Chapitre 44

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   Alors que le soleil se levait pour illuminer la journée du 7 mai de l'an de grâce 1429, nous nous équipions pour rejoindre nos chefs de guerre. Malgré sa mise à pied, Jeanne était parmi nous, bien décidée à jouer son rôle. Rapidement, Shimy sellâmes nos chevaux pour partir en direction d'Orléans.
  Nous arrivâmes rapidement sur la rive sud où nous attendaient l'armée régulière et la milice. Néanmoins, les premières personnes que nous aperçûmes furent nos commandants. Nous n'étions pas mécontent de les voir ; il était simplement surprenant de les voir si éloignés de leurs hommes d'armes.
-Jeanne ! s'écria Gilles de Rais. Mais quelle surprise de vous voir ici !
-Ne devriez-vous pas être en train de vous reposer ? renchérit Jean de Brosse.
Un petit rictus ironique apparut sur les lèvres de La Pucelle alors qu'elle secouait lentement la tête. Cela n'était guère étonnant. Pensaient-ils vraiment pouvoir l'écarter de l'assaut final si facilement ? Ils se tromperaient lourdement.
-Parce que vous avez vraiment cru que je resterais hors de la bataille, à me tourner les pouces ? interrogea-t-elle. C'est hors de question et vous le savez très bien.
-Et moi je refuse que vous participiez à cette attaque ! tonna froidement Jean d'Orléans. Vous êtes une personne formidable, c'est indéniable. Depuis votre arrivée, il n'arrive que de bonnes choses. Mais cette fois-ci, à cause de votre blessure, vous ne viendrez pas.
Mécontente, Jeanne s'obstina. Être mise à pied pour une petite blessure ? Ce n'était pas cela qui allait l'arrêter ! Aux objections de Louis d'Amboise, elle fit remarquer que seuls les hommes gravement endommagés pouvaient se reposer. Les regards furtifs des commandants nous montra que La Pucelle avait visé juste. Normalement, sa blessure ne valait rien. Pourtant, pour des raisons assez évidentes, ils la pensaient inapte à combattre. La jeune guerrière persévéra : pas question d'avoir un traitement de faveur, elle participerait à la bataille.
-Jeanne, soupira Jacques de Chabannes de La Palice, tu es très importante aux yeux de tous. On ne peut pas prendre le risque de te tuer. Tu dois rester au repos pour pouvoir apporter ton soutien si précieux à nos soldats.
-Raison de plus pour que je vienne. Vous savez très bien que ma présence seule apportera un immense soutien à notre armée. Alors laissez-moi être présente à cet assaut.
Nos commandants finirent par céder et lui donner raison. Il était vrai que l'armée suivrait de bon cœur notre amie. Ils auraient la motivation nécessaire pour combattre de toute leur âme. Sans elle, ses capacités seraient bien réduites.

  Toute joyeuse, Jeanne remercia nos généraux. Nous partîmes alors en direction du camp. Nous dûmes galoper un petit moment avant d'apercevoir une fourmilière d'hommes armés. Le campement s'agitait fortement, chacun se préparait au rythme du fer. Nous pûmes même voir de nouveaux membres de la milice. Certains habitants semblaient hésiter à la rejoindre. Bien qu'ils eussent une fervente envie de se libérer de l'emprise des Anglais, ils ne possédaient que peu d'expérience guerrière. Ils préféraient alors réparer le pont en bois, situé entre les Tourelles et l'île de Saint-Antoine, détruit bien avant notre arrivée. Cette initiative ne put que nous ravir davantage. Malgré les morts, il semblait avoir de plus en plus de monde dans nos rangs ! Les paroles de La Pucelle étaient bien entendues par la population locale.
  En nous voyant arriver, une euphorie s'empara de tous les hommes présents. Acclamés chaleureusement, ils se précipitaient sur nous. Les sourires qu'on nous portait faisaient chaud au cœur. Ce n'était plus les hommes que nous avions rencontré il y avait quelques jours. Avec une nouveau souffle d'espoir dans leur regard, leur énergie avait été multipliée par dix. Cela leur permettrait de voir la levée définitive de ce maudit siège.
Nous nous tournâmes ensuite vers la milice. Les visages rayonnants ne laissaient plus de place au doute. Lors de cet assaut final, chacun allait apporter sa contribution. Tantôt, les nouveaux volontaires qui sortaient d'Orléans se revêtaient d'armes, tantôt ils partaient en direction du pont à réparer. Mais jamais nous ne vîmes l'ombre d'une hésitation. Les poutres étaient apportées par dizaines : l'idée était de pouvoir attaquer des deux côtés pour faciliter la chute du fort des Tourelles.
-Quelle belle union, commenta pensivement Razzia. C'est bien la première fois que je vois cela.
-C'est un beau miracle, renchérit Ténébris. Même entre les personnes de même fonction, je n'ai jamais vu cela. Et pourtant, civils et militaires travaillent main dans la main dans un but commun.
Je ne pus que sourire à la déclaration de nos aînés. En ces temps troubles, il était vrai que la solidarité était aussi rare que la paix. Les seules fois où j'avais vu une véritable union étaient lorsque Jeanne était dans les parages. Il n'y avait qu'à voir notre équipe ! Malgré nos origines si différentes, nous étions unis.
-Cela vous étonne tant ? demanda Gryf en se rapprochant. C'est vrai que vous ne la connaissez pas depuis longtemps.
Nos deux aînés réfléchirent aux paroles du jeune garçon et se rendirent compte de leurs véracités. La jeune élue avait toujours réussi à obtenir ce qu'elle voulait. Son caractère parvenait à unir des bataillons entiers sous les plus grands commandants. Alors, je comprenais parfaitement bien le magnifique choix de nos saints.

L'appel de JeanneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant