Chapitre 42

31 5 0
                                    

   Petit rappel :
Ténébris = Jean D'Alençon

Bonne lecture !
__________

  L'intervention de Jeanne eut un grand effet sur les deux ennemis. Incapables de chercher une solution à leur problème, La Pucelle leur avait ordonné de mettre de côté leur ressentiment. L'enjeu était de taille ; ils le savaient. Alors, ils se résolurent à accepter. Pourtant, si cette visite n'avait pas amélioré leur relation, j'avais appris une chose bouleversante : Ténébris avait frôlé la mort. Sous le choc, on me révéla que La Hire l'avait attaquée au moment où Razzia avait porté le coup fatal sur sa sœur. Tandis que le chef de guerre s'était enfui, le colosse était resté en priant les deux mourantes de rester en vie. Alors que Sheyla s'était éteinte dans ses bras, ma demi-sœur lui ordonnait de partir. Pour elle, son destin était scellé. Agonisante, elle lui avait demandé de veiller sur sa descendance : moi. Je comprenais dès lors la ferveur dont il avait fait preuve pour rentrer à mon service. C'était pour honorer la mémoire de Téné. Et moi qui pensais qu'il prenait simplement cette responsabilité à cœur... Jusqu'à présent, je n'avais jamais vu le vide qui l'habitait. Un vide que seule ma chère demi-sœur était capable de combler. Ténébris était certainement son phare dans sa vie. Il était évident qu'il ne pourrait supporter de la perdre à nouveau. Néanmoins, cette affaire soulevait certaines questions. Je ne cessai de me demander comment elle avait pu survivre à sa blessure.
  Sortis de la voiture, nous repartîmes en direction d'Orléans. Tout le monde souhaitait voir Jeanne pour ses exploits militaires. Entrés dans le bourg, nous fûmes accueillis par une foule noire de monde qui nous acclamait. Tous en admiration devant nous, la population nous prenait pour le prodigieux miracle de l'année ! Comme à l'accoutumé, l'élue encouragea les gens à continuer d'espérer. Elle assurait une levée prochaine de ce siège, sans savoir réellement quand. Lorsqu'on lui disait qu'elle avait beaucoup de courage, elle répliquait toujours que c'était surtout eux qui en avaient. Ils avaient survécu à un siège qui s'éternisait, sans jamais céder. Lorsqu'on lui disait qu'elle était bel et bien l'envoyée de notre Roi des Ciel, elle rappelait qu'elle était surtout celle du peuple. Une élue du peuple. À quoi cela servait-il de venir des cieux sans être adopté par la population ? Enfin, lorsqu'on lui disait qu'elle était audacieuse d'aller sur les champs de batailles, elle répliquait que n'importe qui pouvait y être et s'y battre. Il suffisait de connaître les rudiments du combat, avoir un peu de courage et de foi en sa cause.
La journée s'acheva par un conseil de guerre. Avec une atmosphère correcte, nous décidâmes d'attaquer les forts anglais du sud. C'était à cet endroit que les Anglais étaient les plus faibles. Il y avait trois forteresses : le Saint Jean le Blanc, les Augustins et les Tourelles. Notre choix se porta sur la première bastille. Pourtant, La Pucelle avait un mauvais pressentiment. Elle décida de ne pas en tenir compte et de faire confiance à nos chefs. Tant qu'aucune vision ne l'en dissuaderait, elle suivrait ce plan.

6 mai de l'an de grâce 1429, aux aurores, nous observions les remparts d'Orléans. Nos commandants à nos côtés, le bruit du bourg nous inquiétait.
-Que se passe-t-il ? finit par demander Xaintrailles.
Personne ne fut en mesure de lui répondre. Jacques de Chabannes de La Palice, nommé second de Jean d'Orléans, se rapprocha de nous pour mieux écouter la conversation. Finalement, André de Rambures prit la décision d'aller voir ce qu'il se passait. Ce mouvement de foule était très inhabituel.
  Une dizaine de minutes plus tard, il réapparut dans notre champ de vision. Il stoppa sa monture et nous apprit ce qu'il se passait derrière les portes de la ville :
-Suite à vos exploits Jeanne et à votre passage, la population a décidé de créer une milice. Il paraît que, grâce à l'espoir que vous avez dessiné, ils veulent à tout prix participer à la libération de leur ville. Cette fameuse milice souhaite donc intégrer nos rangs.
Alors que nos commandants s'échangeaient des regards embarrassés, un immense sourire apparut sur les lèvres de notre guerrière et une grande fierté grandissait en elle :
-C'est une excellente nouvelle ! Ils ont trouvé la foi de venir se battre avec nous !
-Mais on ne peut pas permettre leur venue ! s'opposa un nouveau commandant, Jean de Bueil. On ne peut pas les envoyer à la mort !
-Et vous voudriez réduire à néant leur combattivité retrouvée ? interrogea froidement Razzia. Pour une fois que ces habitants ont un bel objectif, ce serait idiot de les frustrer.
-Nous ne voulons pas perdre tout le monde, murmura Thibault d'Armagnacs embarrassé.
-Cela n'arrivera pas, leur assura Gryf. Les bruits qu'ils font nous montrent qu'ils possèdent le plus important : la rage de se battre.
-Ce n'est quand même pas une bonne idée, s'opposa Louis de Bourbon-Vendôme. Ils vont se faire massacrer !
-Avez-vous connu une immense rage ? interrogea alors le rouquin. Celle qui vous parcourt de tout votre corps et qui vous fait bouillir ? C'est cette rage qu'ils possèdent et qu'ils leur permettront de triompher. Même les élites des élites ne peuvent rien face à cette furie.
Nos commandants s'échangèrent des regards inquiets. Embarrassés par la situation, ils ne savaient que faire. Après tout, la milice représentait trois mille civils armés. Comme à l'accoutumé, ce fut Jeanne qui eut le dernier mot. Elle disait que cette milice était un cadeau et une preuve du courage et de la volonté d'Orléans. Pour elle, il fallait qu'elle se fût jointe à l'armée régulière. Ce serait gagnant-gagnant : les soldats protégeraient les bourgeois tandis qu'ils ramenaient le moral aux troupes. Chaque personne était utile pour ce genre de situation. Un dernier échange de regard et ce fut une réponse positive à leur venue.

L'appel de JeanneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant