Et c'est pas fini !

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Le vent continue inlassablement de souffler, dégageant mon visage fatigué de toute mèche rebelle. La discussion qu'entreprend Shawn et Andrew est grave, presque autant que le ciel au-dessus de nos têtes. Je l'écoute attentivement sans m'interposer.

— Je sais que chanter aux Philippines était important pour toi, mais malheureusement ce ne sera pas possible, annonce son manager avec toute la compassion dont il est doté.

— On ne peut pas avoir une autre date ?

— Non, c'est impossible. J'ai bien essayé mais la salle de concert est complète jusqu'au mois prochain.

— Et dans une autre salle c'est possible ? tente le chanteur dans un dernier espoir.

— Les autres sont situées dans des quartiers à risque alors je ne préfère pas. Ils sont assez instables, nous devons faire primer la prudence.

— Depuis quand est-ce qu'on s'interdit de faire de la musique sous prétexte que nous ne sommes pas en sécurité ? On a déjà fait des concerts dans les quartiers sensibles de Détroit et on est toujours en vie à ce que je sache.

— Il faut savoir être raisonnable Shawn.

Sa persévérance à vouloir amener sa musique dans des lieux « abandonnés », peu importe les risques, me touche. Il serait une sorte de Médecin Sans Frontière qui tente d'apporter l'espérance à des populations laissées à l'écart. Ma comparaison est sans doute forte, voir exagérée pour certains, mais j'ai appris que la musique pouvait être tout aussi importante que la médecine. Elle peut soigner des maux dont le domaine de la santé n'a encore aucun remède.

— C'est une maigre consolation, mais j'ai pu obtenir une séance de dédicaces dans un centre commercial de la ville, reprend Andrew. Elle a lieu dans deux heures donc ça te laisse juste le temps de te débarbouiller et de te changer.

Shawn se contente d'hocher la tête avant de disparaitre dans le van à la peinture métallique noire. Nous lui emboitons le pas afin de rejoindre l'hôtel situé au cœur de la ville. Assis à ma droite, son visage est figé dans une bouleversante déception. Ses yeux ne quittent pas le paysage défilant à travers les vitres teintées du véhicule, tandis que les miens ne cessent de fixer son profil.

Je connais ce sentiment d'impuissance face à une situation qui nous a échappé. Peu importe les paroles réconfortantes que l'on pourrait nous dire, cela ne changera rien. C'est pourquoi je m'abstiens d'utiliser des « désolée » et « ça va aller, ce n'est rien », ce n'est pas ce dont il a besoin à l'heure actuelle. Les mots se dissipent dans l'air alors que la présence d'une amie est immuable, et c'est mon rôle d'être cette personne qui lui permettra d'accepter la situation. C'est à moi d'être là pour lui aujourd'hui.

— Je peux venir avec toi à ta séance de dédicaces ?

Ma question suscite son attention, son regard chocolat s'écarquille sous mes yeux. Je maintiens le contact et visuel dans le but de lui montrer ma motivation à venir avec lui.

— Euh oui mais tu risques de t'ennuyer.

— M'ennuyer ? Dans un centre commercial ? Voyons Shawn, ce n'est pas un lieu que je peux trouver ennuyeux, dis-je tout en faisant voler les mèches de cheveux situées sur mon visage à l'aide du dos de ma main.

Mon immonde imitation de fashion-victime semble tout de même l'amuser tout autant que moi. Je lui décoche un sourire, changeant ses traits presque fanés en magnifiques fleurs dignes d'un printemps coloré. Je n'ai jamais été aussi fière d'une de mes imitations. Mon jeu d'actrice est certes lamentable, mais il a su rendre sa brillance à une étoile.

Grâce à elle [SM]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant