jean II le Bon récupéra la couronne. Procédant toujours la Normandie, les Anglais lancèrent deux chevauchés en Bretagne et en Aquitaine très sanglantes. Ils pillèrent aussi les villages et les bourgs. Ces brutes de soldats anglais saisissaient tout l'or, les moutons et même les jeunes filles ! Vraiment effrayant.
C'était la crise. En l'an 1356, notre souverain réunit les états généraux afin de lever une armée où seuls les cavaliers les plus rapides furent acceptés. Eut lieu alors la bataille de Poitiers. Très vite, elle tourna en faveur des Anglais. Une défaite désastreuse nous tomba dessus ; le roi fut même capturé ! Le royaume fut plongé dans une grave crise, la pire depuis bien longtemps ! Des émeutes urbaines et des jacqueries eurent lieu un peu partout en France. Mes ancêtres en connurent une terrible, sur nos terres. Un véritable cauchemar. Nos répressions étaient dures mais les paysans nous tenaient toujours tête. Tant de gens perdirent la vie ! C'était terrifiant.
Jean le Bon fut emmené jusqu'à Londres. Il fut contraint de signer le traité de Brétigny en 1360. Nos ennemis gagnèrent ainsi de nouvelles possessions françaises. Le roi fut libéré pour finalement mourir en captivité en l'an de grâce 1364. Le roi Charles V le Sage monta sur le trône à sa mort. Bertrand Du Guesclin, chef de l'armée française, refusa les batailles rangées mais harcela sans trêve les Anglais. Beaucoup de succès eurent lieu grâce à lui. Les Anglais perdirent une grande partie de leurs possessions d'Aquitaine. En 1380, il mourut lors du siège de Chateauneuf-de-Randon, en Auvergne. Notre roi le fit enterrer aux côtés des autres rois français, fait vraiment unique !
Sous le règne du souverain suivant Charles VI, le royaume de France tomba à nouveau dans le désordre. Le roi de France était en effet frappé de crises de folie et son entourage se déchirait pour exercer le pouvoir. Dès l'an 1392, la reine Isabeau de Bavière présida un conseil de Régence mouvementé. Deux factions s'affrontèrent alors, aboutissant à une grave guerre civile : le parti d'Orléans du frère de Charles VI : Louis d'Orléans et le parti Bourguignon du puissant oncle de Charles VI : Philippe le Hardi. Les deux partis se disputèrent les places et les ressources du royaume, quitte à faire appel aux Anglais.
Les querelles qui balayaient la France n'échappèrent pas au souverain d'Angleterre. Il profita du chaos pour reprendre la guerre et débarqua avec ses troupes en Normandie. Il se réfugia rapidement à Calais. En l'an de grâce 1415, une bataille s'engagea alors : celle de Azincourt. Ce fut un combat extrêmement meurtrier avec dix milles pertes du côté français, dont des barons. Henri V d'Angleterre conquit ainsi tout le nord de la France.
Pour cesser cette guerre civile et redresser la France, les deux clans essayèrent de faire la paix. Mais l'assassinat de Jean Sans Peur replongea le pays dans cet horrible conflit.
Le traité de Troyes, signé en 1420, déshérita le dauphin Charles. Le roi de France maria sa fille à Henri V qui était désormais reconnu comme régent de France et héritier du trône. Le Nord-Est du pays était sous domination bourguignonne et seules les régions du Sud obéissaient au Dauphin Charles qui, à la mort de son père, en l'an 1422, prit le titre de roi de France, Charles VII. »À la fin de l'après-midi, j'avais un terrible mal de tête. Cinq pages sur cette maudite guerre !! Cinq pages pour énumérer environ quatre-vingt-dix ans de guerre !!! Pour en conclure quoi ? Le Royaume de France était en train de courir à sa perte. La moitié des terres était aux mains des Anglais. Même Paris ! Orchidia était encore une petite possession française, près de la seigneurie de Vaucouleurs et du petit village de Domrémy. Mais jusqu'à quand ? Nous allions perdre cette guerre, je ne pouvais en penser autrement.
