Chapitre 41

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Les deux mots de Jeanne firent réagir les commandants qui se stoppèrent net. Le temps d'un instant, ils dévisagèrent la furie. Mais le regard noir de La Pucelle les força à baisser leurs yeux sur la maquette d'Orléans, bien amochée.
-Vous allez cesser ces enfantillages de suite ! ordonna-t-elle froidement. Tout ceci est totalement ridicule ! Au delà du fait que vous ayez décidé de m'exclure de certaines de vos décisions, vous n'avez aucune raison valable à me soumettre ! De plus, certains étaient contre cette idée. Vous vouliez nous mettre au courant de cette première bataille. Et qu'avez-vous fait ? Vous avez étouffé votre voix ! Je peux parier sur le fait que notre Dauphin vous demande de m'écarter de toutes les batailles ! Je ne serais qu'un pion dans cet échiquier.
C'était assez évident. Jeanne n'était pas prise au sérieux par les plus grandes personnalités. Et c'était profondément vexant. Serait-elle venue jusqu'ici, à endurer les maudites insultes des Anglais, pour jouer un rôle ? Certainement pas. Certains chefs ne purent qu'acquiescer ses dires. Il était difficile de nier l'évidence.
-Certains croient réellement en moi, continua-t-elle sur le même élan. Pourtant, vous écoutez notre futur roi sans prendre le temps de réfléchir à ses propos. Alors vous vous taisez. Vous vous laissez dominer ! Vous n'osez pas contester. Où est passée votre personnalité ? Où est passée votre carrure de chef ?
La jeune guerrière les observa un à un. Se faisant tout petit, personne n'osait lui répondre. Nous avions vu juste : ils se laissaient dominer par notre Dauphin. Je n'irais jamais contester ses idées. Néanmoins, la façon dont ils n'étaient pas en raccord avec leur conscience était hallucinant. Ils étaient pourtant connus pour avoir beaucoup de cariste ! Cependant, en ce moment-même, je trouvais qu'ils n'avaient aucune personnalité...
-Personne ne peut me répondre alors... soupira l'élue. C'est extrêmement attristant. Vous savez quoi ? C'est justement à cause de ce genre de comportement que notre royaume de France est dans cet état. Les disputes sont nécessaires pour avancer. Elles sont nécessaires pour trouver un compromis qui conviendrait à tous. Par contre, elles doivent avoir lieu lors de la préparation des batailles, pas durant ni sur des choses futiles ! À qui rejeter la faute pour ma colère ? Querelle stupide ! Votre division et vos contresens sont aberrants. Vous n'avez pas besoin de notre roi des Cieux pour vous punir. Vous le faites très bien tout seuls ! Et tant que vous n'arriverez pas à vous unir et à être en raccord avec votre conscience, cette situation perdura !
Sur ses derniers mots, elle se tut. Nos commandants semblaient digérer difficilement les paroles de La Pucelle. Certains n'y croyaient guère. Aveuglés, ils ne voyaient pas en quoi ils avaient été dans l'erreur. D'autres étaient sous le choc. C'était comme si on venait de leur ouvrir les yeux. Jeanne était vraiment la meilleure personne pour le réveil des consciences. Un autre critère pour les Saints sans aucun doute. Finalement, Jean d'Orléans lui exigea un exemple où il n'était pas en accord avec lui-même. Sans hésiter, elle lui montra qu'il souhaitait sincèrement voir ce siège levé. Pourtant, il n'essayait rien ! Elle comprenait bien que la dernière attaque avait été couronnée par une cuisante défaite. Mais elle lui pointa les points faibles de leur attaque : raconter à tous le plan se disputer sur le champ de bataille. Avait-il essayé de faire quelque chose de vraiment sérieux sans attaquer tête baissée ? À cette mention, je dévisageai Jeanne du regard. C'était aussi son cas. Mais elle était guidée par notre Ciel. Cela pouvait être une bonne excuse.
-Tu as raison, finit par dire Gilles de Rais. nous ne devrions pas t'écarter de nos décisions. Nous devrions également prendre exemple sur l'union de tes compagnons n'est pas ?

  L'incident clos, tout le monde fut d'accord pour nous intégrer totalement aux décisions de guerre. Une magnifique victoire pour notre équipe ! Nous pûmes enfin aborder les projets pour nos futures batailles. Pour rebondir sur nos réussites du jour, Jeanne proposa une attaque sur le fort le plus puissant d'Orléans : le fort de Saint-Laurent, à l'ouest, dès le lendemain. Elle leur montra à quel point cette victoire pourrait être importante pour nous. Cependant, le lendemain était l'ascension. Nos commandants déclinèrent donc cette proposition. Ils nous expliquèrent que nos hommes avaient besoin de repos. Il serait bien préférable qu'ils pussent célébrer ce jour de fête en paix. Pour une fois, La Pucelle ne répliqua pas. Elle comprenait très bien et accepta ce jour de repos. De plus, cela nous laissait un peu plus de temps pour préparer le prochain assaut. Cependant, après ce jour, elle voulait une nouvelle attaque, où qu'elle pût être. Et cette fois, en ayant été mise au courant.
  À la fin du conseil de guerre, nous sortîmes de la tente. Alors que nous partions nous coucher, La Hire nous interpella et nous demanda de venir le voir le lendemain, en privé. Il souhaitait vivement s'entretenir avec nous. Nous nous consultâmes du regard. Personne n'était dupe : il voulait surtout parler à Razzia. Contre toute attente, le colosse s'avança et accepta la requête. Certainement pour clôturer définitivement ce sombre chapitre.

L'appel de JeanneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant