« Printemps de l'an de grâce 1425, j'avais treize ans. Une magnifique période de l'année que j'adorais. Comme certains jours, je vis mon frère aîné s'armer de la charrue familiale pour labourer les champs. Joyeusement, je décidai de l'aider, malgré ce travail un peu virile. Attachés à des poteaux, des bœufs attendaient que je leur mette l'outil sur le dos avant de nous rendre aux champs. La récolte avait été plutôt bonne cette année-là. Malgré les taxes et la guerre, nous mangions à notre faim. Les animaux travaillaient bien et je n'hésitais pas à les récompenser en sacrifiant une petite partie de la récolte pour eux. Ce jour-là, ils avaient accompli un splendide travail et nous étions fiers d'eux. Vers la fin de la journée, quand le soleil se couchait, je les laissais dehors profiter du beau temps. Avec la récolte du jour, je me rendis dans l'étable et posais les sacs sur le tas. Je ressortis avant de me diriger vers la forêt. Comme une fillette, je courais avec une belle vivacité. Alors que je m'allongeais dans l'herbe épuisée par mon élan de folie, un vent violent se mit à siffler dans mes oreilles. Je me laissais bercer au gré du sifflement. Soudain, une voix sortie de nulle part résonna dans toute la clairière où je me trouvais. Avec une voix semblable à celle d'une divinité, elle m'appela. Intriguée, je m'assis et inspectai le lieu du regard. Personne. Croyant avoir rêvée, j'hochai les épaules avant de me rallonger. Mais alors une nouvelle voix se mit à parler à son tour. Je me figeai : j'entendais des voix ! Je tentais de me calmer du mieux que je pouvais. Je devenais folle... ou maudite ! Inquiète, je me relevai tremblante et hurlais-je :
- LAISSEZ-MOI !!!
- Jeanne, reprit la première voix, écoute-nous.
- Pourquoi ?? Qui êtes-vous ?? Et que me voulez-vous ?
- Jeanne, je suis Sainte Marguerite. Je suis accompagnée par l'Archange, Saint Michel et de la Sainte Catherine.
- Pourquoi vous croirais-je ?
Sans me laisser le temps de terminer ma phrase, trois silhouettes apparurent. Les deux saintes étaient représentées comme dans les tableaux des églises alors que le dernier avait une allure chevaleresque. Tous avaient une matière de fantôme. Plus pâle qu'un mort et plus effrayée que le plus peureux des peureux, je reculais avant de me retrouver dos à un arbre.
- Nous crois-tu à présent ? me demanda Saint Michel.
J'acquiesçais. Pour les croire, je pouvais le faire ! Ce n'était pas tous les jours qu'on pouvait voir ce genre de représentation. Pourtant, une petite partie de moi me criait que j'étais dingue.
- Jeanne, me dit Sainte Catherine, je sais que ceci est très impressionnant mais si nous sommes là, ce n'est pas par hasard.
- Jeanne, continua l'autre Sainte, ce que nous allons te demander est difficile mais tu es la seule qui puisse le faire.
- Tu dois conduire le Dauphin à Reims pour le faire sacrer « Roi des Français » et bouter les Anglais hors de France, me révéla finalement l'archange. Libère le Royaume de France de l'envahisseur.
- Mais comment ?? Je ne suis qu'une simple paysanne !
- Tu ignores tant de tes capacités mon enfant ! reprit le saint calmement. Ce n'est pas un hasard si tu es l'élue. Tu as toutes les clefs en main pour réussir.
- Développe tes compétences et le résultat pourra te surprendre toi-même, continua Sainte Marguerite. Apprends à manier l'épée, apprends à te battre !
- Et surtout n'oublie jamais qui tu es, acheva la dernière sainte. Sois entièrement toi-même, continue d'être aussi pieuse et bonne que tu l'es. Aide toujours ton prochain. Ne l'oublie pas Jeanne.
Mon nom résonnait encore dans ma tête lorsqu'ils disparurent. Je n'arrivais pas à croire ce qu'il venait de se produire. J'étais désemparée. Je ne savais plus quoi penser de tout cela. Alors je ne pris pas leur demande au sérieux. Néanmoins, j'avais eu l'envie de « développer mes clefs ». Ainsi, je commençais à apprendre l'art du combat chez le jeune Danael, âgé à l'époque de neuf ans.Les années qui suivirent, je m'éloignais de plus en plus des gens de mon âge et à me rapprocher de Danael. Hormis celui-ci, les autres camarades me trouvaient bien trop pieuse et que je perdais mon temps à la chapelle de Bermont ou à l'église. Ce que je faisais vraiment là-bas était des confessions pour tenter de me faire pardonner l'inachèvement de la tâche que l'on m'avait confié. En effet, plus le temps passait, plus les voix revenaient et insistaient. Qu'est-ce que je pouvais devenir ? Tout ceci me terrorisait tant ! Malgré les années qui passaient, je n'osais n'en parler à personne, en continuant d'améliorer mes capacités de guerrière. Je rompis mes fiançailles avec mon promis, au grand désarroi de mes parents. En aucun cas, je souhaitais cette union et me soumettre à un homme.
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L'appel de Jeanne
Casuale« Depuis quelques temps, notre armée connaît des défaites cuisantes. Nous avons tous subi les conséquences de cet affreux conflit. Des batailles intérieures vivront sûrement à jamais dans nos âmes. Mais nous devons les utiliser pour en faire des com...