Je fermai mon manuscrit avant de me rendre dans la salle des fêtes. Il y avait rarement de grands banquets en ces temps troubles mais les bouffons nous racontaient souvent la vie des nobles avant la guerre. Je grimaçais quand j'entendais que les jeunes hommes faisaient l'amour courtois aux jeunes dames. Cela pouvait être divertissant au début mais j'aurais fini par envoyer une injure à l'un d'entre eux. L'un des seuls avantages de la guerre.
Arrivée devant le petit banquet, je saluai ma mère avant de m'installer. Toujours autant de mets que d'habitude. Cela m'écœurait de savoir que le quart de la nourriture serait jeté alors que des milliers de personnes mouraient de faim. Mais j'étais la seule à qui cela importait : je venais souvent voir les villageois du village voisin. Je pouvais y voir la pauvreté mais les gens ne se démoralisaient jamais. C'était très émouvant. J'espérais vraiment que cette société deviendrait un peu plus juste.À la fin du repas, je me retirai dans mes quartiers avec le professeur Vangelis. C'était le seul à me comprendre et qui faisait l'effort de rester près de moi. Tous les soirs, pendant que je me rendais au village voisin pour voir mon ami Danael, il me couvrait en disant que nous faisions une promenade digestive. Cela aurait rendu folle ma mère si elle avait pris connaissance de mes petites fugues. En tant de guerre, elle avait peur qu'il ne m'arrive malheur. J'étais peut-être trop inconsciente pour m'en rendre compte mais j'étouffais dans ce château. Je voulais découvrir le monde.
Le plus rapidement possible, je me vêtis d'un simple vêtement de bourgeois pour ne pas attirer l'attention. En me faisant passer pour un jeune homme, j'aurais moins de chance de me faire agresser. Une fois prête, je descendis aux écuries où le professeur m'attendait. Il était en train de seller mon cheval. Je pris mon équipement d'équitation avant de me mettre sur le dos de ma monture.
- Faites bien attention ma Dame, me rappela-t-il une dernière fois. La forêt est dangereuse, je ne me le pardonnerais pas s'il vous arrivait malheur.
- Ne vous en faites pas Professeur, je ferais attention, comme à mon habitude.
Il me sourit avant que je ne mette mon cheval au trot pour sortir de l'écurie. Le château hors de vue, je le mis au galop avant de m'enfoncer un peu plus dans la forêt.Durant le trajet, je repensais à ma première rencontre avec Danael. C'était lors d'une fête, les futurs chevaliers défilaient dans Orchidia. Les troubadours nous contaient mille et une histoire toutes plus intéressantes les unes que les autres. Puis eut lieu les combats. Je fus époustouflée par le courage de nos valeureux guerriers. Puis, du haut de ses dix ans, un jeune écuyer vint défier un preux chevalier. L'affrontement débuta. Très rapidement, je remarquai l'audace et l'endurance du jeune garçon. Malheureusement pour lui, il perdit son combat. Mais j'étais impressionnée par ses capacités. Il n'avait toujours pas été sacré chevalier mais il avait l'étoffe d'un guerrier ! Dès lors, nous nous étions parlés pour devenir amis par la suite. Depuis trois ans déjà, nous nous voyions secrètement. Je serais même tombée sous son charme, d'après le professeur Vangelis. Il fallait dire qu'il avait des yeux bleus si beaux ! Et son sourire était à tomber par terre. Mais à cause de mes fiançailles, je ne lui avais jamais dit.
À force de penser, j'étais arrivée devant la porte de mon cher chevalier. Je descendis de ma monture et l'amenai jusqu'à sa petite écurie. Il m'avait fait un box juste pour mes visites. Je descellai mon cheval avant de fermer le box. Je me rendis devant la porte de Danael avant de frapper. J'avais vraiment hâte de le revoir.
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L'appel de Jeanne
Acak« Depuis quelques temps, notre armée connaît des défaites cuisantes. Nous avons tous subi les conséquences de cet affreux conflit. Des batailles intérieures vivront sûrement à jamais dans nos âmes. Mais nous devons les utiliser pour en faire des com...