Chapitre 34 (réécrit)

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La première fois que j'ai posé mes yeux sur elle, à son arrivée en classe, elle n'était qu'une élève parmi les autres. Jamais je n'aurais pu imaginer ce qu'allait devenir notre relation, d'ailleurs je n'aurais jamais pensé entretenir une autre relation que celle entre un professeur et son élève.

Le premier jour, lorsque nos regards se sont croisés, j'ai immédiatement été hypnotisé par ses yeux, de magnifiques yeux vairons. Son regard est l'une des nombreuses choses que j'aime chez elle. Il est tellement énigmatique, ne laisse rien transparaître, c'est absolument fascinant. Voilà le mot, fascinant. Elle est fascinante.

Je me rappellerais toujours de notre premier contact. Elle avait été très distante, et ce, pendant plus d'un mois et demi. Quand elle m'avait expliqué avec une pareille froideur que sa mère était morte, j'ai cru qu'elle rigolait, bon d'accord, qui rigolerait de ça ? Mais elle me l'avait dit d'une telle façon qui me faisait penser qu'elle ça ne la touchait plus.

J'ai longtemps cru qu'elle était dénuée de tout sentiment simplement parce que lorsque le proviseur lui a annoncé que Lou est morte, au moment où elle est montée dans ma voiture elle n'a pas lâché une seule larme. Sur le coup je n'avais pas compris car si Louis venait à mourir brutalement je serais dans un sale état, alors que ce n'était absolument pas son cas. Plus tard j'avais compris qu'elle avait souffert du décès de son amie mais elle ne l'a tout simplement pas laissé paraître.

Quand j'ai doucement commencé à détruire la carapace qu'elle avait autour d'elle, j'ai découvert une toute autre fille. Une fille pétillante, intéressante et mature. Chacun des moments passés ensemble me donnait envie de la découvrir encore plus, et ce indépendamment de l'idée stupide de Romain. Alors la seule solution que j'ai trouvée pour passer du temps en sa compagnie était qu'elle m'aide dans la composition des partitions pour la représentation de la fin d'année.

Durant ces cours particuliers, j'avais l'occasion de pouvoir discuter avec elle plus naturellement, comme elle l'avait dit, j'avais troqué mon costume de vieux con pour un professeur plus appréciable. Au fur à mesure que les choses avançaient, mon meilleur ami, Louis, ne cessait de me mettre en garde. Il me disait que ça ne valait pas le coup de risquer mon travail pour un simple fantasme. Il n'était pas au courant du défi proposé par mon colocataire mais ça allait bien plus loin que ça. La vérité est qu'elle n'était pas qu'un simple fantasme. Je m'étais épris d'Anna. Je ne pouvais tout simplement plus m'éloigner d'elle.

Je m'en suis rendu compte lors du voyage à Moscou, lorsque qu'il a fallu que j'aille la chercher à l'endroit où elle s'était perdue. Quand je l'avais récupéré je savais que l'on devait retourner à l'hôtel et je savais aussi comment y retourner rapidement mais j'avais tout fait pour rallonger le moment qu'on allait passer ensemble. Et je n'avais pas l'impression que ça la dérangeait.

Lorsque ce soir même elle m'avait raconté pourquoi tout le monde pensait que si Couriot était viré c'était à cause d'elle, je dois bien avouer que je ne m'attendais pas à ça. Je pensais vraiment qu'il s'était passé quelque chose entre les deux et j'attendais qu'elle me le confirme pour que j'arrête de m'intéresser à elle parce qu'autrement, elle allait me foutre dans la merde plus qu'autre chose. Et malheureusement pour moi il avait fallu que cette histoire n'ait jamais eu lieu, ce qui me poussait encore plus vers elle. J'avais envie de la posséder, de faire en sorte qu'elle aussi elle ressente ce que je ressente. Lorsque j'ai tenté de l'embrasser et que ma collègue nous a interrompu, j'aurai pu l'encastrer dans un mur pour m'avoir interrompu dans quelque chose que j'attendais depuis des semaines.

Ce n'était qu'en retournant dans ma chambre que j'ai réalisé l'ampleur de la situation, j'en avais alors parlé à Louis qui m'avait dit quoi faire, exactement ce que je ne voulais pas. Mais malheureusement, il fallait que je m'éloigne d'elle au plus vite avant que tout ça ne dégénère et que je perde le contrôle de la situation. J'avais alors coupé tout contact avec elle, j'avais arrêté les cours particuliers du vendredi soir, j'avais arrêté de l'aider durant ces cours de musique et j'avais arrêté de m'intéresser à elle. J'avais tout arrêté en ce qui la concernait. Mais rien ne m'aidait à me la sortir de ma tête. Au contraire, plus je la repoussais, plus je la voulais.

M. Korsanov Où les histoires vivent. Découvrez maintenant