Chapitre 30

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   Petit rappel :
Jadina = Bertrand de Poulengy
Bonne lecture !

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  Dès le lendemain, au petit matin, nous nous déplaçâmes vers le Port Saint-Loup, tout près du fort Anglais que nous souhaitions attaquer. Je ne comprenais vraiment pas l'intérêt. Pourquoi se rendre devant, en face de cette tour alors que personne n'allait charger ? Autant se mettre à découvert et se jeter dans la gueule du loup ! Je ne comprendrais sans doute jamais leur logique. Les Anglais prendraient notre démarche pour une menace et attaqueraient ! À mon sens, c'était la pire idée qu'ils avaient eu. Qu'espéraient-ils ? Voir les renforts arriver par voie maritime ? C'était ridicule, le vent ne leur était guère favorable.
  Une heure plus tard, nous étions arrivés extrêmement proche des rives du port. Observant autour de nous, la rivière était relativement calme. Et nous pûmes voir une unité se détacher du convoi.
-Au moins, commenta Danael, ils ont eu l'intelligence d'en envoyer quelques unes pour empêcher la garnison anglaise de tenter quelque chose.
-Je ne comprends pas, soupirai-je. Ils ne veulent pas nous faire attaquer et pourtant ils envoient des hommes pour se battre ! Ceci est incompréhensible ! Nous ne demandions seulement l'ouverture d'une brèche pour approvisionner Orléans.
-Tu sais Bertrand, nos commandants ont leurs propres idées en tête. Mais nous sommes d'accord : celle-ci pourrait tourner à la catastrophe.
-Espérons que cela n'arrive pas.
Pendant le restant de la matinée, nous nous occupions du mieux que nous le pouvions. Parties de jeux divers, entraînements, observation de nos troupes, tout était prétexte pour se divertir. Jeanne était la seule qui pouvait nous donner son accord pour attaquer le fort anglais. Tout comme les deux cents volontaires, nous nous impatientions fortement. Quand allait-elle nous laisser le loisir de charger ?? Je n'en savais rien. Seulement que je faisais confiance en notre Pucelle qui semblait connaître tous les détails de son plan sur le bout des doigts. Comme si rien n'avait été laissé au hasard.
  Shimy et moi nous rapprochâmes de notre amie. Assise seule au ras du rivage, elle paraissait fixer l'étendue d'eau et d'attendre quelque chose. Qu'avait-elle vu dans ses visions ? Un horaire pour mener à bien son attaque ? Certainement. Pourtant, la fileuse n'avait pas la même impression. Observant ses cheveux voler au gré du vent, elle ne pouvait seulement penser que ceci n'était pas normal. Ayant analysée les quatre éléments de la matière depuis toute petite, elle avait apprit beaucoup de choses dessus. Et elle affirma que Jeanne tentait de contrôler l'air. Au début, je ne la crus pas. Contrôler l'eau était une chose. Contrôler le feu en était une autre. Mais contrôler l'air ?? Non, ce n'était pas possible ! Nous ne pouvons le toucher ! Shimy m'avoua bien que sa théorie était des plus dures à croire. Elle n'arrivait qu'à écouter le vent. Seulement la Pucelle pouvait être mise en contact avec des saints. Pourquoi pas avec l'air ? Sa supposition était tirée par les cheveux mais il y avait peut-être une part de vérité.

  Un quart d'heure plus tard, alors que nous n'avions toujours pas osé l'approcher, l'archer se figea sur place. Fermant les paupières, elle semblait écouter le vent. Je ne savais comment mais son visage serein pouvait me l'affirmer : un immense changement dans l'air était en train de se produire. Sentant toutes les brises de vents sur son visage, j'admirais sa capacité à analyser ce genre de choses.Comment avait-elle appris cela ? Comment pouvait-on sentir tous les courants d'air, même les plus faibles ? En tout cas, ce don n'était pas donné à tout le monde.
-Le vent a changé de sens, annonça-t-elle d'une voix neutre.
Pardon ??? Le vent aurait changé de sens brusquement ?? C'était impossible ! Il ne pouvait pas se retourner ainsi ! Pas en si peu de temps. La fileuse se retourna vers moi et réaffirma son information. Elle était formelle : le vent avait bien changé de direction.
Jeanne se releva et nous sourit. Rien qu'à voir son regard pétillant d'espoir, quelque chose me disait qu'elle avait contribué à ce changement.
-Il y avait bien une flotte de bateaux qui venaient sur Orléans, informa cette dernière devant nous. Seulement, le vent les acheminait en amont et étaient allés trop loin. Avec ce vent ayant changé de direction, nous pourrons enfin rentrer dans le bourg à la nuit tombée.
Un petit garnement arriva en trombe entre nos jambes. Se frayant un passage, nous vîmes Élysio se poster au milieu de nous trois. Nous retrouvant serrées avec la venue du nouvel individu, nous nous écartâmes un peu les unes des autres. Tout sourire, ses yeux pétillaient de malice :
-Vous m'emmenez avec vous ??
Nous nous observâmes du coin du regard, surprises par sa demande. Il était relativement jeune ; nous ne pouvions pas le mettre en danger. Certes, c'était un page assidu qui ne demandait qu'à en apprendre d'avantage chaque jour. Seulement, si les Anglais nous tiraient dessus, nous n'aurions rien pour le protéger des flèches. Ou pire : d'un combat au corps à corps. D'un regard entendu, la Pucelle s'approcha de lui et refusa sa proposition :
-Nous ne savons pas comment va tourner cette entrée. Nous ne voulons pas mettre ta sécurité en danger. Donc, notre réponse est non. Tu ne rentreras pas dans Orléans ce soir.
-Mais tu peux prévoir l'avenir ! protesta le petit en tapant du pied. Tu as même affirmé que ce siège serait levé !
-Certes, je l'ai affirmé car je sais que cela se produira. Mais je ne sais à quel prix. Et nous ne voulons pas que tu en fasses parti.
Peu content du résultat, Élysio repartit en boudant. Nous ne pûmes que hocher les épaules. Cela lui passerait. Et il pourrait voir de loin les combats.

L'appel de JeanneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant