Grâce à elle [SM]

Surprise

Être une vulgaire spectatrice d'une pièce de théâtre que nous ne comprenons même pas est très frustrant. Je regarde cet homme inconnu enlacer chaleureusement Shawn sans savoir de qui il peut bien s'agir.

— Surprise mon grand ! s'écrit l'homme à la chevelure et barbe grisonnantes.

— Qu'est-ce que tu fais là papa ? l'interroge joyeusement Shawn tout en le serrant plus fort dans ses bras.

— J'avais envie de venir te voir alors j'ai profité de mes vacances pour te faire une surprise.

— Wow merci, ça me fait tellement plaisir que tu sois ici !

— Moi aussi je suis content de te retrouver, dit-il en lui tapant gentiment l'épaule. Ta mère et ta sœur n'ont pas pu venir, mais elles t'embrassent fort.

Ils échangent quelques banalités supplémentaires avant que Shawn ne me présente à Manuel, son géniteur. Il me tend sa main droite afin que je la serre, mais lui montre ma paume recouverte d'un gros pansement.

— Désolée, elle me fait encore un peu mal pour pouvoir vous serrez la main.

— Que t'est-il arrivé ?

— Elle s'est blessée avec des bouts de verre au centre commercial quand c'était la panique, intervient Shawn.

— Ah oui, l'histoire que tu m'as raconté au téléphone hier où un fou de la gâchette est venu perturber ta séance de dédicaces.

— C'est ça, confirme le canadien.

— Mais si tu es guitariste, comment comptes-tu jouer demain soir ?

La panique me gagne, Manuel vient à peine d'arriver et il met déjà ses deux pieds dans mon mensonge. Pour une première rencontre avec le père de Shawn, ce n'est certainement pas l'idéale.

— Oh ne vous en faites pas, je peux jouer sans problème, feins-je un sourire.

— Tant mieux, Andrew m'a dit que tu étais très douée avec une guitare dans les mains alors j'ai hâte de t'entendre jouer.

Ses sourcils froncés ne me trompent pas, il n'a pas cru un traitre mot de ce que j'ai pu lui dire. Mes « talents » de menteuse ne parviennent pas à le tromper, il attend simplement le moment propice pour me mettre au pied du mur.

Shawn, complètement accaparé par la soudaine venue de son père, lui demande joyeusement combien de temps il compte rester en notre compagnie. Lorsque j'entends « une semaine » en guise de réponse, je ravale bruyamment ma salive. Sept longs jours à côtoyer cet homme me rappelant l'un de mes professeurs d'histoire-géographie en high school. Je ne me souviens peut-être plus de son nom, mais ses cheveux grisonnants, ses grosses lunettes dont la monture ne fait pas le tour complet des verres, et sa bedonne sont restés gravés dans ma mémoire. Malgré cette similitude physique, je crois me souvenir que Manuel est un entrepreneur et non un professeur.

La nuit est tombée sur la baie de Sydney, l'air devient plus respirable, nous en profitons pour envahir la terrasse d'un petit restaurant en ville. Le père de Shawn étant juste à côté de moi, je fais des efforts surhumains pour tenir convenablement ma fourchette. Je sens son lourd regard être à l'affut du moindre de mes gestes, je suis constamment sur mes gardes au point d'en devenir presque paranoïaque.

— Et sinon Mélanie, comment est-ce que tu vis la tournée pour le moment ? me demande-t-il après avoir posé la même question à son fils.

— Au début, c'est vrai que c'était assez difficile d'accepter de monter sur scène avec des gens que je ne connaissais pas et devant une foule immense.